Discours du MEDEF

28 mars 2017 - Retranscription du discours d'Emmanuel Macron à Paris.

« Entreprises & Politiques ! »

Discours d’Emmanuel Macron
28 mars 2017 - Paris

EM : Bonjour.

MEDEF : Emmanuel Macron, merci d’être avec nous, de venir à la rencontre des chefs d’entreprise. Quatre thématiques, avec nos trois entrepreneurs qui vont être rejoints par la quatrième, dans quelques secondes : mondialisation-Europe, éducation-formation, la sphère sociale, le financement de l’économie. Et puis un ou une représentant(e) qui posera une question depuis la salle. Je salue Inès DE DINECHIN, Célia DOREAU et Samuel TUAL. Ensuite, ce sera votre pitch de présentation pendant quatre minutes pour nous dire pourquoi vous et pas un autre. Ensuite, rencontre avec les chefs d’entreprise, je vous l’ai dit. Ensuite un cas pratique, on affichera une photo que vous ne connaissez pas a priori et vous réagirez, vous nous direz ce qu’elle évoque pour vous et quelle serait votre méthode pour ce cas pratique. Et puis, on terminera notre échange avec un pitch de conclusion : s’il fallait retenir quelque chose du candidat Emmanuel MACRON face aux entrepreneurs, qu’est-ce que ce serait?

On va commencer par un portrait en chiffres - venez près de moi parce que j’ai mené mon enquête -, des chiffres à la fois sur votre programme et sur la personnalité que vous êtes. Premier chiffre : 15 milliards, chiffre compétences. C’est votre objectif d’investissement pour les compétences et les qualifications avec un focus sur les jeunes et les demandeurs d’emploi. On va y revenir. Le deuxième chiffre, c’est 25%, un chiffre qui va nous plaire ici avec tous les entrepreneurs, un chiffre pro-entreprise. Vous proposez de baisser l’impôt sur les sociétés pour le faire passer à 25% et rejoindre ainsi la moyenne européenne.

Et puis, troisième chiffre, perso, j’ai mes informateurs, Emmanuel MACRON, c’est soixante-cinq, c’est un chiffre détente, c’est le département des Hautes-Pyrénées, c’est la station de La Mongie, où vous aimez aller faire du ski et aussi de l’après-ski puisque vous appréciez, paraît-il, le restaurant L'étape du berger.

EM : Vous savez tout

MEDEF : Je sais tout: fondue ou raclette ?

EM : Non, mais là-bas, ce n’est pas du tout ça. Les Hautes-Pyrénées, pour ceux qui connaissent, c’est plutôt l’agneau de berger et des choses comme ça.

MEDEF : Parfait, impeccable. Donc au menu, les chefs d’entreprise. Bon appétit à vous , Emmanuel MACRON. On peut l’applaudir.

EM : Merci à vous

MEDEF : Merci d’être avec nous. Votre pitch: quatre minutes.

EM : Vous voulez que je me mette là ?

MEDEF : Comme vous voulez ! En proximité avec les entrepreneurs.

EM : Je peux tout à fait le faire devant vous en quelques minutes. Bonjour à toutes et tous. D’abord, je suis très heureux, pour ma part, d’être ce matin avec vous. Je pense que c’était important qu’on ait cet échange et, vous l’avez dit il y a quelques instants, on parle trop peu de l’entreprise, dans cette campagne. Or la création d’emploi, la transformation du modèle économique et social vers une économie plus numérique et environnementale dont nous avons besoin, elle se fera, elles se feront, par l’entreprise. Donc la question qui est aujourd’hui posée, c’est comment, justement, on donne la possibilité aux entreprises d’être les acteurs de cette transformation.

La première chose, c’est en leur donnant le cadre macro-économique qui permet d’y arriver, en France et en Europe. C’est, j’y reviendrai tout à l’heure, la bonne politique réglementaire, la simplification du droit du travail, que je prône, une politique de baisse des dépenses publiques avec, justement, des objectifs qui sont atteignables, une politique d’investissement public-privé, qui permet d’y arriver, un cadre macro-économique européen de relance.

La deuxième chose, c’est de laisser-faire et donc de donner plus de liberté et visibilité. Et donc avec quelques principes simples: le premier, la non-rétroactivité absolue. Ce qui a cassé la confiance avec les entreprises, durant le dernières années, ce sont les politiques de rétroactivité, c’est le retour en arrière, c’est justement ce qui ne permet pas à l’entreprise d’agir de manière normale dans un cycle… de donner de la visibilité. C’est pour cela que moi, je veux une stratégie quinquennale - c’est ce qui s’est fait avec le pacte de responsabilité, dans ce quinquennat, mais en deuxième partie. La visibilité, c’est ce qui vous permet de construire un cycle d’investissements. Et c’est pour ça que c’est d’une part une stratégie quinquennale et d’autre part un principe simple qui va avec : c’est en même temps la visibilité. Et donc pour moi, la visibilité et la stabilité qui sont les deux éléments-clés c’est dire qu’une fois qu’on a touché un droit, un impôt, dans un mandat, on ne le retouche pas. Et donc, on ne fait pas des chirurgies multiples sur une disposition fiscale, sur une disposition législative. C’est indispensable.

Ensuite, une fois qu’on a dit ça, le coeur de la politique que je veux conduire, c’est une politique d’investissement, d’emploi et de compétences. Le coeur de la bataille, c’est l’investissement privé et donc ça suppose de poursuivre, de donner de la stabilité à une politique de baisse des charges, parce que s’il n’y a pas de marge des entreprise, il n’y pas d’investissement. Or dans le contexte macro-économique qui est le nôtre, l’investissement des entreprises, il est indispensable. Il est indispensable pour réussir la modernisation de notre économie, sa numérisation, la transformation du modèle économique. Il est indispensable pour mener la bataille de la compétitivité hors coûts qui est la vraie bataille qu’on doit conduire. Il est indispensable pour robotiser, là où nos voisins allemands ont aujourd’hui quatre fois plus de robots que nous. Il est indispensable pour numériser, avoir des vrais gains d’efficience.

Et en même temps, je voudrais continuer à défendre cette idée que j’ai portée en tant que ministre avec plusieurs d’entre vous, d’ailleurs, qui étaient là soit dans le digital ou dans l’industrie du futur, l’investissement productif n’est pas l’ennemi de l’emploi. Et donc, la deuxième bataille qu’on a à conduire ensemble, c’est celle de la montée en compétence, celle de la formation, c’est-à-dire celle qui permettra l’embauche. C’est pour ça que vous avez cité ce plan de quinze milliards d’euros d’investissement. Je pense qu’en même temps qu’on porte des réformes structurelles, on a besoin d’investir dans les personnes, dans leur formation initiale et leur formation continue, dans l’apprentissage, sa simplification et sa mobilisation, pour réussir justement cette transformation économique. Bon cadre macro-économique, lisibilité, stabilité, simplicité du droit, mobilisation pour l’investissement et l’emploi, voilà pour moi les lignes de force, avec évidemment derrière tout ça, des réformes macro-économiques, la réforme du droit du travail, du chômage et de la formation professionnelle, les éléments de simplification et l’investissement public.

MEDEF : Merci, Emmanuel MACRON. Vous pouvez l’applaudir. Merci de nous rejoindre pour le deuxième temps de cette matinée, en l'occurrence les échanges avec les chefs d’entreprise. Nous en avons trois qui sont là avec, pour commencer, la présidente du directoire d’Aviva Investors France, Inès DE DINECHIN. On parle mondialisation avec vous et je vous donne le micro. On écoute votre question.

Ines DE DINECHIN : Merci. Bonjour, Monsieur MACRON. Je suis effectivement ici en tant que représentante d’Entreprise et Progrès. J’ai deux questions pour vous. La première : nous faisons face actuellement à une montée du populisme, avec un repli sur soi et des comportements protectionnistes dans de nombreux pays et c’est notamment le cas pour un de nos grands partenaires historiques que sont les États-Unis. Quelles sont selon vous, du coup, les positions que doit prendre la France, face à cela ?

EM : Il y a en effet deux phénomènes complémentaires. La montée des extrêmes dans de nombreuses démocraties, qui est liée à quoi? Qui est liée à un doute qui s’installe sur la mondialisation et le système dans lequel nous vivons, qui est liée à des tensions très fortes qui sont à la fois économiques, sociales mais aussi identitaires ou migratoires, qui existent dans nombre de ces démocraties, et de l’autre, une tentation croissante - parce que ce sont justement les extrêmes qui portent aussi ces valeurs - au repli et donc à un protectionnisme. Je pense très profondément que, puisque vous évoquez les États-Unis, Donald TRUMP n’arrivera pas à appliquer le programme qu’il s’est donné. Pourquoi? Parce que si cela a pu séduire un temps les classes moyennes américaines, c’est un programme qui n’est pas bon pour les États-Unis et pour les classes populaires. Il n’est pas bon en termes de pouvoir d’achat, en réalité, parce que le protectionnisme américain, ça veut dire augmenter le prix d’énormément de biens quotidiens et de la chaîne productive, parce que beaucoup de choses sont en fait “made globally”.

MEDEF : Assemblées aux États-Unis mais faites ailleurs.

EM : Exactement. Donc ils ont besoin d’une chaîne productive qui est véritablement internationale. Le deuxième élément, c’est que, pour tous les milieux d’affaires américains, il y a aussi un besoin, une très forte dépendance. Et d’ailleurs, son prédécesseur avait construit toute la stratégie américaine dans une capacité des États-Unis à encercler la Chine sur le plan commercial, ce qui était plutôt une bonne stratégie. Et pour nous-mêmes, c’est une opportunité que Donald TRUMP ait dénoncé l’accord avec le Pacifique qui était en fait extrêmement déstabilisant pour la France et l’Europe.

