Quand les rêves sont limités, les destins sont brisés

22 janvier 2021 - Prisca Thévenot, porte parole du Mouvement et responsable nationale en charge de la lutte contre les discriminations, nous explique pourquoi la loi confortant les principes républicains est indissociable d'un travail de fond pour l'égalité des chances.

« Prisca ! », une voix derrière la porte m’appela.
Ça y est ! Dans cette salle d’un collège de REP+ dans le 93, j’allais enfin connaître mon avenir ! Le rendez-vous tant attendu avec la Conseillère d’Orientation, c’était maintenant. Elle examina mes bulletins de note avec attention puis, sans prévenir, sa voix raisonna.

- « Tu es une très bonne élève ! Et que veux-tu faire ?», me dit-elle
- « En fait, je ne sais pas vraiment ce que je veux faire. J’aimerai me laisser le plus de portes ouvertes pour la suite. J’ai entendu parler de classes préparatoires. », lui répondis-je alors.
Je vis immédiatement que l’expression très chaleureuse qui illuminait le visage de mon interlocutrice se transforma en inquiétude et presque en tristesse quand elle m’entendit prononcer les mots de « classes préparatoires ». Sa réponse m’étonna :
- « Tu es indéniablement une bonne élève. Tu auras ton BAC sans nul doute et tu pourras ainsi aller facilement à l’université Paris 8, à Saint-Denis. Mais pour cela, tu dois bien travailler et ne pas baisser les bras. Encore bravo pour ton parcours. Peux-tu dire au suivant de rentrer s’il te plait ? »

5 minutes de conversation qui devaient déterminer mes 5 prochaines années … elles-mêmes déterminantes pour la suite de ma vie. Personne n’est à blâmer dans cet échange, pourtant si banal et destructeur de rêve. Ce qu’il montre est simple : lutter contre les discriminations n’aura aucun effet sans une politique volontaire pour l’égalité des chances, aussi bien dans les actes que dans les discours. Le projet loi confortant les principes républicains apporte une réponse globale, à des sujets structurels qui minent notre promesse collective à sa racine.
La République en Marche, s’inscrit dans cette démarche et veut aller plus loin en proposant des mesures courageuses grâce auxquelles état, régions, intercommunalités, villes pourront travailler main dans la main, unis autour de sujets qui dépassent les clivages politiques.


  • La première des inégalités de destin se décide à l’école.

Il est injuste de dire que l’école est un accélérateur d’inégalités et de reproduction sociale. Les professeurs et les personnels encadrants font ce qu’ils peuvent. En revanche, ce qui est vrai, c’est que notre système éducatif ne parvient pas à compenser les inégalités sociales, culturelles, économiques d’origine.

En France, le déterminisme social dans les résultats scolaires est parmi les plus élevés des pays de l’OCDE. En effet, à niveau académique égal, un élève issu d’un milieu favorisé a ainsi deux fois plus de chances d’accéder à une seconde générale ou technologique qu’un élève de milieu défavorisé. Bien évidemment, nous avons en tête des contre-exemples de jeunes qui « s’en sortent », notamment lorsqu’ils peuvent bénéficier d’un soutien de leur famille ou de certains professeurs.
Mais dans l’ensemble, statistiquement, les jeunes issus de milieux défavorisés ont moins de chances que les autres d’atteindre la réussite scolaire. Or, il n’est plus à prouver que cette réussite scolaire est déterminante en France pour la suite du parcours de chacun : dans la vie professionnelle et donc pour l’épanouissement personnel.

C’est pourquoi le ministère chargé de la ville et du logement et le ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse ont décidé de mettre en œuvre, dès le début du quinquennat, des mesures fortes à chaque étape du parcours scolaire. Les Cités éducatives s’inscrivent dans le cadre des mesures prises: scolarisation obligatoire dès 3 ans, dédoublement des classes en CP et CE1, Plan mercredi, "Devoirs faits", prime Rep+, petits-déjeuners à l’école, etc. Les résultats de ces mesures sont là et nous devons continuer dans ce sens. Comment ? En mettant en place par exemple une campagne nationale de mentorat. L’idée n’étant pas de se substituer aux conseillers d’orientation mais de venir les renforcer avec une approche portant sur les « rôles modèles ».
Aujourd’hui, seuls les modèles de la réussite exceptionnelle d’un petit nombre dans les milieux sportifs, culturels ou autres sont mis en avant. Chaque enfant a besoin de perspectives accessibles et surtout en lien avec ses aspirations. Un dialogue basé sur le retour d’expérience entre un mentor et un mentoré peut changer beaucoup de chose notamment dans l’esprit d’un jeune : dans la perception de ses capacités, de ses possibilités mais aussi sur le sujet de la confiance en soi.


  • Le CV ne doit plus être une prison.
Tout le marché de l'emploi est en mutation et le savoir-être est de plus en plus attendu par les employeurs. C'est une bonne nouvelle. La prise en compte de ces compétences non académiques n’est pas récente. Il est en effet fréquent de voir en fin de CV ou dans un tout petit coin à gauche du CV, quelques qualités, dites « soft skills » mises en avant par les candidats. Mais celles-ci ne sont clairement pas réellement prises en compte. Elles sont là pour rassurer et pas pour convaincre le recruteur. Or, ces compétences sont devenues indispensables, surtout en période de crise, elles illustrent la capacité d'adaptation d'un candidat. Elles lui permettent d'aller au-delà de l'expertise du métier.

Ainsi nous devons encourager chaque jeune à faire état sur son CV de ses compétences humaines mais aussi de ses engagements : activité au sein d’une association, action au sein d’un établissement scolaire, etc. Les entreprises privées doivent également devenir de bon réceptacle de cette information et être encouragées à parfaitement les prendre en compte.
D’ailleurs, la mise en place du SNU (service National Universel) va dans ce sens : en permettant à chaque jeune de se construire des compétences « non académiques ». Car si sa mise en œuvre poursuit des objectifs tels que la transmission d’un socle républicain, le renforcement de la cohésion nationale ; il permet aussi et surtout de participer à l’émancipation de la dimension humaine de la jeunesse, complémentaire de l’instruction obligatoire.


  • L’assignation à l’identité est trop souvent oubliée.
On a coutume d’entendre parler de l’assignation à résidence et très peu de l’assignation à l’identité. Si les deux notions ne s’opposent pas, les deux doivent être combattues, de façon ferme, concrète et surtout urgente ! En effet, selon le Ministère de l’Intérieur, le nombre de faits racistes et xénophobes a augmenté de 130 % en 2019 en France. Les discriminations sont de redoutables terreaux d’amertume des citoyens et de rejet de la République.

L’universalisme républicain n’est pas un concept hors-sol, il doit s’incarner dans la vie quotidienne de chacun aussi bien dans l’entreprise, que dans les médias ou dans nos administrations. Pour avancer sur ces sujets il faudra passer par des mesures contraignantes : respect de nouvelles obligations en matière de lutte contre les discriminations au sein des entreprises, surveillance et sanction si besoin des médias qui ne veillent pas à une juste représentation de la diversité dans leur contenu, au travers d’instances comme le CSA. L’ascension sociale se vit autant qu’elle se voit. Si les médias participent à formater les représentations et les préjugés, il est de notre rôle de veiller à l’équilibre dans les représentations.

Autre point sur cet aspect : le secteur public. N’oublions pas que le premier employeur en France est l’Etat lui-même. Il convient donc de renforcer l’accès au concours de la fonction public et de veiller à la bonne mise en place d’une stratégie de mobilité ascendante au sein des administrations. La diversité ne doit pas disparaitre au sommet des administrations.


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