Le réemploi et l’emballage, une histoire d’amour à reconstruire

7 novembre 2017 - Tribune de Fabrice RENAUDIN

Le réemploi, vous connaissez ? Non ce n’est pas le recyclage, un procédé qui consiste à réintégrer dans un cycle de production les matériaux qui composent un objet. Le réemploi, c’est un peu son contraire, car il ne s’agit nullement de désolidariser les composants d’un objet, mais plutôt de le remettre dans le circuit de production après un reconditionnement préalable.

La bouteille de verre consignée, cela doit parler à certaines générations. Là nous pouvons parler de recyclage, tout comme la collecte des ampoules usées aujourd’hui. Le réemploi, c’est plutôt la bonbonne de gaz, celle que l’on échange une fois vide pour en acheter une autre. Cette bonbonne vide, elle va être reconditionnée un certain nombre de fois pour revenir pleine de gaz dans le circuit de consommation, jusqu’à qu’elle soit définitivement mise hors service pour être … recyclée.

Bien, là vous avez cerné la différence entre recyclage et réemploi. Mais hors de question d’opposer les deux procédés. Ils sont même totalement complémentaires. Enfin il devrait l’être, car dans les faits, le recyclage a bien plus le vent en pourpre que le réemploi. Voici la raison pour laquelle je souhaite vous en parler, avec l’objectif de vous faire prendre conscience que, dans une logique de préservation des ressources terrestres, le réemploi a une belle carte à jouer.

Mais tout d’abord, il est nécessaire de préciser que ce qui peut être réemployé doit l’être avec une condition d’usage identique à la première utilisation. Le reconditionnement tel qu’il se développe aujourd’hui pour les smartphones ou les pc portables est une forme de réemploi, puisqu’il consiste à reconditionner un objet sans restriction ou modification de sa condition d’usage. Les friperies et les antiquaires sont des exemples de réemploi. Plus intéressant encore, le développement des sites internet de revente d’objets de toute nature entre particuliers est bien une forme de réemploi ! le particulier vendeur s’attachant à mettre en valeur (simplement en le nettoyant) l’objet qu’il souhaite vendre effectue bien un reconditionnement de celui-ci. Le particulier potentiellement acheteur recherche très généralement un objet pour son usage initial. Le concept de réemploi est donc bien respecté dans cette double démarche.

Ces exemples sont toutefois liés à des marchés historiques ou émergents de type B2C, les sites d’échanges marchands n’étant pas orientés C2C mais plutôt doublement B2C (le vendeur payant pour mettre en vente son bien …). De plus, ce type de réemploi concerne des biens à valeur ajoutée marchande. Mais qu’en est-il pour les objets à très faible valeur ajoutée, du moins pour leur revente potentielle ? Attardons-nous donc un peu sur ces objets du quotidien, que nous jetons généralement après usage, avec un peu de scrupule de consommer tant de déchets mais avec la consolation du choix du bon conteneur de tri.

Je vais donc vous parler de cette boîte de crème pour visage, de ce tube de dentifrice que vous tortillez dans tous les sens sans jamais pouvoir en extraire toute la matière, de ce pot de pâte à tartiner à la forme si identifiable. Quelques exemples de ce qui est nommé plus professionnellement parlant un emballage, un objet qui vous permet de sortir d’un centre commercial sans y avoir apporté au préalable toute une panoplie de pots en verre, bouteilles, tubes et boîtes en carton pour y stocker ce que vous avez acheté.

Ces emballages représentent une grande part de nos déchets. Si pratiques au quotidien, ils sont toutefois une plaie pour notre environnement car Ils représentent une grande part de nos déchets non recyclés ni transformés, donc non valorisés. La part de déchets non valorisés est de 20 % pour les emballages dans les pays les plus développés dans ce domaine, la France souffrant d’un retard important sur ce point. De plus, leur recyclage n’est pas sans impact sur l’environnement, tout comme la production des matières les composant.

Et dans le monde industriel, le réemploi, c’est encore en concept ou c’est une réalité ? Une réalité, mais présente de façon marginale. A ce constat deux raisons. La première est la contrainte de la matière initialement contenue, imposant parfois de fortes restrictions dans les emplois ultérieurs. La deuxième est la législation Européenne dans ce domaine, particulièrement contraignante (dixit un professionnel du réemploi mais je n’ai pas vérifié les sources) qui n’incite pas aux initiatives dans ce sens.

Alors que faire ? L’autruche en cachant sa tête sous terre, en attendant de le faire dans du polychlorure de vinyle ? Imposer la vente au détail sans emballage, même pour de la pâte à dentifrice ? Ou réfléchir à notre modèle de consommation de ces emballages ? Assurément, cette dernière hypothèse est la plus pertinente. Et pour cela chacun d’entre nous est concerné, du producteur au consommateur, en passant par le distributeur.

**Repenser notre modèle de consommation de ces emballages, c’est tout d’abord faire de petites concessions dans nos habitudes quotidiennes. **Mais avant de vous en parler, je vais tout d’abord vous évoquer quelques principes que nos ancêtres appliquaient sans états d’âme pour obtenir un produit fiable dans le temps, donc adapté au réemploi.