MEDEF : Quelle pédagogie pour la France, pour les Français qui se disent “il vaut mieux se recroqueviller parce que les temps sont durs” ?

EM : La même chose. Moi, c’est le discours que je porte constamment avec Madame LE PEN qui, je crois, me succèdera sur cette estrade, c’est qu’il faut expliquer aux gens dans quel monde on vit. On peut dire en effet et promettre aux Français “tout ira mieux parce que l’on va se couper du monde et de la mondialisation.” C’est vrai qu’on retrouve en quelque sorte une capacité politique à agir. On pourra à ce moment-là dire “je vous interdis de délocaliser, je ferme les frontières.” Ça peut paraître très sympathique, surtout à quiconque concourt pour la fonction présidentielle. Simplement, le jour d’après, on ira expliquer à Toulouse qu’un tiers des Airbus sont faits pour le marché chinois. Honnêtement, je crois assez peu au fait que les Chinois, si nous leur fermons la porte, continuerons à nous acheter des Airbus, du vin dans le Bordelais...

MEDEF : Ils pourront faire tourner la chaîne de montage là-bas en Chine, aussi.

EM : Exactement, ils nous tailleront des croupières. Dans l’agriculture, de la même façon, 40 à 50% du lait qui est produit dans l’Ouest de la France est exporté. Donc il faut faire aussi la pédagogie du fait que nous sommes dans la mondialisation. Et tous les grands pays sont dans la mondialisation. La vraie difficulté, ce que nous avons échoué à faire durant les quinze dernières années, c’est apporter une régulation intelligente de cette mondialisation et à savoir l’expliquer justement à nos concitoyens. Et donc moi, je pense qu’il faut porter le fer. Et ceux qui ont un discours de raison, d’intérêt économique, de rationalité économique, doivent absolument porter le fer et ne pas céder là-dessus aux démagogues.

Par contre, derrière, on doit retrouver des capacités à agir. La meilleure réponse à la mondialisation, c’est d’abord d’avoir une vraie politique de compétitivité (prix et hors prix). Quand on est compétitif et attractif - c’est pour cela que je propose ce que vous évoquiez sur l’impôt sur les sociétés, une vraie modernisation du droit du travail, une politique de relance par la réforme -, à ce moment-là, on maintient une base productive, on attire des investissements étrangers et on peut ne pas craindre l’ouverture au monde. La deuxième chose, c’est qu’il faut des éléments de protection. Moi, c’est tout le discours de pédagogie que j’essaie de porter sur l’Europe. Je crois dans l’Europe, j’ai un projet profondément européen, mais l’Europe, ça ne veut pas dire un continent ouvert à tous les vents. Et d’ailleurs, avant même monsieur TRUMP, les États-Unis - vous êtes beaucoup dans cette salle à opérer aux États-Unis -, ça n’est pas un pays très facile. C’est un pays qui a des régulations et des protections. Mais la protection...

MEDEF : … des normes en particulier.

EM : Mais la protection, ça n’est pas le protectionnisme. C’est des normes, c’est une vraie politique anti-dumping et donc c’est de savoir protéger sa base industrielle en même temps qu’on la modernise. Typiquement, lorsque j’ai été ministre, je me suis battu pour qu’on protège mieux nos entreprises, comme nos travailleurs, face au dumping de l’acier chinois et indien. L’Europe n’a pas ce réflexe. Et donc vous voyez, c’est aussi ça qui affaiblit nos démocraties, nos entreprises. Et donc moi, je pense qu’il ne faut tomber ni dans l’extrême du tout ouvert, tout libéralisé ou ultra-libéralisé, parce qu’à ce moment-là, c’est la loi du plus fort qui prévaut et on se retrouve dans des démocraties où de toute façon on doit financer des systèmes de solidarité que n’ont pas les pays en voie de développement et les pays très peu développés, et on se fait tailler des croupières, ni tomber dans l’extrême que certains partis prônent aujourd’hui qui est celui de la fermeture, parce que ça, ça détruit beaucoup de valeur, ça détruit l’intérêt des classes moyennes et des entreprises et ça nous plonge dans le malheur économique et social. Et donc moi, je prône une politique réaliste, de compétitivité, de volontarisme économique et de juste protection.

MEDEF : Ouverture vigilante, donc.

Inès de DINECHIN : Je peux rebondir là-dessus puisque c’est l’objet de ma seconde question, c’est dans cette même approche. Comme vous le savez, Theresa MAY va activer l’article 50, cette semaine, du traité européen, actant le Brexit. Du côté du secteur financier, Francfort a beaucoup oeuvré, ces derniers mois, pour être bien positionné et il semblerait qu’aujourd’hui il soit en tête en termes de compétitivité, avec Dublin, pour les entreprises qui seraient amenées à relocaliser en Europe une partie de leurs activités. Tout d’abord, pensez-vous que le Brexit puisse être une opportunité économique et financière pour l’Europe ? Et si oui, comment faut-il négocier avec l’Angleterre pour obtenir des résultats concrets dans ce sens ? Et deuxièmement, une fois arrivé au pouvoir, comptez-vous agir à court terme pour donner à la place de Paris toutes ses chances de devenir un pôle financier majeur en zone euro ?

EM : Premier point : le Brexit, ce n’est pas une chance, malheureusement, c’est d’abord une mauvaise nouvelle. Mais nous devons faire avec, ça a été voté, il y a une volonté forte des pouvoirs publics de le mettre en oeuvre. Donc dans ce contexte-là, ce qu’il faut faire, c’est d’abord privilégier les intérêts de l’Union européenne et le faire de manière coordonnée. Je l’ai dit, moi, je ne partirai pas, face au Brexit, dans une politique de négociations court-termiste, secteur par secteur, ou de négociations purement françaises. Les Britanniques vont essayer de nous attirer dans une telle stratégie, je pense que c’est collectivement une erreur. Donc il faut d’abord protéger les intérêts européens. Qu’est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire, pour être très direct, que l’accès au Marché unique, en particulier financier, donc au passeport financier, doit dépendre d’une part d’une contribution au budget européen et d’autre part d’une soumission aux juridictions européennes. On ne peut pas accepter d’avoir un pays tiers qui n’a pas les mêmes contraintes, qui ne contribue pas au budget et qui opère avec une régulation juridique - ce qu’ils veulent, aujourd’hui et on le voit bien. Moi, j’étais à Londres il y a quelques semaines. Tout le milieu des affaires - le pouvoir politique vous en parle très peu - a parfaitement compris quel était l’objectif : même une contribution symbolique, mais ils veulent opérer avec leur propre juridiction. Dans le milieu de la banque, de l’assurance, ce serait une catastrophe, parce qu’on se retrouverait dans une situation indébrouillable où il y aurait des opérateurs hors zone euro, hors U.E., qui interviendraient comme un vrai hub financier dans nos économies, avec une capacité à dépendre de juridictions qui ne seraient pas les nôtres.

MEDEF : La place de Paris, le deuxième point...

EM : Donc ça, c’est le premier point. J’aurai une négociation ferme pour maintenir les intérêts de l’Union européenne.

MEDEF : Ce n’est pas une chance, mais c’est une opportunité, quand même ?

EM : Donc ça peut être une opportunité, derrière. Moi, je serai plus prudent sur les intérêts allemands. Je pense que l’opération structurante qui aurait fait du mal à la place de Paris, entre Deutsche Börse et la bourse anglaise, n’ira vraisemblablement pas à son terme, ce qui peut, là aussi, rebattre les cartes. Ensuite, en effet, on doit être attractif. La première chose, c’est la visibilité. Ce qui fait le plus peur aux investisseurs internationaux, c’est les règles qui changent en permanence.

MEDEF : On va en parler pour les règles fiscales, tout à l’heure...

EM : Et donc l’engagement que je prends, moi, dès le début du quinquennat, c’est, sur la fiscalité et le droit du travail, de dire “on donne la couleur tout de suite, on ne le change pas dans le quinquennat’. Et d’ailleurs mon souhait, c’est de faire passer une loi organique qui lie les mains, en quelque sorte, du législateur sur ces sujets-là et qui fixe ce principe. Ce qui est très important.

MEDEF : On sera sur du temps un peu plus long, du coup ?

EM : Exactement. Il y a un dispositif, mais ils ne se disent pas “l’année prochaine, ça bouge.” La deuxième chose, c’est l’élément d’attractivité financière et il y a deux choses importantes dans les propositions qui sont les miennes. La première, c’est l’impôt sur les sociétés à 25%, en conservant les mécanismes type crédit d’impôt-recherche ou déductibilité des charges financières, ce qui nous met dans une situation, à ce moment-là, de grande compétitivité. Parce qu’on a un taux moyen qui est aligné sur la moyenne européenne, avec des mécanismes qui restent des mécanismes très attractifs, qui sont les spécificités françaises en termes de recherche et en termes de structuration financière.

Et la deuxième chose, c’est le prélèvement fiscal unique, sur tous les revenus du capital, à 30%, social inclus. Ce qui est vraiment quelque chose qui permet de relocaliser des intérêts, là où, aujourd’hui, pourquoi nous ne sommes pas attractifs ? C’est que la fiscalité du capital, en particulier des dividendes, elle est totalement décalée par rapport à la moyenne de l’Union européenne.

Et la troisième chose, c’est d’avoir des mécanismes, et ça on est en train d’y travailler, pour justement les opérateurs, les talents de ces places, lorsqu’ils viennent en France, en termes de fiscalité. On a une fiscalité des impatriés qui s’est améliorée ces dernières années, dont on a pu un peu augmenter les règles et adapter aussi quelques éléments. On a une fiscalité qui reste un peu moins attractive que ce que les Britanniques avaient réussi à faire juste avant la réforme CAMERON-OSBORNE, sur ce qu’ils appelaient les “non-dom”. Donc ça, c’est un élément du paquet, objectivement, qui, en termes d’attractivité, est important.

