Violences majuscules, minuscules…

25 novembre 2017 - Tribune de Sophie Carquain, journaliste, écrivain du roman graphique «Simone de Beauvoir, une jeune fille qui dérange» (Marabulles).

Nous vivons un moment historique. Après avoir été minimisées, négligées, occultées, les violences faites aux femmes sortent de l’ombre. Enfin ! Elles apparaissent en pleine lumière, avec des statistiques qui font mal…
#Balancetonchiffre : 225.000 femmes chaque année sont victimes de violences physiques et/ou sexuelles de la part de leur conjoint, 123 femmes y ont laissé leur vie en 2016 et 1/3 des Françaises auraient subi un harcèlement sexuel.

Depuis l’affaire Weinstein, nos dîners entre filles se sont ouverts à d’autres confidences. Et, de la bouche de nos amies, celles que l’on croyait connaître, ont surgi des secrets douloureux : Camille a failli être violée au métro Porte de Vincennes, plaquée contre un mur, en plein jour, devant des centaines de passagers ; Sophie a subi des attouchements à 13 ans au cinéma, pendant un film pas du tout érotique, pour lesquels elle n’a pas su se défendre ; Leila a subi une relation sous contrainte par son meilleur ami, chez qui elle avait trouvé refuge. Eberluées, nous avons toutes entendu, soudain, ces #metoo, comme si un verrou social avait sauté. Comme si cette mémoire traumatique collective, rouillée pendant de longues années, s’était dégrippée d’un seul coup.

Pourquoi donc cette parole se libère-t-elle maintenant ? Quelle sorte d’intuition a eue notre Président quand il a décrété que la cause des femmes, l’égalité femmes-hommes allait devenir la grande cause nationale de son quinquennat ? Savait-il à ce point que, la jeune femme à qui il a fait confiance, notre Secrétaire d’Etat à l’Egalité, allait relever le défi avec un tel panache ? Elle ne laisse rien passer, Marlène Schiappa, Et elle a raison. Elle est sur tous les fronts : sur les violences majuscules, évidentes, visibles, et toutes les autres.

Je me plais à dire qu’elle a initié un « féminisme Kaizen », le féminisme des petits pas (1). Il n’y a pas de petit problème à cette grande cause. Quand il faut combattre les propos homophobes elle est là. Elle est là aussi pour dénoncer une couverture des Inrocks, pour s’insurger contre l’hommage de la Cinémathèque à Roman Polanski ; elle est là, encore, pour parler de viol, aux côtés d’Asia Argento….Elle est aussi là pour dénoncer une publicité honteuse qui propose aux étudiantes fauchées de rencontrer des « hommes riches ».

LES VIOLENCES ET FOLIES MINUSCULES.

Car la violence faite aux femmes est partout. Pas uniquement dans les coups portés par le conjoint, pas uniquement dans les viols. Elle sévit au quotidien, dans la différence de salaire entre homme et femme, elle rôde, menaçante, quand une adolescente se fait siffler dans la rue- comme une belle pâtisserie dans la vitrine- et que, le lendemain, elle baisse la tête, rentre les fesses, courbe le dos, et réduit progressivement son « womanspreading », voire son espace vital… Bref, quand elle commence, déjà à s’auto-censurer… Elle est aussi là, dans les réunions, quand on est interrompue à tout bout de champ, ou qu’un homme est préféré pour un dossier «high tech», sous prétexte d’hémisphère gauche plus performant.
Enfin, elle est là, aussi- et c’est le plus choquant, dans la violence faite à nos filles. Nos filles qui, à l’autre bout du monde, sont exclues de l’école ; nos filles qui, ici, oui, en France, continuent à s’auto-censurer par manque de confiance en elles ; parce que l’on porte toujours plus haut les garçons ; nos filles encore et toujours victimes de stéréotypes sexistes.

Le prochain défi, après avoir signalé les violences majeures- forcément prioritaires, cela va de soi- sera de reconnaître les petits coups portés en douce. Les violences et les « folies minuscules » pour reprendre un mot du psychanalyste Jacques André. Ne doutons pas que Marlène Schiappa là encore, les rende à la lumière.

(1) Le kaizen est un processus d'amélioration continue fondé sur des actions concrètes, simples et peu onéreuses.

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