Qui paye ses dettes...
9 novembre 2017 - Tribune de Pierre BOURG
La France est, aujourd’hui, endettée à hauteur de son produit intérieur brut annuel (plus de 2 200 milliards d'euros). Cela signifie que nos enfants et petits enfants devront, d'une manière ou d'une autre, rembourser chacun, au minimum, 35 000€ (1) au cours de leur vie.
Nous bénéficions aujourd'hui de taux d'intérêts très bas, voire négatifs (2). Lorsque les taux vont repartir à la hausse (fin 2017, ils ont tendance à se stabiliser), la dette va exploser. Elle augmente aujourd'hui de 2 665€ chaque seconde!
Entre 1978 et 2013, la dette est passée de 72 milliards équivalents-euros (20% du PIB de l'époque) à 2000 milliards (95% du PIB de 2013) !
La France est encore un « petit poucet » de la dette. L’ensemble des dettes mondiales atteint 192 000 milliards d’euros et représente plus de 3 fois le PIB mondial!
- Comment se creuse la dette ?
Essentiellement par le déficit budgétaire : à chaque budget annuel déficitaire (dépenses supérieures aux recettes), le différentiel est comblé par le recours à l'emprunt. La baisse relative des impôts, en vigueur depuis les années 2000, se combine à des dépenses en hausse ou en baisse insuffisante, du fait :
- des crises économiques (chocs pétroliers de 1973 et 1977) et financières (années 2007 - 2010) ayant généré une intervention de l'état
- du terrorisme amenant le pays à augmenter les budgets régaliens (en particulier police et armées)
- de la difficulté à réduire sans trop de douleur le nombre de fonctionnaires
- Accessoirement par l'augmentation du déficit de la Sécurité sociale.
- Comment se stabilise la dette?
- En plafonnant le déficit budgétaire annuel (les critères européen fixent comme plafond : 3% du P.I.B.)
- En négociant les taux (si la période s'y prête) ou en remplaçant, si possible, de la dette à court ou moyen terme par de la dette à long terme à taux moins élevés.
- En comblant le trou de la Sécurité sociale.
- En laissant l'inflation redémarrer (en la gardant sous contrôle)
- Comment diminue et se rembourse la dette ?
En créant, plusieurs années de suite, de l'excédent budgétaire : combinaison d'augmentation des rentrées (fiscalité directe et indirecte) et de diminution des dépenses (baisse des budgets ministériels, diminution du nombre des fonctionnaires, baisse des subventions et des investissements d'état).
Un levier "indolore" : la croissance forte, qui, hélas, ne se décrète pas, mais découle d'un contexte économique favorable.
A part cela, une politique de lutte efficace contre la dette est assimilable à une politique de rigueur et est extrêmement impopulaire.
Certains disent « la dette ne se remboursera pas ». C’est méconnaître le système de financement actuel des états. Que l’un deux soit défaillant, et sa note auprès des agences de notation diminue. Les conditions de prêt se durcissent, les taux s’envolent, des mesures d’économies drastiques doivent être prises, au détriment de la majorité de la population. Le commerce extérieur s’effondre, le chômage explose. Si le pays ne se relève pas, il perd son indépendance au profit du F.M.I., la crise s’aggrave, la misère s’amplifie, l’extrême droite (ou l’extrême gauche) risque d’arriver au pouvoir avec ses fausses solutions populistes.
Dans un monde ouvert et compétitif, le repli sur soi n’amène à rien.
- La dette perpétuelle, solution à envisager ?
Ce système de financement largement répandu dans le monde par le passé consiste en un engagement de versement d’une rente (les intérêts) en s’exonérant de rembourser le capital. Le prêteur privilégie le versement d’un revenu perpétuel et accepte – en théorie – de ne jamais avoir de remboursement du capital. La rente - donc le taux d’intérêt - est indexée, par exemple, sur le PIB ou sur l’inflation, ou sur un mix des deux. Elle est transmissible à ses proches et peut être, dans certains cas, négociable sur un « marché d’occasion » qui peut, sous certaines conditions, permettre au souscripteur de récupérer une partie de son capital. Ce système peut amener une relative « nationalisation » de la dette du pays, afin de ne plus dépendre des investisseurs institutionnels étrangers : la souscription peut être réservée aux nationaux.
Sans rentrer dans les détails techniques extrêmement complexes, il est constaté aujourd’hui un retour d’intérêt pour cette formule, mais rien ne bouge concrètement.
- Vers un énorme krach, à la fois boursier, financier et économique ?
On ne voit pas bien comment le monde pourrait faire l’« économie » d’une remise des pendules à l’heure, le prévisible redécollage des taux d’intérêts va mettre en faillite plusieurs pays et un nombre gigantesque de grandes entreprises aujourd’hui surendettées.
Il serait vraiment dommage que ce contexte désastreux empêche la réussite de l’ « entreprise » République en Marche et, par la même, minimise et relativise la capacité de notre Président à réformer et moderniser le pays, et indirectement, l’Europe.