MEDEF : Donc vous allez aller plus loin ?

EM : Oui.

MEDEF : Deuxième question. Merci beaucoup, Inès de DINECHIN, pour cette question concernant la mondialisation. Deuxième point, Emmanuel MACRON : éducation / formation, sujet important pour vous aussi. Et c’est Célia DOREAU, qui est présidente de Key People. On est dans la formation et on vous écoute.

Célia DOREAU : Bonjour Monsieur MACRON. J’ai été chargée, donc, de vous interviewer sur les questions d’éducation et de formation professionnelle. J’ai longuement réfléchi à cette question et j’ai eu envie, au départ, en tant que parent et en tant que chef d’entreprise, de vous parler de mes questionnements vis-à-vis de la progressive dégradation de l’Éducation nationale, vis-à-vis des milliards qui sont gâchés chaque année en formation professionnelle, de l’écart qui se creuse entre le public et le privé sur le sujet, des recrutements qui nous prennent tellement de temps parce que les compétences qui sont diplômées aujourd’hui ne sont pas là et que le savoir-être des jeunes n’a pas été consolidé par leurs études. Mais en fait, j’ai plutôt eu envie de vous projeter dans nos perspectives, parce que finalement, il s’agit des cinq prochaines années. Et dans nos perspectives, moi, ce que je vois, c’est un monde en rupture, un nouveau monde qui naît sous nos yeux avec l’ère du numérique. Il renverse complètement les paradigmes que nous connaissons. Et ça se passe à une vitesse qui me semble complètement invraisemblable. Et du coup, on voit de l’obsolescence partout. Même la base la plus ancestrale de notre éducation, la bonne vieille punition, semble totalement obsolète aujourd’hui. Ça me donne envie de vous poser une question : vous êtes pour ou contre la fessée, Monsieur MACRON ?

EM : (Rires) Je vais être très rapide sur ce point.

Célia DOREAU : Oui, c’est mieux

EM : Je pense que ce n’est pas la méthode pédagogique la plus adaptée, mais je suis en tout cas pour un rapport à l’autorité construit à l’école.

Célia DOREAU : C’est ça.

MEDEF : Qui n’est plus là, visiblement.

EM : Non, en deux mots, pour répondre à votre point sur l’école, c’est le premier chantier que j’ai, justement, dans ma stratégie, dans mon programme, mis en place. Parce qu’on ne reconstruit pas si on n’a pas une école qui fonctionne. Et vous avez raison, il y a un rapport à l’autorité qui s’est dégradé, d’une part, mais aussi un rapport aux savoirs fondamentaux. On a aujourd’hui en France, on le voit dans tous les tests internationaux, des positions qui reculent. Les tests PISA, les tests TIMMS, etc. Ce qui est un problème fondamental parce que derrière, nous sommes dans un monde en rupture, vous l’avez dit, et donc un jeune qui ne sait pas bien lire ou écrire ou compter, est totalement perdu. Et donc aujourd’hui, on a 20% des jeunes en CM2 qui ne savent pas proprement lire ou écrire ou compter. Ils sont perdus dans le collège unique, ils sont évidemment perdus pour la suite, c’est les mêmes que vous retrouvez dans ces jeunes qui n’ont ni emploi ni formation, entre cent et cent cinquante mille par an, qui tombent dans une trappe à oubli, ce sont les mêmes que vous allez retrouver dans le chômage de longue durée et ce sont les mêmes que vous n’arrivez pas à réformer.

MEDEF : On prend la question à quel moment ? École primaire ?

EM : Alors il faut prendre la question pour la génération qui commence à l’école primaire, mais il faut une stratégie de rattrapage à tous les niveaux : école primaire, je l’ai dit, c’est pour ça, le cœur du problème se concentre dans les zones d’éducation prioritaires où on a entre 50 et 60% des jeunes qui ne maîtrisent pas les savoirs fondamentaux en CM2. C’est pour ça que d’une part, je ramène à douze le nombre d’élèves par classe en CP-CE1 dans ces écoles - c’est environ six mille CP, six mille CE1, en France, parce que là, on a des résultats catastrophiques ; je réintroduis le test de fin d’année tout au long du primaire, pour évaluer les compétences et leur évolution, parce que si on n’évalue pas ces compétences, on laisse arriver dans le collège unique des jeunes qui ne maîtrisent pas ces dernières, et donner plus d’autonomie pédagogique au collectif, justement, d’enseignants, parce qu’on n’enseigne pas de la même manière dans une école primaire du quartier, dans une école primaire de la Réunion où j’étais hier, ou même de Courbevoie. Il faut regarder les choses en face et l’égalité républicaine telle qu’on l’a érigée en principe ne permet plus aujourd’hui d’avoir des méthodes d’enseignement qui sont adaptées au terrain.

MEDEF : L’excellence, c’est un gros mot ?

EM : Ah, je pense que c’est tout sauf un gros mot. C’est d’ailleurs pour ça que moi, je voudrais réintroduire les classes bilangues et les humanités, parce que l’école de la République, c’est ce qui permet, quand quelqu’un a de la motivation, du talent, quel que soit son milieu d’origine, d’accéder. Je pense qu’il y en a beaucoup d’entre vous qui, sans l’école publique et l’excellence française, ne seraient pas là. Il y en a beaucoup. Et donc vouloir baisser le niveau en disant, justement, “le niveau moyen baisse, il faut que tout le monde ait sa place”, c’est une fausse idée, parce que tout le monde n’aura pas sa place après. Et donc ça ne permet plus de sélectionner les meilleurs, tant et si bien que qu’est-ce qui se passe, si on regarde les choses en face? Les classes moyennes supérieures ou les classes aisées françaises ne mettent plus, ou de moins en moins, leurs enfants dans l’école publique et, du coup, elles vont les mettre dans l’école privée. Donc l’excellence dans l’école publique, c’est la vraie méritocratie républicaine. Donc ça, c’est l’élément de base, avec deux-trois choses, quand même, de plus. Je suis pour mettre plus d’orientation dès la fin du collège et tout au long du lycée, parce qu’on a un problème aujourd’hui, c’est que les jeunes ne savent pas où s’orienter post-bac. On réussit des performances extraordinaires, on a des résultats au baccalauréat formidables. Je vous recommande, les uns et les autres, d’aller sur la plateforme d’orientation dite APB, mise en place par l’Éducation nationale, ou si vous avez accompagné vos enfants sur cette plateforme, quand bien même vous savez où vous voulez aller, vous n’arrivez pas à reconnaître le nom de la formation !

MEDEF : Visibilité, décryptage, encore.

EM : Et donc les inégalités se recréent là. Parce que quand vos parents eux-mêmes ont fait des études, ont réussi, ils peuvent vous orienter vers la bonne formation universitaire, la bonne école d’ingénieurs ou le bon débouché. Mais lorsque vous venez d’une famille modeste ou d’une famille éclatée, vous êtes fichu, dans notre système ! Donc on a besoin de remettre la présence des entreprises et du post-bac très tôt, dès la fin du collège et tout au long du lycée, pour expliquer, pour avoir un échange, pour faciliter les stages beaucoup plus qu’on ne le fait aujourd’hui…

MEDEF : Et pour faire ce pont entre l’éducation et l’entreprise.

EM : D’une part avec l’entreprise, d’autre part avec l’université. Ce qui est, un, que moi, je souhaite développer les filières d’apprentissage, y compris d’ailleurs pour les formations les plus qualifiées et les plus qualifiantes. On a, nous, cantonné l’apprentissage dans les filières les plus techniques, les plus manuelles, c’est une erreur. Si on veut réussir - et je sais que ça, c’est quelque chose que vous portez beaucoup -, si on veut réussir cette transformation conceptuelle sur l’apprentissage, regardons comment ont fait les Allemands : c’est beaucoup plus simple, beaucoup mieux financé, mais c’est aussi beaucoup plus valorisé. C’est que dans tous les métiers, tous les types de qualification, les gens font de l’apprentissage, y compris dans les niveaux de formation supérieurs. Donc ça, il faut le remettre et sur le post-bac, moi, je suis favorable à ce qu’on demande, à ce qu’on impose aux universités une visibilité sur le débouché de leurs formations. C’est-à-dire on a besoin de savoir, quand on va s’inscrire dans telle matière à telle université, eh bien ce que deviennent les élèves à l’issue de la première année, combien abandonnent, combien passent en deuxième année et, à la fin du diplôme, combien ont un emploi ou combien continuent. Aujourd’hui, on ne le sait pas.

MEDEF : Et est-ce que les entreprises ont vraiment besoin de ces compétences. Deuxième question.

EM : Exactement.

Célia DOREAU : Au-delà de ça, il me semble que le monde dans lequel on rentre, c’est un monde co-créatif, c’est un monde agile, c’est un monde qui demande de la coopération, c’est un monde qui demande de savoir agir dans un cadre, de façon autonome. Comment allez-vous projeter notre Éducation nationale, notre formation professionnelle, qui sont aujourd’hui complètement sclérosées, qui ne permettent pas du tout de rentrer dans ce paradigme, dans ce nouveau paradigme qui est le monde qui change ?

EM : Je suis totalement d’accord avec vous sur la co-création et cette dynamique dans laquelle nous vivons. Elle est formidable, du coup, pour les gens bien équipés. Elle est mortelle pour des gens mal formés. Parce que quelqu’un qui est moyennement formé, qui avait une qualification moyenne ou basse, il sait survivre dans un monde taylorisé, parce qu’il est dans une tâche répétitive, qui peut être très déplaisante...

MEDEF : Mais il y a des repères.

