Tribune - Jean Pisani-Ferry : Les objectifs contradictoires de François Fillon

18 avril 2017 - Pour Jean Pisany-Ferry, directeur programme et idées pour la campagne d’Emmanuel Macron, les objectifs affichés par François Fillon sont contestables et incompatibles.

François Fillon affiche deux objectifs à l'horizon 2022. Le premier est de repousser l'âge légal de la retraite de 62 à 65 ans, pour 20 milliards d'euros d'économies sur les retraites ; le second de réduire de 500.000 le nombre des agents publics.

Deux objectifs très contestables : le premier parce que rien n'impose aujourd'hui d'augmenter ainsi l'âge de la retraite, alors que les cotisations couvrent désormais l'essentiel des dépenses de pension à horizon de vingt ou trente ans ; le second parce que réduire aussi fortement les effectifs publics, alors même qu'il nous faut faire face au vieillissement, réinvestir dans l'éducation et renforcer la sécurité, conduirait à une saignée dans les secteurs qui subiront l'ajustement. Mais il y a plus : ces deux objectifs sont incompatibles. Voici pourquoi.

Des mesures brutales

Commençons par les examiner séparément. Réduire de 20 milliards la masse des pensions à l'horizon 2022 suppose une hausse très brutale des âges de départ à la retraite, bien loin du gradualisme affiché par le candidat. Comme l'a montré le Conseil d'orientation des retraites, repousser de trois ans l'âge légal de la retraite d'ici à la fin du quinquennat ne procurerait que 13 milliards.

Et pourtant, cela impliquerait que la génération 1958 parte en 2023 au lieu de 2020. Pour dégager 20 milliards d'économies, il faudrait, en outre, porter l'âge de départ à la retraite à taux plein de 67 à 70 ans, et donc concrètement obliger tous ceux (et surtout celles) qui n'auront pas accumulé le nombre de trimestres voulu à partir à 70 ans, ou bien avec une pension plus faible. On est très, très loin du gradualisme.

Réduire de 500.000 les effectifs publics suppose à la fois de ne remplacer qu'un fonctionnaire sur deux (ce qui réduirait les effectifs de 250.000, puisqu'il y a un peu plus de 100.000 départs chaque année), et de supprimer en cinq ans un quart des emplois de contractuels (250.000, notamment dans le médico-social, l'éducation et les collectivités territoriales).Ici encore, c'est une réforme brutale, synonyme de dégradation du service. Et aussi une mesure coûteuse, si l'on demande aux fonctionnaires expérimentés de travailler plus - en les payant plus - plutôt que de recruter des jeunes.

Deux politiques irréalistes

Mais il y a plus : François Fillon veut conduire ces réformes simultanément. Or si l'âge de départ à la retraite des fonctionnaires est retardé, les flux de sortie vers la retraite seront moindres et les réductions d'effectifs induites par le non-remplacement d'un départ sur deux minorées. Les deux objectifs sont donc contradictoires.

Arithmétiquement, le nombre de départs à la retraite de fonctionnaires sera ainsi réduit de 500.000 à moins de 250.000 sur le quinquennat. Il faudra alors, pour supprimer 250.000 postes, ne remplacer aucun départ à la retraite, et donc ne procéder à aucun recrutement pendant cinq ans (en plus de la suppression de 250.000 postes de contractuels).

Une telle politique aurait deux conséquences. Pour commencer, tous ceux qui se préparent aux métiers de la fonction publique (enseignants, juges ou infirmiers) verraient leurs débouchés professionnels se fermer brutalement. Ils seraient forcés de choisir une autre voie, et les filières de formation en seraient profondément désorganisées. Ensuite, la pyramide des âges de la fonction publique en serait totalement déséquilibrée : en 2022, l'âge moyen des fonctionnaires aurait augmenté de cinq ans.

C'est parfaitement irréaliste. La responsabilité de l'Etat est d'organiser le renouvellement des effectifs de la fonction publique et le maintien de filières de recrutement pour les métiers de la sphère publique. Le volontarisme affiché ne résiste pas à l'analyse concrète des effets des réformes annoncées.

Ce qui veut dire que François Fillon ne fera pas ce qu'il dit vouloir faire. Qu'il ne pourra pas financer ses baisses de prélèvements par la réforme des retraites et la baisse des effectifs publics. Et qu'il finira par les financer par le déficit, ou par y renoncer.




Jean Pisany-Ferry est directeur programme et idées pour la campagne d'Emmanuel Macron

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