Parlons tout d’abord mécanique. Tout bon mécanicien peut vous en parler. Quand un frottement trop fort s’opère entre deux pièces de matières différentes, c’est la casse assurée. Cette règle s’applique aussi à un emballage destiné au réemploi (non je ne vous parle pas de ré employabilité de votre tube de dentifrice, je reviendrai plus tard sur la pâte à dentifrice). Donc une seule matière pour constituer un emballage : contenant, couvercle, etc. Pour la constitution c’est l’idéal, mais ce n’est pas tout.

Ensuite viens le choix de la matière. Favoriser les matières 100 % recyclables est aussi un idéal. A défaut de cela, il est aussi possible d’opter pour des matières supportant un réemploi répété et permettant un reconditionnement sans risque. Pas facile me diront les industriels, ce à quoi je leur répondrai qu’une classification est possible et que la traçabilité permet de la mettre en place. A l’heure où mon smartphone indique à toute la planète mes déplacements et quel site internet je visite, je ne doute pas qu’un simple QR Code d’identification et une date de mise en circulation gravée sur l’emballage permette d’effectuer un tri convenable et de déterminer par un savant algorithme utilisant la date de conditionnement le nombre potentiel d’emploi. C’est ce que font les actuaires pour fixer le montant de nos primes d’assurances !

Mais il est fou pensez-vous ! Identifiez tous ces emballages, sûrement des milliards circulant chaque année, c’est une hérésie ! Non l’hérésie c’est de se persuader qu’il n’y pas d’autres modèles possibles. En supprimant les emballages là où ils ne sont pas utiles, en optimisant systématiquement les conditionnements et en favorisant leur réemploi, leur nombre va alors considérablement diminuer. Nos moyens technologiques sont quant à eux aptes pour répondre à ce défi.

Oui c’est bien gentil tout cela, mais chaque marque à ses propres emballages, avec un design adapté à leur contenu, clairement identifiable. Alors comment faire ? Que chaque industriel récupère ses propres emballages ? Non, là aussi, il existe une autre façon de penser. Et c’est ici que les concessions arrivent aussi pour les consommateurs, car jusque-là, elles ne s’adressaient qu’aux industriels.

La bouteille d’orangeade imitant l’agrume en cause, celle du soda aux formes féminines avec une taille de guêpe ou bien encore la boîte de burger rappelant les boîtes à goûter d’un autre temps, vous connaissez ? A l’évidence oui, c’est même votre première consommation, bien avant que le contenu en soit avalé. Cela est pensé par l’équipe marketing et est concrétisé par l’équipe design. Tout est prévu pour que vous ne détourniez pas votre regard sur un autre produit, que vous mémorisiez sans effort une forme et un code couleur et parfois même pour flatter votre égo aussi. Allez, ressortez l’emballage de votre smartphone à la pomme croquée, cela vous rappelle le doux moment de sa découverte n’est-ce pas ?

Mais il souhaite aussi que l’on revienne au temps du bocal de verre uniforme ? Et bien pourquoi pas, après tout, c’était fonctionnel, fiable et de plus plutôt joli sur les étagères ces bocaux ? Et puis pour avoir des informations sur le contenu, les étiquettes ça existe ! Je sens poindre la colère des marketeux et des designers, il veut notre peau ! Rassurez-vous non, aucun gourou à votre encontre. Toutefois, je sais que plus les moyens sont restreints et plus l’imagination est débordante. Alors faire l’impasse sur les formes délirantes, les incalculables types de volumes, c’est aussi une solution pour ne pas à avoir à faire un tri insensé. Et pour la démarcation des marques (j’adore cette phrase) l’étiquette est aussi une solution. En sommes, cataloguer plusieurs types d’emballages et les différencier sur un support collé, c’est presque réinventer … la boîte à conserve, l’emballage le plus écologique possible.

Il parlait de concessions pour le consommateur, où sont-elles ? Et bien dans vos habitudes de consommations. Ne plus acheter une marque pour le design de son emballage, mais pour son contenu et le respect qu’elle porte à l’écologie (je ne parle pas de leurs slogans, faites des constats simples et ne flatter plus votre ego). Et puis sur un tri plus affiné de vos déchets, même si cela est contraignant.

Alors hérésies multiples, utopies ? Personnellement je pense solutions combinées pour que nous ne soyons pas un jour totalement débordés par nos déchets, définitivement empoisonnés par notre production de matières synthétiques et totalement dépourvus de matières premières. Et puis après tout, comme disait l’autre, ce n’est pas en améliorant la bougie que l’on a inventé l’ampoule.

On récapitule ? Homogénéisation, sélection, identification, standardisation, voilà que les ions deviennent positifs ! Et de plus, cela valorisera encore plus le tri sélectif. Il ne restera plus qu’à s’interroger sur l’essentiel : le contenu, mais cela une autre histoire … Je n’ai toutefois pas encore trouvé de solution pour la pâte à dentifrice, mais je travaille dessus, promis.

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