EM : … mais il y a des repères. Un monde co-créatif, il faut ou avoir le tempérament, ou avoir l’autonomie dont on a été doté. Donc ça, ça veut dire, évidemment, dans la formation, ouvrir cet esprit-là, ça, c’est un changement culturel français, où on a malgré tout, dès le niveau de l’éducation, une culture anti-prise de risque et anti-échec - moi, je l’ai beaucoup dit, mais je crois que ça, c’est un problème français de notre système et de notre culture…

MEDEF : On stigmatise l’échec et on n’est pas dans le “test and learn and fail” et puis voilà…

EM : Donc c’est très mauvais dans une économie de l’innovation et de la rupture. Ce n’est pas mortel dans une économie de cycle long, mais on a besoin, dans notre école, dans notre société, dans notre vie politique, dans notre vie économique et sociale, etc., de valoriser beaucoup plus la prise de risque, de dédramatiser l’échec et d’aimer la réussite. Si on arrive à faire ces trois choses-là, les choses iront beaucoup mieux. C’est culturel ! Mais de dire aux gens “essayez, tentez, vous avez d’autres compétences”, etc., de les reconnaître et de leur donner une place, de dire “si tu échoues, ce n’est pas un drame, tu n’es pas stigmatisé” et, pour qui réussit, de le mettre en valeur. Ça, c’est culturel.

Pour après, moi, je crois beaucoup, en même temps que ce changement culturel et ce changement de méthode, à plus de transparence.Vous disiez, on est dans un environnement où on a besoin que les gens, justement, puissent avoir accès à des savoirs qui soient adaptés au changement ou à ce qu’ils vont vivre. Notre problème, aujourd’hui, c’est qu’on a une structure en silo. Et ce qui vaut pour l’université vaut pour la formation professionnelle et la formation continue : on forme plutôt davantage les gens qui sont déjà bien formés et on forme plutôt les gens en silo. On n’a pas une formation qui permet, d’abord, d’avoir une vraie visibilité sur les choses, d’accompagner la transformation de notre économie et d’évaluer. Nous sommes dans une économie de rupture. Le numérique va nous conduire dans un monde super-schumpétérien, nous le sommes déjà. Je le dis souvent, en prenant cet exemple pour le monde financier, où tout va bien : les services financiers peu ou moyennement qualifiés nous ont permis d’absorber une partie de la désindustrialisation. Dans les années à venir, on aura un choc de transformation, dans ces métiers. Dans les métiers de front office, par exemple, de la banque ou de l’assurance, le numérique, les robots, les algorithmes vont remplacer des emplois. On le sait, ce n’est pas la peine, il ne faut pas faire comme on le fait toujours, c’est-à-dire essayer de bloquer ces transformations, donc vous allez avoir…

MEDEF : J’ai bien noté, “vont remplacer les emplois et pas les tuer”…

EM : Moi, je dis toujours : il faut protéger les personnes, mais pas les jobs. Parce que ce n’est pas un gouvernement, un président, un ministre ou autre qui protègent des emplois, ce n’est pas vrai. L’entreprise sait si les emplois ont encore un sens ou pas. Par contre, il faut protéger les personnes par la formation. Et donc…

MEDEF : Vous allez accompagner dans cette transformation…

EM : Exactement. Et donc, vous allez avoir des centaines de milliers de Françaises et de Français qui sont dans ces métiers, qui vont faire face à ce choc. Aujourd’hui, si je regarde notre système de formation - il est très bon dans ce secteur, mais il vous permet d’évoluer dans le secteur. Or il faut les accompagner pour changer de secteur, pour aller peut-être vers du service à la personne, vers des économies renouvelables ou du service énergétique, qui, eux, vont se développer davantage, vers d’autres qualifications. Si je laisse le système de formation tel qu’il est aujourd’hui, rien n’est fait pour cela.

MEDEF : On va y revenir tout à l’heure.

EM : Ils tomberont dans le chômage. Un chômage plus généreux que dans beaucoup de pays européens, mais on ne va pas les reformer, les équiper pour changer. Et ça, dans l’économie que vous décrivez, c’est une transformation qu’on doit conduire.

MEDEF : Voilà, offrir des perspectives. Merci, Emmanuel MACRON, pour cette question sur l’éducation et la formation, et merci Célia DOREAU. Je me tourne vers vous, Samuel TUAL. C’est la troisième thématique, c’est la sphère sociale, avec vous. Le groupe ACTUAL, vous en êtes le président, on est dans le recrutement, dans le travail temporaire, donc là encore, on est dans les compétences, et on vous écoute.

Samuel TUAL : Bonjour Monsieur MACRON. J’ai levé, j’ai relevé une contradiction dans votre programme. En réalité, j’ai l’impression qu’il y a deux camps qui s’opposent, lors de cette campagne : il y a ceux qui sont contre le travail et ceux qui sont pour le travail. Ceux qui sont contre le travail, bien sûr, nous disent que le travail va disparaître à cause du progrès, que le travail se partage et que pour cette raison-là, il faut bien sûr maintenir les trente-cinq heures. Le travail est une souffrance, il est pénible, il faut maintenir la loi pénibilité. Et puis il y a ceux qui sont pour le travail, qui pensent au contraire que de travailler plus, ça peut permettre de créer la croissance, de créer plus de travail, et puis que le travail est aussi source d’épanouissement et permet de s’intégrer et peut répondre aussi à un certain nombre de maux dans la société. Et donc bien sûr ceux-là sont plutôt contre les trente-cinq heures, ils sont pour l’abrogation des trente-cinq heures et pour l’abrogation de la loi pénibilité. Et donc vous, je crois que vous êtes - vous l’avez dit en préambule - pour le travail, vous êtes pour l’esprit d’entreprise et pour autant, vous maintenez et les trente-cinq heures et la loi pénibilité. Pourquoi ?

EM : D’abord sur le premier point, sur les trente-cinq heures, j’ai toujours tenu la même position. Je pense que je suis le seul à avoir maintenu toujours la même position sur le sujet. J’ai été nommé ministre - le premier jour, dans Le Point, il y avait la position qui est la mienne aujourd’hui. J’ai dit “les trente-cinq heures, je pense que ce n’est pas un horizon” - je crois d’ailleurs l’avoir dit quelques mois plus tard au MEDEF, ce qui m’avait valu beaucoup d’ennuis -, je ne crois pas à la doctrine qui consiste à faire travailler moins les gens. Parce que ce n’est pas un gâteau fini qu’on partage. Pour autant, je l’ai dit, aussi vrai que les trente-cinq heures dans la loi étaient une bêtise, supprimer les trente-cinq heures par la loi n’a aucun sens. Et d’ailleurs, au passage, vous noterez que l’un de mes adversaires qui proposait de le supprimer par la loi tout de suite pour le renvoyer à quarante-huit heures ou autres, ne le propose plus, depuis quinze jours. Il propose d’abord de négocier, puis de voir à la fin des négociations, parce qu’il a vu aussi que ce n’était pas possible. Prenez l’industrie automobile : là où il y du travail posté, les gens ne demandent pas la suppression des trente-cinq heures. Si demain vous dites “par la loi, je ramène à trente-neuf heures”, vous allez créer dans des tas de secteurs, industriels ou autres, des vraies désorganisations. Vous allez créer les mêmes problèmes que la loi sur les trente-cinq heures - parce que c’était une loi - a créés. Donc moi, je suis cohérent : je crois au dialogue social. Pourquoi ? Parce que je dis : la réalité de notre économie, ce sont des secteurs dont les logiques sont profondément différentes. Qu’est-ce qu’il y a de commun entre l’industrie automobile, le secteur des services, l’industrie bancaire, le numérique, entre une PME et un grand groupe international ? Très peu de choses ! La réalité, c’est ça !

MEDEF : Donc négociation à quel niveau, alors, Emmanuel MACRON ?

EM : Et donc moi, je dis : il faut laisser une référence dans la loi, parce que si je la bouge dans la loi, je déstabilise des tas de secteurs qui vivent très bien avec les trente-cinq heures. Et c’est plutôt une majorité.

Samuel TUAL : On est quand même dans une société où le monde bouge, où il y a un certain nombre de mutations...

EM : Et donc je suis pour laisser aux gens la possibilité de bouger. Qu’est-ce qui ne va pas, aujourd’hui ? Dans un monde qui bouge, une start-up, elle ne vit pas avec les trente-cinq heures et les gens ne le veulent pas. Il faut qu’ils puissent déroger par un accord, j’y suis favorable, c’est ce que je propose.

MEDEF : Donc au niveau de l’entreprise ?

EM : Accord majoritaire d’entreprise au premier chef, accord majoritaire de branche, sinon, parce qu’il y a des TPE pour lesquelles l’accord majoritaire d’entreprise, c’est très compliqué et je suis contre le mandatement automatique. Donc moi, je suis pour que l’accord d’entreprise débloque les choses. Donc privilégier l’entreprise, sinon des accords-types au niveau de la branche, pour les TPE. Mais je suis cohérent là-dessus, je ne crois pas au changement par la loi, vous ne trouverez pas la bonne référence dans le monde qui est le nôtre, il y a trop de divergences.

Samuel TUAL : Vous avez raison, l’entreprise est unique et, par nature de fait, avoir une… C’est en cela qu’il y a un peu une contradiction, parce que, comme l’entreprise est unique, avoir une même loi, une même norme qui s’impose à tous paraît aujourd’hui ne plus avoir de sens…

EM : Mais on vit dans le même pays.

Samuel TUAL : ... et notamment pour le déclenchement des heures supplémentaires, où là, pour le coup, ça crée une distorsion suivant les activités…

EM : Alors c’est pour ça que je propose d’exonérer, sur le plan patronal et salarial, les heures supplémentaires, je reprends quelque chose qui avait été fait en 2007 et qui permet de lisser beaucoup, quand même, la chose et qui est positif…

MEDEF : C’était Nicolas SARKOZY.

