Tribune - Mounir Mahjoubi et Didier Casas : Lutte contre le terrorisme et numérique

11 avril 2017 - Lutte contre le terrorisme et numérique : compléments d’information

Lutte contre le terrorisme et numérique : compléments d’information


Emmanuel Macron a présenté le 10 avril ses propositions concernant la lutte contre le terrorisme. Parmi les thématiques sur lesquelles il a considéré qu’il était nécessaire d’avancer des propositions, Emmanuel MACRON a relevé que l’internet étant devenu un des moyens essentiels utilisés par les terroristes – soit à des fins de propagande, soit à des fins de communication opérationnelle – il devait également devenir un instrument décisif de la lutte contre le terrorisme. Pour cela, il a fait une série de propositions qui ont suscité des commentaires.

Nous souhaitons apporter les compléments suivants.

Concernant le retrait des contenus dangereux, la loi prévoit d’ores et déjà des mécanismes par lesquels on peut demander aux fournisseurs de prestations internet ou aux opérateurs de communications électroniques de retirer de la toile des contenus qui seraient choquants, provoquants ou de nature à heurter les sensibilités. Sont visés en particulier les contenus produits ou diffusés par certaines mouvances djihadistes ou tenant d’un islam radicalisé. Nous savons que des efforts importants ont été consentis par les différents acteurs. La proposition consiste à garantir l’effectivité de ces mesures en veillant qu’après un signalement, le retrait soit effectué sans délai. Il s’agit de tout mettre en œuvre pour limiter au maximum l’œuvre destructrice de la propagande.

S’agissant du contenu des informations échangées sur des réseaux ou via des messageries instantanées, la position de principe d’Emmanuel Macron repose tout à la fois sur l’attachement absolu au secret des correspondances et le souhait que les services de sécurité puissent accéder au contenu des informations échangées par des terroristes ou des personnes surveillées. Dans un pays démocratique et un Etat de droit, le respect des libertés ne doit pas empêcher la garantie de la sécurité des citoyens.

Un tel accès s’agissant des informations échangées sur les réseaux des opérateurs de télécommunications traditionnels est prévu par loi depuis longtemps avec un mécanisme de réquisition et d’interception de sécurité entouré d’un certain nombre de garanties pour les libertés. Devant l’aggravation du risque terroriste, l’idée est de parvenir à un dispositif comparable dans lequel les services de sécurité d’un pays démocratique puissent adresser aux entreprises opératrices de ces services de communication, des demandes d’accès à certains contenus échangés. Il faudra bien entendu concevoir les modalités concrètes de fonctionnement de ce système de réquisition légale qui serait placé sous le contrôle d’une autorité indépendante

Afin de lever toute ambiguïté, dans le cas des informations chiffrées par le prestataire lui-même, nous souhaitons préciser que la proposition ne consiste pas à obtenir la communication des clés de chiffrement utilisées par les prestataires de service numérique mais d’accéder aux contenus préalablement déchiffrés par eux-mêmes.

S’agissant des communications par messageries chiffrées de bout en bout, le prestataire de service ne disposant pas des clés de déchiffrement des messages, on ne peut obtenir de lui le déchiffrement des données échangées par ce mécanisme. Cependant, ces messageries disposent d’autres informations qui peuvent être essentielles aux enquêtes. Aujourd’hui, certaines de ces entreprises de messageries, refusent de coopérer avec les services de police, d’enquête et de justice ou le font dans des délais qui rendent inutiles les informations transmises. Il est donc essentiel d’appliquer à ces opérateurs des obligations de coopération et de traitement des demandes.

Plus généralement, nous tenons à affirmer qu’il n’est évidemment pas dans les intentions d’Emmanuel Macron de porter atteinte aux principes de fonctionnement des méthodes de communication moderne basées sur le chiffrement. Le chiffrement a permis d’améliorer la sécurité des échanges d’informations, pour tous les citoyens, les journalistes, mais aussi et surtout les entreprises qui luttent chaque jour contre l’espionnage industriel.

La proposition faite par Emmanuel Macron consiste à regarder la réalité en face. Les problèmes de sécurité existent et il ne sert à rien de les nier. La France, comme tous les pays démocratiques, est sous la menace d’actions terroristes terriblement meurtrières. Leurs auteurs utilisent, tout le monde le sait, les ressources de l’internet comme outil de propagande et pour échanger des informations qui, si elles pouvaient être captées à temps par les services de sécurité, permettraient de déjouer un certain nombre d’attentats.

Nous sommes tous deux, comme citoyens et dans nos expériences professionnelles, très attachés au développement d’internet et de la société numérique. Mais il nous semble aussi, en conscience, qu’il n’est plus possible d’écarter d’un revers de main la demande légitime de sécurité et qu’il faut trouver les moyens d’engager une discussion franche avec les acteurs du monde de l’internet. Nous sommes parfaitement conscients que le sujet est techniquement complexe et que le chemin politique, diplomatique et juridique pour avancer vers l’objectif est semé d’embuches. Mais cela mérite, comme Emmanuel Macron l’a suggéré qu’une initiative, qui sera nécessairement européenne, puisse être prise.




Mounir Mahjoubi, directeur de la campagne numérique

Didier Casas, conseiller du candidat pour les questions régaliennes

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