Plan maternelle : l'éducation est l'une des réponses à la barbarie du terrorisme

12 avril 2018 - Entre montée du populisme et assaut de l'islamisme radical, l'arme de la connaissance aura un rôle clef à jouer dans la campagne européenne à venir.

Lançons l'Europe de la connaissance, arme contre la barbarie et ciment de notre identité !

La République en Marche vient de lancer une vaste consultation, portée par plusieurs dizaines de milliers de marcheurs dans toute La France. C'est une chance à saisir pour sortir de l'impasse du pour ou contre l'Europe qui emprisonne les uns et les autres dans des visions caricaturales. L'idée est de partir à la rencontre des Français, en particulier de ceux qui s'abstiennent ou privilégient le vote "anti-européen", renouant ainsi avec l'écoute qui a fait la force du Mouvement créé il y a tout juste deux ans. De quoi engager les eurosceptiques à formuler leurs réserves de manière constructive et permettre aux pro-Européens de rompre avec une forme de schizophrénie les conduisant à mettre sous le tapis les critiques, même quand elles leur semblent légitimes, au risque de finir par se prendre les pieds dedans.

Prévue deux semaines plus tôt, la Grande Marche pour l'Europe avait été suspendue en raison des attaques barbares de Carcassonne. L'assassinat de Mireille Knoll qui a bouleversé la France a tristement confirmé la pertinence de ce report de date.

Au delà de l'émotion, ces événements tragiques nous ramènent à l'essentiel. En tant que Français et en tant qu'Européens, nous sommes porteurs d'un modèle de société que des ennemis irréductibles cherchent à pulvériser.

En invoquant, lors de la cérémonie d'hommage au colonel Beltrame, l'"esprit français de résistance", le Président de la République a affirmé, avec une clarté inédite, que nous sommes en guerre contre un "islamisme souterrain, qui progresse par les réseaux sociaux, qui accomplit son œuvre de manière invisible, qui agit clandestinement, (...) endoctrine par proximité et corrompt au quotidien."

Evoquer la "résistance", c'est rappeler que, comme dans les années sombres, il s'agit de défendre avec vigueur, et parfois au péril de nos vies, les valeurs qui fondent la démocratie. C'est aussi rappeler le courage et la détermination dont la France est capable et qui a été incarnée, ce jour-là, par un homme d'exception.

Ce constat nécessite une action immédiate, ferme et déterminée qui doit mobiliser tous les moyens de la puissance de l'Etat, et fait appel à notre responsabilité individuelle et collective.

Mais l'action ne peut être que défensive. Il nous faut aussi faire retour sur ce qui nous tient ensemble.

L'annonce faite par le chef de l'Etat, la veille, aux Assises de la Maternelle, 136 ans jour pour jour après les Lois Ferry, selon laquelle l'âge obligatoire de scolarisation sera avancé à trois ans en 2019, offre un début de réponse.

La portée de cette décision, éclipsée par l'actualité dramatique, peut pourtant lui être rattachée

Si nombre d'experts et de praticiens du secteur demandent depuis des décennies que l'Ecole maternelle cesse d'être une "école à part" pour devenir "une école à part entière", c'est qu'ils sont convaincus que l'Etat doit prendre toute sa responsabilité dans l'enseignement de la langue orale dont le linguiste Alain Bentolila a montré combien sa maîtrise était essentielle non seulement pour préparer l'enfant aux apprentissages de l'école élémentaire mais pour permettre sa socialisation. Quand on n'a pas les mots, on risque d'user des poings, et c'est le début d'une marginalisation qui peut conduire au pire !

On ne peut affirmer que tout se joue avant six ans et arriver après la bataille ! Or 80% des décrocheurs qui quitteront le système scolaire à 16 ans, avaient déjà des difficultés en CP.

Sans tomber dans le piège d'une explication de la radicalisation par la misère sociale, il faut reconnaître qu'une école qui redevient le creuset de la République, crée à nouveau du "commun", est la meilleure arme contre la barbarie et ses prédateurs. Elle renforce l'attachement de nos jeunes à la République en tenant la première de ses promesses qui est d'offrir à chacun une réelle chance de trouver sa place dans la société. Plus fondamentalement encore, elle est la seule à pouvoir transmettre la capacité et le goût de penser par soi-même qui implique à la fois de s'inscrire dans une tradition et de penser aussi parfois contre soi-même.

L'accès à la langue est la condition sans laquelle toute transmission est vaine. Et il y a urgence.

Très concrètement, l'implication forte de l'Etat dans la Maternelle passera par un renforcement de la formation des enseignants centré sur la pédagogie de la langue et l'apparition d'une "qualification" propre aux professeurs de Maternelle ainsi qu'une revalorisation des ATSEM (agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles), personnes essentielles car, proches des enfants au quotidien, elles assurent le lien avec les familles. Comme nous y invite Boris Cyrulnik, qui a présidé ces Assises de la Maternelle, ce sera aussi l'occasion de tirer toutes les leçons de la "théorie de l'attachement" en bâtissant une école de la bienveillance dans laquelle l'affectif et le cognitif se complètent, notamment en développant l'utilisation de la musique et des arts visuels.

Certes, 97% des enfants sont déjà scolarisés dès la Maternelle. Mais au-delà d'un pourcentage, 3% d'enfants non scolarisés, c'est 25 000 destins dont chacun compte, avec de grandes disparités, selon les territoires. Or, le plus souvent, ces enfants abordent le CP avec de graves lacunes, difficiles à rattraper.

D'une manière plus générale, sachons lire les symboles. Si Emmanuel Macaron se saisit de cette occasion pour placer, une fois de plus, le chantier de l'Education au cœur de son action, en insistant sur sa dimension sociale, c'est qu'il prend toute la mesure de l'urgence de la refonte de notre système éducatif. Le chantier est vaste et la route sera longue. Dans le classement de l'OCDE, la France possède le système scolaire le plus inégalitaire de tous les pays développés !

Le Gouvernement a le courage de mener une action en profondeur qui ne portera ses fruits que dans une décennie ou deux. Cet élan ne sera pleinement efficace, que s'il entraine derrière lui plusieurs autres chantiers essentiels comme celui d'une réforme ambitieuse de la formation de l'ensemble des enseignants, sacrifiée au "court trisme" par les gouvernements précédents.

Paul Ricoeur distinguait le "temps court de l'événement", le "temps mi-long de la conjoncture" et la "longue durée des civilisations".

Nul doute qu'aux côtés de la lutte contre le terrorisme et la radicalisation, la refonte de notre système éducatif résonne avec la "longue durée des civilisations". Civilisations qui ne sont pas éternelles si l'on n'y prend pas garde.

Entre montée du populisme et assaut de l'islamisme radical, l'arme de la connaissance aura un rôle clef à jouer dans la campagne européenne à venir.


Tribune d'Ilana Cicurel, membre du Bureau exécutif de la République en Marche, déléguée nationale à la société de la connaissance.

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