EM : … à ce titre, tout-à-fait. Et d’autre part, je propose de donner beaucoup plus de souplesse à l’accord majoritaire. Et honnêtement, notez aussi, quiconque proposait tout de suite de le bouger par la loi est revenu dessus, parce que ça ne marche pas, parce que vous allez déstabiliser plus de secteurs que vous ne créez d’emplois ou de dynamique dans l’économie.

MEDEF : Vous avez dit “dialogue social”, pardon de vous couper, comment vous faites si les gens descendent dans la rue ? On parle déjà de troisième tour, là.

EM : Avant ça, comme je crois au dialogue social, je suis aussi contre l’obstruction en termes de dialogue social. Et ça, c’est un point important. Moi, je l’avais porté aussi quand j’avais défendu le travail du dimanche, avec des compensations. Beaucoup de gens me disaient “il fallait tout supprimer par la loi”, un peu dans l’esprit de ce que vous me donniez… Honnêtement, on aurait tout supprimé par la loi, en termes de protection, tout ouvert, on n’aurait jamais réussi à ouvrir un magasin, parce que là, on aurait eu une vraie France insurrectionnelle. De l’autre côté, il y en a d’autres qui ne voulaient pas bouger. J’ai fait confiance au dialogue social, avec vraiment des éléments pour débloquer. Ça a mis un an et demi. Mais on a ouvert des magasins et des quartiers qui n’avaient jamais été ouverts. Et avec des éléments de progrès social, d’accompagnement, de stabilité, qui n’étaient pas attendus. Donc ce que je veux, moi, c’est qu’on aille dans ce sens-là, avec un élément important pour vous - enfin, deux éléments de simplification. Le premier: je suis favorable à ce que, de toute façon, indépendamment des seuils qui peuvent être renégociés dans les accords de branche ou d’entreprise, on ait maintenant une instance unique de représentation. C’est-à-dire qu’on simplifie les choses. Parce qu’on le sait bien, il y a aujourd’hui cette limite de l’effet de seuil qui est extrêmement contraignante. Instance unique. On n’enlève pas de pouvoir, mais on simplifie, on enlève du formalisme, avec le CE, le CHSCT, etc. Instance unique. Et la deuxième chose, c’est le pouvoir de référendum donné à ceux qui ont signé l’accord minoritaire, au chef d’entreprise, en cas de blocage. Là aussi, il faut sortir de l’hypocrisie : tout le monde appelle à la démocratie, en permanence, dans la société et on est contre la démocratie en entreprise. Donc il faut qu’il y ait d’abord un dialogue social, qui soit organisé. Si on n’arrive pas à avoir un accord majoritaire, à ce moment-là, eh bien, ou le syndicat minoritaire ou l’employeur peuvent déclencher un référendum pour faire bouger les lignes.

MEDEF : D’accord.

Samuel TUAL : Un mot sur le sujet de la pénibilité, cette usine à gaz administrative qui est aujourd’hui inapplicable dans nos entreprises. Comment fait-on ?

MEDEF : Alors oui et puis je voudrais revenir sur ce que vous disiez, c’est-à-dire qu’on considère le travail comme un fardeau, et non pas comme un moyen de s’accomplir. Vous connaissez la fameuse formule : “Bon courage !”

EM : Deux choses. D’abord je l’ai dit, vous savez, y compris quand j’ai été parler devant la CFDT, donc moi je dis la même chose à tout le monde : je n’aime pas le terme de pénibilité donc je le supprimerai. Le terme lui-même induit que le travail est une douleur et ne correspond pas à ce dont nous avons besoin, parce que le travail, c’est l’émancipation, c’est ce qui vous donne une place. Après, il y a des tâches qui sont pénibles, mais il ne faut pas tout écraser derrière ça. Donc le terme, moi, ne me va pas. Ensuite, de la même façon, c’est juste, l’idée de pénibilité. Tout le monde a essayé de le faire. Xavier BERTRAND, quand il était ministre, il a essayé de faire à peu près l’équivalent. Parce que vous reconnaîtrez qu’un métier de couvreur, un métier, quand vous êtes dans des entreprises qui, justement, se sont peu modernisées, où le travail industriel demeure difficile, n’est pas le même que celui que pour ma part je fais ou que fait un cadre qui est derrière son bureau ou même un salarié posté qui est dans une entreprise hyper-modernisée.

MEDEF : Alors ce dispositif, comment on fait pour passer d’usine à gaz à start-up ?

EM : Donc je l’ai dit, moi, je suspends son application par la loi univoque, parce qu’elle ne marche pas. Et là aussi, je renvoie à un dialogue social par branche qui en définira les modalités, pour un premier temps. Parce qu’on doit pouvoir adapter les choses. Les différences sectorielles sont profondément importantes sur ce sujet. Par contre, de manière plus large, la réalité, si on ne veut pas recréer des régimes spéciaux, parce que c’est bien ça le risque qu’il y a derrière, c’est de pouvoir individualiser les choses, c’est de se dire : tel individu a passé vingt ans dans une entreprise où les situations sont très difficiles, il a acquis, on le voit bien, une forme de prime, ça vaut campagne, comme on dirait dans l’armée. Et donc ça, pour moi, ça s’accroche ensuite à la réforme plus profonde que je veux faire du système de retraite, en allant vers un système de retraite par points, qui est beaucoup plus individualisé et visible, où quand vous êtes dans une entreprise - et c’est suivi à ce moment-là par la médecine du travail, et vous pouvez voir les situations de difficulté -, vous avez une forme de majoration de vos droits à la retraite. Mais en aucun cas, je ne veux qu’on le gère en silo, par branche, pour recréer des régimes spéciaux de retraite.

MEDEF : Une dernière question, et une réponse courte.

Samuel TUAL : Vous savez qu’on est en négociation sur l’assurance chômage. En l’occurrence, si la négociation aboutit… Vous avez annoncé une réforme très innovante, puisque vous prévoyez de nationaliser l’assurance chômage et de le financer par la CSG. Dans le cas où il y aurait aboutissement sur les négociations, qu’est-ce que vous ferez de cet accord ? Et puis la deuxième chose, vous prévoyez aussi d’intégrer un bonus/malus, pour taxer en réalité les contrats courts. Est-ce à dire que vous souhaitez taxer la flexibilité en France, la flexibilité étant un outil et un argument fort pour la compétitivité de nos entreprises, et puis surtout, c’est un peu le modèle social européen qui nous est donné? Donc est-ce qu’avec le bonus/malus, vous n’allez pas freiner la flexibilité dans le pays ?

EM : Ce que je veux faire sur l’assurance chômage - je n’aime pas le terme de nationalisation parce qu’il est impropre -, c’est la transformer, comme on l’a fait pour l’assurance maladie. C’est que le chômage, ça n’est plus un risque individuel sur lequel on s’assure à titre personnel. C’était vrai dans une économie où il y avait 4-5% de taux de chômage. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. C’est un vrai risque social, avec des transformations qui nous dépassent. Et la deuxième chose, je suis cohérent, on n’arrête pas de dire qu’il faut le financer différemment, il ne faut pas que ça pèse sur le travail. Donc le système où il est financé par des cotisations sur le travail et géré par les partenaires sociaux n’est plus le bon. Le chômage est un risque qui est devenu un risque social qui touche tout le monde et qui doit être financé par l’impôt, comme on l’a fait avec l’assurance maladie.

MEDEF : Deuxième point rapidement.

EM : Et donc ça veut dire que je suis pour un système tripartite, comme l’assurance maladie, où l’État prend ses responsabilités. Parce qu’aujourd’hui on est très hypocrite, on garantit, l’État a garanti plus de trente milliards de déficit cumulé de l’UNEDIC, mais il dit “ce n’est pas moi qui m’en occupe, c’est les partenaires sociaux, c’est du paritarisme.” Non, ça n’est plus du vrai paritarisme. Ça, c’est le premier point sur la philosophie, ce qui me permet, là pour le coup, à très court terme, d’enlever, 3.1 points de cotisations sociales salariales et de les transférer vers la CSG, et d’enclencher ce mouvement, comme on l’a fait sur la maladie, de changer la gouvernance et d’élargir, justement, le champ de l’assurance chômage à tous les individus, ce qui est beaucoup plus juste et beaucoup plus transparent, dans notre société. Un agriculteur, un artisan, un commerçant, un entrepreneur, il est normal qu’il ait ce risque, mais avec un système de droits et devoirs et donc de contrôle. Par rapport à l’accord, s’il est finalisé - de ce que j’ai vu de cet accord, il est très cohérent avec la philosophie qui est la mienne. Aller vers une plus grande responsabilité des seniors et contraindre le régime senior, ouvrir d’ailleurs des pistes qui sont assez cohérentes avec ce que je viens de dire sur les indépendants ou autres. Donc je suis plutôt favorable à cette dynamique d’accord et je la prendrai, si je suis élu, en arrivant, comme telle, parce qu’elle contribue à améliorer le système. Pour autant, elle n’épuise pas le champ que j’ouvre par ailleurs et donc ce que je souhaite faire plus largement.

MEDEF : Les contrats courts, rapidement.

EM : Alors, sur le bonus-malus et le contrat court, entendons-nous bien, l’idée n’est pas de faire là une mesure économique mais de responsabiliser. Moi, je suis pour donner plus de flexibilité - c’est la réforme du droit du travail que je porte et de simplification -, je suis pour aller au bout de la réforme sur les Prud’Hommes que j’avais lancée comme ministre et donc avoir un plafond, et donc je suis pour donner plus de flexibilité à l’économie. La flexibilité et la liberté vont avec la responsabilité. Le bonus-malus existe aux États-Unis. Je ne suis pas pour un bonus-malus par la loi qui taxerait de manière inconsidérée.

MEDEF : Vous pouvez considérer que c’est quand même perçu comme punitif alors que les entreprises ont besoin d’agilité.

EM : Non, les entreprises ont besoin de visibilité et d’agilité, c’est pour ça qu’on fait un plafond sur les dommages et intérêts aux Prud’Hommes, c’est pour ça qu’on fait toutes les réformes que j’évoque par ailleurs et que je porterai, mais en même temps, dans un même secteur, dans les mêmes conditions macro-économiques, il est normal qu’on récompense ceux qui agissent bien et qu’il y ait plutôt un malus pour ceux qui agissent mal. Donc l’idée, c’est plutôt comportemental, cela n’est pas budgétaire. On le définit par branche, mais dans une branche où vous avez une entreprise qui forme les gens, qui innove, qui valorise, qui les prend en CDI et une entreprise voisine qui est donc dans le même secteur, dans le même cycle économique qui, elle, ne prend que des contrats courts, eh bien, je trouve normal, dans le système où nous sommes, que la première ait un bonus et la seconde ait un malus. Cela n’est pas du tout contre le contrat court, mais c’est secteur par secteur, pour valoriser les bons comportements et mettre un malus aux mauvais comportements.

MEDEF : Merci Samuel TUAL, pour votre contribution et vos questions. Dernier angle, celui du financement de l’économie. C’est Sophie de MENTHON qui vous interroge, Emmanuel MACRON.

Sophie de MENTHON : Oui, Monsieur le ministre, financement de l’économie, mais j’ai envie de poser une autre question. Quand je vous écoute, je suis à la fois enchantée et désespérée. Alors, je suis enchantée parce que vous allez dans la bonne direction, parce qu’on a envie de ça, on a envie de cet univers que vous décrivez, vous avez bien compris les choses. Et désespérée parce que vous ne dites jamais comment on va faire. Alors moi qui suis une chef d’entreprise basique, j’ai l’impression de représenter des chefs d’entreprise basiques, nous nous battons tous les matins avec des obstacles insurmontables et ridicules et je ne comprends pas comment vous allez faire. Alors je suis en train de penser...

EM : Allez-y, sur quoi ?

SDM : D’abord la première mesure que vous allez prendre, en tant que président de la République, si vous êtes élu. Concrètement, à quelle date? Ça va être quoi, pour nos entreprises?

EM : La première mesure, ce sera la réforme du droit du travail et donc concrètement, c’est la généralisation des accords de maintien.

SDM : Mais la réforme du droit du travail, ça va vous prendre un temps infini, c’est vider un étang avec une petite cuillère.

EM : Mais pourquoi ? Vous voulez dire… Quand vous restructurez une entreprise, je vous dis, c’est la chose la plus importante, la plus fondamentale...

SDM : Mais on est bien d’accord, je suis d’accord avec vous, mais comment ?

EM : Il faut le faire dès le début

SDM : Comment ? Comment? Personne n’a réussi. Vous parlez du dialogue social. Vous y croyez ? Moi pas. Il y a un moment où, en France, aujourd’hui, je ne crois pas au dialogue social !

EM : Mais comment vous proposez de réguler les choses?

SDM : C’est ce que je vous demande. C’est vous qui vous présentez !

EM : Moi, je vous dis... mais je vous dis très sincèrement, si on reste dans le face à face avec les uns qui disent “moi, je suis pour tout supprimer”... On est dans un pays, on n’est pas dans une entreprise.

SDM : Alors il faut commencer par changer le système syndical qui bloque.

EM : Mais la conséquence de ce que je propose sur le dialogue social, sur le tripartisme, sur la formation professionnelle, c’est bien, derrière, de changer le financement des organisations, des organisations, d’ailleurs, syndicales et patronales.

SDM : Combien de temps, combien de temps ça prend ?

EM : Je suis pour le faire l’été-automne sur les trois chantiers que je viens de déclarer. Parce que, là où il ne faut pas confondre les choses, c’est que gouverner un pays, c’est un peu différent de diriger une entreprise, parce que vous avez le temps de la loi puis le temps du management public. On oublie à chaque fois le temps du management public ! Donc moi, je ne veux pas tarder sur les mesures que je prends, donc dès le début, je prendrai ces textes de loi qui permettent, justement, ces réformes. Réforme du droit du travail - je ne propose pas de faire un texte à trois cents pages - c’est un principe fondamental, ça a été préparé, d’ailleurs, à la fois par BADINTER et COMBREXELLE, CETTE et BARTHÉLÉMY , on a trop de gens qui ont travaillé sur le sujet pour ne pas l’avoir fait. Donc il ne faut surtout pas rentrer dans la rizière de changer la loi : on garde les principes dans la loi, on renvoie à la négociation par ailleurs. Mais ces textes sont prêts. Il faut les porter et il faut les porter au moment où on a un momentum politique, c’est-à-dire après une élection. Ça, c’est le premier point. Le deuxième point, c’est, sur la formation professionnelle, de redonner de la transparence et de l’évaluation du système de formation professionnelle, ce qui aura une conséquence sur le financement de certaines branches, côté patronal et des syndicats. C’est indispensable.

MEDEF : Ça, ça fait partie des premières mesures ?

EM : Ça, c’est dans les premières mesures, et ensuite…

Sophie DE MENTHON : Un mot sur la simplification… Oui ?

EM : … et ensuite, vous avez le management public, ensuite il faut aller, branche par branche, s’assurer du suivi et de l’application. Et on pense que l’État, ce ne sont que des déclarations d’estrade et des lois.

Sophie DE MENTHON : Oui !

EM : Mais c’est faux ! C’est faux ! Moi, je vous le dis : sur le travail du dimanche, que j’ai porté…

Sophie DE MENTHON : Mais par exemple, sur la simplification : on nous a baladés pendant cinq ans, sur la simplification.

EM : D’abord, la simplification : il y a des choses qui ont été faites et qui ont été portées par plusieurs d’entre vous. Françoise HOLDER et Guillaume POITRINAL ont fait un travail remarquable.

Sophie DE MENTHON : Il a essayé.

EM : Non, ils ont fait un vrai travail, il y a des choses qui ont été faites. Le problème de la simplification, c’est Sisyphe !

Sophie DE MENTHON : C’est Sisyphe, on est d’accord.

EM : C’est qu’en même temps qu’on simplifie, on remet des choses…

Sophie DE MENTHON : Comment on arrête ça ?

EM : En ayant une autre gouvernance législative. C’est aussi dans mon programme. Ça veut dire : du temps du Général DE GAULLE, on légiférait trois mois par an. Je ne vais pas proposer de faire siéger trois mois par an les parlementaires, je crains que, dans le contexte politique qui est le nôtre aujourd’hui, ce soit peu populaire. Par contre, ce que je vais proposer, c’est que, au-delà des lois de finances, et à l’exception de la première année, où on a un agenda très fort, il y ait en effet uniquement deux à trois mois où on légifère et le reste où on évalue. Vous parlez de l’entreprise: tout n’est pas comparable. Mais dans la sphère publique, le problème que nous avons, c’est qu’on est toujours à vouloir tout changer, tout déclarer, tout proposer en termes législatifs, comme si une entreprise changeait de stratégie tous les six mois. Et derrière, on ne s’occupe jamais de l’exécution. C’est le rôle du ministre, de regarder l’exécution. Et donc, les textes votés, c’est au début - et c’est pour ça d’ailleurs, ensuite, que je veux une vraie stabilité - mais derrière, ils doivent être impliqués dans l’exécution, dans la mise en oeuvre...

MEDEF : C’est ce que vous disiez sur la fiscalité : stabilité.

EM : … et y compris pour le droit du travail. C’est une transformation. Transformer un pays, on le fera ensemble. Mais on le fera si on a un autre management collectif. Et donc plus de temps d’évaluation, moins de temps pour légiférer, plus de temps pour manager la transformation, de manière partenariale, pour l’accompagner, pour la faire vivre, parce que les comportements collectifs ont besoin de temps. Et c’est pour ça qu’il faut prendre ces décisions dès le début.

MEDEF : Autre question, Sophie DE MENTHON, constructive !

SDM : Nous travaillons, le MEDEF le fait régulièrement, il y a en principe un droit à l’expérimentation, on sait ce qu’il faut faire, on a l’impression, très souvent, de vraiment savoir ce qu’il faut faire, ce qui ne marchera pas. Jamais nous n’avons été écoutés. Les travaux que nous faisons, on traîne dans les couloirs des ministères pour essayer d’arrêter les catastrophes, mais on n’est pas écouté là-dessus.

EM : Alors, sur ce sujet très important, ça me permet de vous faire une annonce ce matin : je souhaite qu’on change, en effet, le cadre légal du droit à l’expérimentation en France. J’ai lancé, comme ministre, quelque chose qui s’appelle France Expérimentation, pour aller dans ce sens, dans la sphère de l’action publique. C’est-à-dire dire “là où il y a de l’innovation, laissons les gens innover, essayer et on regarde ensuite pour généraliser”. Le problème - on partage la contrainte collectivement - le problème en France, sur le droit à l’expérimentation, c’est que quand vous expérimentez, vous êtes réputé devoir généraliser. C’est-à-dire qu’on ne peut pas expérimenter quelque chose qui n’a pas vocation à être généralisé. En vertu du principe d’égalité. C’est aberrant ! C’est comme si je vous demandais, dans votre entreprise, quand vous testez quelque chose, de dire “vous ne savez pas encore le résultat mais si je vous donne le droit de l’expérimenter, eh bien vous allez devoir ensuite le généraliser”. Non, c’est aussi le droit de pouvoir l’arrêter ! Et en même temps, quand ça réussit, de récupérer la bonne pratique et l’élargir. Et donc moi, je suis à la fois dans l’État et avec la sphère privée, pour décontraindre le cadre de l’expérimentation. Qu’est-ce que ça veut dire ? Donner aux collectivités la possibilité d’innover sur le plan normatif, donner plus de marges de manoeuvre à l’État sur le territoire au niveau déconcentré et donner la possibilité à certains secteurs d’entreprises - en particulier dans le très innovant, on a besoin sur l’IoT, on a besoin dans l’énergie, on a besoin, sur énormément de secteurs - de pouvoir, justement, expérimenter, sans le cadre actuel, c’est-à-dire sans être sûr de généraliser.

MEDEF : Voilà. Alors, oui, Sophie DE MENTHON - prenez le micro.

Sophie DE MENTHON : Le ministre des finances, il sera de droite ou de gauche ?

EM : Alors ça, je vais vous dire, ça n’a - pardon, je suis aussi direct que vous, on se connaît suffisamment - ça n’a aucun sens. La question, c’est la politique qu’il va mener.

Sophie DE MENTHON : Il vaudrait mieux que ce soit vous plutôt que certains !

EM : Oui, mais c’est une bonne illustration du fait que ça n’a pas grand sens. A l’inverse, vous avez eu des ministres des Finances et du Budget résolument de droite qui ont plutôt augmenté les impôts. Et le premier choc fiscal de 2011, ce n’est pas un ministre de gauche qui l’a mis en place. Donc ce qui compte, c’est la politique. Est-ce que vous avez une politique pragmatique de croissance et de transformation ou pas? Moi, le programme que je porte et ce que je développe, c’est cela. Il y aura, derrière, des personnes qui le mettront en place et qui n’auront aucun doute et aucun décalage par rapport à cette politique, c’est ça qui m’importe. Et il y aura, surtout, dans le gouvernement que je présenterai, entre un tiers et la moitié des personnes qui viennent de la société civile, c’est-à-dire des gens qui connaissent le secteur et qui ont des compétences.

MEDEF : Des chefs d'entreprise aussi ?

EM : Oui !

MEDEF : Merci beaucoup Emmanuel MACRON ! Merci à vous quatre, aux chefs d’entreprise ! On va continuer, Emmanuel MACRON, avec une question dans la salle qui émane d’une des fédérations, en l'occurrence de la fédération de l’hospitalisation privée. C’est Lamine GHARBI qui est sa présidente. Ah, vous la représentez?

LG : Président ! Ah non, je suis président !

MEDEF : Ah, on vous écoute pardon !

EM : Alors ?

MEDEF : Vous êtes dans le noir..

EM : Il est connu des services. Alors ? On vous écoute, cher Monsieur !

LG : Je peux venir devant, si je suis dans la pénombre!

EM : Allez-y !

MEDEF : Non.

LG : Voilà, comme ça, je me mets en face de vous et c’est effectivement plus convivial. Monsieur MACRON, merci d’être présent aujourd’hui ! Je vais vous dire que je représente les mille cliniques et hôpitaux privés, 200 000 salariés, 80 000 médecins libéraux. Et nous sortons d’un quinquennat difficile, voire effroyable. Même si je n’en porte pas forcément les stigmates, j’ai été victime de maltraitances parce que cette politique de santé qui a été menée pendant cinq années a visé à exclure la médecine libérale, les cliniques et hôpitaux privés. Démission du service public, de l’information, de l’innovation, des mesures vexatoires comme la dégressivité tarifaire. Comme si la cent-unième prothèse de hanche devait avoir un tarif différent. Des mesures totalement ineptes comme les bénéfices raisonnables, c’est-à-dire qu’au-dessus d’un certain pourcentage de bénéfices - notre secteur c’est 2%, 30% sont en déficit -, au-delà de 2%, il faudrait rendre l’argent. Je ne sais pas comment c’est possible ! Je ne sais pas comment c’est crédible ! Alors aujourd’hui, nous sommes à l’attente, forcément ! Attente de confiance, attente de respect, de dialogue et surtout d’équité, de transparence. Demain, nouvelle période, nouvelle ère, comment allez-vous faire en sorte que l’ensemble de la profession, pas uniquement les cliniques et les hôpitaux privés, le public, l’associatif et le privé que je représente aujourd’hui, puissent travailler ensemble en complémentarité et dans la confiance et le respect, et surtout dans l’équité ? Merci !

EM : Merci à vous. Alors, de manière simple, premier point, moi, je suis, vous savez, pour décloisonner justement le public et le privé. L’offre de soin, c’est un continuum. Si on n’associe pas le secteur privé, la médecine libérale, sous toutes ses formes y compris celles qui participent d’ailleurs au service public, comme vous l’avez rappelé en creux, à l’offre de soin de manière beaucoup plus souple, beaucoup plus transparente, on n’avancera pas. Donc c’est aussi pour ça que je suis, pour ma part, pour déconcentrer beaucoup plus les organisations, ouvrir les groupements hospitaliers et groupements de santé publics et privés et donc d’avoir une vraie stratégie au sens large. Aujourd’hui, quand les agences régionales de santé, vous le savez beaucoup mieux que moi, gèrent les choses, elles les gèrent en silo et donc parfois, il est utile de fermer un service hospitalier ou un hôpital de proximité parce qu’on va aider à développer la clinique d’à côté, à l’équiper d’une IRM, à aider à développer un service de néphrologie avec de l’hospitalisation à domicile, peut-être même que parfois l’immobilier qui est libéré par l’hôpital de proximité, des professionnels de santé privé en ont besoin. Aujourd’hui, nous n’avons pas ces souplesses dans le système. Donc moi, je suis pour décloisonner le système entre le public et le privé, premier point, en termes de gouvernance, sur le terrain et au niveau national. On a un objectif national de dépenses d’Assurance maladie - je l’ai fixé à 2,3 milliards sur le quinquennat -, ce qui met moins de contrainte malgré tout que ces dernières années où il y a eu une régulation annuelle qui était très dure sur le système en particulier de la médecine libérale. Là, je donne une visibilité quinquennale mais avec ce décloisonnement.

La deuxième chose, c’est que je pense qu’on doit réviser en profondeur nos méthodes de tarification à l’hôpital, dans les cliniques et avec les professionnels de santé. Aujourd’hui, on a une tarification à l’activité qui n’est plus adaptée à l’hôpital, qui est en fait inflationniste et qui ne prend pas en compte la réalité de la nature des soins et des services. Donc je suis pour limiter à 40 ou 50% du budget complet cette tarification à l’activité et prendre en compte d’autres objectifs de la santé publique. Pour les cliniques comme pour les professionnels, je souhaite, compte tenu de cette association et de ce décloisonnement, les associer à la définition d’une enveloppe de financement où on rémunérera aussi leurs actions de prévention avec des objectifs de santé publique. Parce que ce que j’attends de vos médecins, ce n’est pas qu’ils fassent le maximum d’actes - or aujourd’hui, on ne le régule que par l’acte en sous-payant les actes pour les libéraux. J’attends qu’ils participent à un bon objectif de santé publique, qu’ils fassent plus de prévention, qu’ils aient plutôt moins de malades, rien dans mon système aujourd’hui ne les indique - comme on a paupérisé ces professions, comme on a réduit la tarification de l’acte, elles doivent faire de plus en plus d’actes - qui sont au final de plus en plus coûteux pour l’Assurance maladie -, pour pouvoir vivre décemment. Je pense que ce n’est pas la bonne politique. La bonne politique, c’est qu’on partage des contraintes d’objectifs de santé publique qu’on évalue et donc ce qui suppose, dans la gouvernance, associer totalement le secteur privé mais, derrière, d’avoir une partie de la rémunération sur les cliniques, sur les professionnels de médecine libérale, qui ne soit pas liée uniquement à l’acte.

MEDEF : Merci beaucoup ! Merci, Emmanuel MACRON ! Merci à Lamine GHARBI pour cette question ! Voilà, c’était la fin des échanges avec les entrepreneurs. Il y a une quatrième séquence, Emmanuel MACRON, c’est la séquence photo. Il y a photo qui va apparaître derrière, sur l’écran, que je vous propose de voir là, sur ce petit papier. Voilà. Et l’idée, c’est que vous réagissiez à chaud sur ce que vous inspire cette photo. Qu’est-ce que ça revêt comme importance, pour vous. On a évoqué ces sujets-là, c’est une main tendue..

EM : C’est une main tendue, c’est un geste de confiance..

MEDEF : Voilà !

EM : Et d’amitié…

MEDEF : C’est une perche que vous lance !

EM : Et c’est une main de robot. C’est un beau symbole parce que, vous l’avez compris dans mon propos introductif, moi, je crois à la robotisation de l’économie et à sa modernisation !

MEDEF : Donc n’ayons pas peur des robots ?

EM : Donc n’ayons pas peur des robots. Ne cherchons pas à les taxer trop vite et laissons-les se développer. Pourquoi? En Allemagne, il y a quatre à cinq fois plus de robots et deux fois moins de chômeurs. Donc ce n’est pas les robots qui détruisent l’emploi.

MEDEF : Ils robotisent certains.

EM : C’est faux. Alors, ça va transformer le travail mais c’est aussi vrai que si on avait dit que les lampadaires détruiraient les emplois au moment où il y avait, en effet, des milliers de gens dans Paris qui allumaient des bougies ! C’est la transformation profonde de notre système.

MEDEF : Comment on accompagne les compétences? Parce que justement, vous commenciez à en parler tout à l’heure, on n’est pas au niveau et on peut avoir peur, du coup !

EM : D’abord, c’est l’investissement productif et l’investissement dans le capital humain. C’est ce double investissement ! Si on n’en fait qu’un, on détruit de la valeur socialement. Si on dit “on investit uniquement dans l’entreprise mais on n’investit pas dans les gens”, un, ça fait très vite peur, c’est le débat qu’on a perdu dans les années quatre-vingt-dix, on a dit que robotiser va détruire de l’emploi !

MEDEF : Ce n’est pas aujourd’hui !

EM : Robotiser permet de garder de l’emploi et de résister aux pays à très bas coûts.

MEDEF : Pourquoi ?

EM : Mais parce que sinon, c’est de la délocalisation complète. Et donc regardez les entreprises allemandes qui ont robotisé, elles ont gardé du tissu industriel qui, sinon, serait parti dans des pays à très bas coûts ! Donc par contre…

MEDEF : Donc on gagne en compétitivité et en agilité, puisqu’on produit sur place !

EM : Exactement ! Alors en plus, cette main, c’est presque des robots d’hier parce que la réalité, c’est cette main avec l’imprimante 3D, etc. C’est-à-dire que la transformation aujourd’hui de la robotique et de l’industrie du futur, c’est de pouvoir faire des volumes très réduits, de produire très vite, au plus près du terrain. Donc moi, je suis convaincu que cette nouvelle génération de transformation numérique, industrielle et de robotisation numérique, elle est bonne pour notre industrie parce qu’elle va permettre de relocaliser. On a un double phénomène dont on ne parle jamais dans nos débats et qui est fondamental. On va de plus en plus prendre en compte le coût carbone des biens et donc on va profondément revoir la logistique mondiale. On a développé, ces trente dernières années, le commerce international en disant “on fait venir des pièces à l’autre bout du monde à des pays à bas coûts, on les ramène sur leur marché final”. C’est faux parce que maintenant, ça va coûter de plus en plus cher parce qu’on va taxer ces flux, parce que ça n’a plus de sens. Deuxième transformation : on va pouvoir reproduire, y compris des biens industriels, par l’impression 3D sur place, avec des volumes très courts dans le textile ou autre aussi. Avec de l’innovation embarquée. Donc on va pouvoir relocaliser de l’industrie, si on fait ces investissements ! Et donc, il faut voir ce changement ! Le deuxième investissement, c’est le capital humain. Quelqu’un, je dis souvent, qui découpait, il y a encore quatre-cinq ans, une pièce d’avion dans une entreprise française, c’était une tâche pour laquelle il avait été formé, qui était assez manuelle, qui était une tâche d’ouvrier qualifié

MEDEF : Avec un vrai savoir-faire.

EM : Aujourd’hui, des robots le font, très bien. Vous allez chez Airbus, chez Daher, vous les voyez.

MEDEF : Chez Safran…

EM : Chez Safran. Le même salarié, s’il n’a pas été formé et dans une formation de six à huit mois, pour organiser les choses, programmer le logiciel, contrôler la pièce...

MEDEF : Pour devenir opérateur de la machine et plus ouvrier.

EM : … contrôler la pièce, il est fichu. Simplement on aura besoin de recruter quelqu’un, de toute façon, pour faire le contrôle qualité et de programmation. Donc vous voyez bien que c’est l’accompagnement des personnes dans l’entreprise. C’est pour ça que, d’ailleurs, j’ai eu l’honneur de lancer, avec plusieurs d’entre vous dans la salle, ce programme “industrie du futur”. Il y a eu tout un volet, énormément travaillé, d’ailleurs, avec les organisations patronales et syndicales de formation. Parce que ça, ça se gère dans le temps, c’est du management du changement et de la transformation, comme vous le faites dans l’entreprise mais à l’échelle du pays. Et d’ailleurs, on doit aussi le faire à l’échelle européenne, c’est pour cela que moi, j’avais signé à Hambourg, l’année dernière, un partenariat avec les Allemands, dans ce cadre-là, parce qu’on doit former des gens des deux côtés du Rhin. C’est dire “vous avez six-huit mois pour changer vos pratiques, on vous aide à vous adapter à la machine, vous allez garder une place dans l’entreprise” mais le robot - et c’est pour ça, pour revenir sur la question de Monsieur - cette main, elle enlève beaucoup beaucoup de pénibilité. Parce que ça, ce sont des troubles musculo-squelettiques sur lesquels on s’ennuie aujourd’hui avec des critères… Bon, passez-moi l’expression… Le jour où on développe ça et on sait donner à ce salarié qui a la main humaine un vrai rôle, la pénibilité n’est plus la même. Vous enlevez de la pénibilité au travail manuel parce que vous avez équipé l’entreprise. Et donc, la clé de tout ça, derrière, c’est d’avoir, justement, un financement de votre économie qui permet cette modernisation et donc des marges des entreprises, un taux d’impôt sur les sociétés, un accompagnement au changement avec les pratiques de sur-amortissement fiscal, qui sont nécessaires pour ces transformations.

MEDEF : Et de l’excellence aussi pour les compétences, parce qu’il faut qu’elles suivent.

EM : Exactement.

MEDEF : Parfait, on peut applaudir Emmanuel MACRON, le remercier pour ces échanges. On va terminer avec la dernière séquence, et pas la dernière séance bien que nous soyons dans une salle de cinéma. C’est votre pitch de conclusion et les mots que vous aimeriez que nous retenions. Debout, au pupitre ou ici, comme vous le souhaitez.

EM : Non, je vais continuer là. On ne vas pas faire de choses artificielles. Ecoutez, on s’est dit beaucoup de choses et on a parlé de beaucoup de sujets. Moi, je pense que la clé, pour notre réussite collective, parce que nous sommes embarqués dans la même galère ou nous sommes plutôt dans le même magnifique pays. La clé, c’est la confiance. Il n’y a rien qui se fait s’il n’y a pas la confiance. Donc la confiance dans l’État - et ça, si je suis élu, c’est ce dont je suis le dépositaire, en donnant de la visibilité dès le début, en étant crédible, c’est-à-dire en prenant les textes de loi et en enclenchant tout dès le début - je pense qu’il ne faut pas attendre et à chaque fois que, dans des quinquennats, le choix a été fait d’attendre, on perd de la confiance avec les acteurs donc moi, je m’y engage et ça fait partie de l’action que je veux mener dès l’été 2017 - et en enclenchant aussi une trajectoire de finances publiques qui est crédible et que je sais pouvoir délivrer, à soixante milliards d’économie, on en a peu parlé, on ne pouvait pas parler de tout ce matin. Mais la contrepartie de ce qu’on s’est dit sur le plan social, sur le plan fiscal - et je vous remercie d’ailleurs d’avoir passé beaucoup de temps sur les réformes structurelles qui sont à mes yeux encore plus importantes -, c’est d’avoir un État qui sait enclencher durablement une stratégie de baisse des dépenses publiques et en même temps d’investissements. Donc ça, c’est le premier point: il faut redonner de la confiance dans l’État.

Ensuite, il faut rebâtir la confiance entre les acteurs et la confiance entre les acteurs, pour moi, c’est vous donner confiance pour pouvoir investir et embaucher. Ça ne se décrète pas, je ne fais pas partie des gens qui prônent, vous le savez, la conditionnalité, parce que l’économie du piston, ça n’existe pas. Par contre, je sais ce que peut créer un cadre politique, économique où la confiance s’installe...

MEDEF : Et un écosystème favorable.

EM : … Voilà. Et donc ça, j’espère que c’est ce qu’on pourra créer ensemble. Un cadre où l’État prend ses responsabilités sur les grands sujets de politiques publiques, c’est-à-dire, justement, les réformes de structure, sur l’emploi, sur la formation professionnelle, où il reprend un peu plus de responsabilités, en particulier sur le chômage, parce que, honnêtement, c’est son job d’intérêt général, et où il donne beaucoup plus de marges de manoeuvre, justement, aux forces vives économiques, dans le dialogue social du quotidien. L’État, il intervient trop dans la régulation des branches et des entreprises, dans la réalité quotidienne, que ce soit celle de la pénibilité, du temps de travail et de l’organisation et donc ça, c’est ce que j’attends aussi de vous, c’est de faire vivre cette organisation économique et sociale, par le dialogue de branche, d’entreprise, sa modernisation et son impulsion.

Et puis enfin, on en a parlé un peu au début et je veux finir là-dessus, c’est la confiance européenne. Moi, je crois, pour notre pays, à ce que je vous dis: réformes économiques dès le début, une trajectoire fiscale et budgétaire crédible portée dès le début mais c’est aussi nécessaire pour redonner une dynamique européenne. La France, elle porte en elle la clé de cette dynamique. Il n’y aura pas de vraie relance, on ne changera pas le taux de croissance, qui est quand même la donne fondamentale, s’il n’y a pas une politique de relance européenne. La France elle-même ne peut pas faire une politique de relance intelligente, ce n’est pas vrai, compte tenu de nos contraintes partagées. Je ne vous proposerai pas, quant à moi, de sortir de la zone euro ou de l’Union européenne, pour les raisons rapidement évoquées tout à l’heure. Par contre, si on sait recréer de la confiance entre partenaires européens, alors on peut avoir une vraie politique économique beaucoup plus adaptée, c’est-à-dire une politique de relance par l’investissement public et privé et un vrai environnement économique beaucoup plus favorable à l’Europe. Ce qui nous a bloqués, durant ces dernières années, depuis la crise, c’est le manque de confiance entre les partenaires. Les Allemands attendent que nous rénovions beaucoup plus rapidement et drastiquement notre économie. Et les Allemands aujourd’hui eux-mêmes font trop de consolidations budgétaires et se sont crispés. Si nous voulons relancer le couple franco-allemand et, derrière, la zone euro et l’Union européenne, la clé, c’est de rétablir la confiance entre les partenaires et en particulier la confiance à l’égard de la France.

Donc voilà, pour moi, le fil rouge qu’il y a derrière, c’est cette confiance. Elle va avec les valeurs que j’évoquais au début. Donc il ne faut pas faire de propos d’estrade, il ne faut pas promettre des choses qui sont intenables, il ne faut pas promettre des grands clashs et autres, mais il faut promettre des choses rigoureuses qu’on sait pouvoir tenir, en partageant la confiance et les responsabilités entre nous.

MEDEF : Merci d’avoir partagé avec nous, ce matin, Emmanuel MACRON. Et merci à vous, Mesdames, Monsieur.

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