Discours d'Emmanuel Macron à Arras
26 avril 2017 - Le 26 avril 2017, Emmanuel Macron tenait un meeting à Arras, après s'être rendu à Bully-les-Mines et à Amiens, sur le site de l'usine de Whirlpool. Découvrez ici son discours.
J’avais quitté les Hauts-de-France depuis dimanche en début d’après-midi, j’avais oublié ce que c’était.
Merci à vous, merci pour votre enthousiasme et pour votre accueil !
Je devais être avec vous vendredi dernier. Attendez, je crois qu’il y a des gens qui ne voient pas, il faut de la discipline. Est-ce que tout le monde voit et entend ?
On ira jusqu’au bout !
Donc, vendredi, j’avais dû, malheureusement, annuler cette visite et ce rassemblement, suite aux odieux attentats que notre pays avait subis dans la soirée de jeudi. Je m’en excuse, je vous avais alors fait passer un message, mais à défaut d’avoir fait, ici à Arras, le dernier rassemblement d’avant le premier tour, nous ferons ensemble le premier rassemblement de cet entre-deux tours ! Nous allons le faire, mes amis, avec encore plus de force, de joie et de gravité que nous ne l’aurions fait il y a sans doute quelques jours encore. Parce que je veux d’abord commencer par nommer ce qui s’est passé, l’état du pays, le moment où nous sommes, et je voulais le faire ici parce que ces terres me sont chères ; parce que notre mouvement a commencé à quelques kilomètres - j’y étais tout à l’heure, à Amiens, dans les Hauts-de-France d’où je viens - et parce que les terres où nous sommes, ces terres des Hauts-de-France, elles sont au coeur de notre histoire, de notre passé et du défi politique qui est aujourd’hui le nôtre.
Que s’est-il passé, dimanche dernier ? Les Françaises et les Français ont décidé de tourner une page de la vie politique. Ils ont décidé que les deux grands partis de gouvernement, qui jusqu’alors avaient tenu le pays, ils ne se reconnaissaient plus en eux. Un quart simplement des Françaises et des Français se sont portés sur ces partis. Et je le dis avec respect pour les militants, respect pour les élus, respect pour les engagés, parce que nous sommes tous des engagés de la vie démocratique française. Mais quelque chose s’est passé dont notre pays était gros, une page a été tournée. Ces deux grands partis ne peuvent plus structurer la vie politique française d’aujourd’hui et de demain.
Alors j’entends les voix qui voudraient qu’on enjambe cette élection, qui disent “le sujet n’est même plus le front républicain, ce sont des balivernes” - on ne l’entend même pas, cette formule - et qui ne pensent qu’aux législatives, avec une indécence incroyable ! Qui n’écoutent même pas ce que les Françaises et les Français ont dit et osent aujourd’hui encore expliquer “mais moi, je suis prêt à venir demain gouverner parce que j’aurai une majorité parlementaire”. Ils n’ont pas compris que la refondation est profonde et que le moment que nous vivons est bien plus important, bien plus grave que les intérêts des uns ou des autres quels qu’ils soient, y compris nous-mêmes.
Ensuite, un quart des Françaises et des Français se sont exprimés dans des votes plus protestataires difficiles, qui ont aussi fragilisé ces partis de gouvernement plus traditionnels et il faut regarder en face ce que plusieurs candidats ont porté et en particulier Jean-Luc MÉLENCHON. Je sais que peut-être beaucoup dans cette salle, beaucoup dans cette région ont aussi suivi sa candidature ou pu voter pour lui. Ne sifflez personne, ne sifflez surtout pas. D’abord, ce n’est pas nous, de siffler, et surtout, il a été un candidat tout à fait digne, il a su porter la question démocratique, la question écologique, ses propres idées, avec beaucoup de panache et il a soulevé dans le pays une attente, il a soulevé une adhésion qu’il faut regarder. Simplement, depuis dimanche soir, il n’est pas à la hauteur de cette adhésion et ses électeurs méritent mieux que lui.
Je le dis, beaucoup ne se retrouvent pas dans nos idées, nous avons des désaccords, mais nous avons une chose qui vaut plus que tout, l’attachement profond, viscéral, de pouvoir partager démocratiquement ces désaccords. Cela, ne l’oubliez pas parce que c’est aussi ce qui est en jeu dans ce deuxième tour. Alors, face à cette menace, face à ceux qui haïssent la République et créent le désordre et la haine, choisissez un camp, ne pas le choisir, c’est perdre de vue ce cadre.
Depuis dimanche soir, il n’y a pas, comme nous l’avons connu il y a quinze ans, un front républicain qui s’est soulevé. Il faut bien le dire, mais c’est ainsi. Il n’y a pas eu cette unanimisme du monde politique et médiatique pour dire “tout sauf - non pas Monsieur mais cette fois-ci Madame LE PEN”. Comme si les uns et les autres s’y étaient habitués, comme si nous avions collectivement décidé qu’on pouvait compromettre avec certaines idées ; comme si le changement des visages pouvait faire oublier que les mots, eux, n’ont pas changé, que les haines, elles, n’ont pas changé, que les turpitudes sont les mêmes.
J’entends les divisions dans différents camps et je veux ici saluer, dans les Hauts-de-France, le premier rang d’élus qui est face à moi. Toutes et tous, vous avez mené des combats parfois les uns et les unes contre les autres, mais vous êtes dans une terre qui a connu aux régionales la menace du Front National. Vous avez pris vos responsabilités, Frédéric en particulier le sait ici, et d’autres, nombreux. Vous ne voulez pas que cela se reproduise. Vous êtes là, de tous bords, et je salue votre présence ! Venant du Parti Socialiste, des Radicaux, de l’UDI, du Modem, des Républicains, venant des mouvements citoyens, venant d’En Marche ! que vous avez poussé et fait monter !
Nous sommes là, tous ensemble, parce que c’est bien la dignité de la France et un projet que nous voulons porter. Et le visage que vous montrez là, c’est celui que je veux pour notre pays. C’est celui, pendant quinze jours, sans relâche, que nous allons porter, parce que oui, face à l’incapacité de certains dirigeants ou de certains grands partis de décider un front républicain, nous allons refonder la vie politique française. Ce que nous portons depuis avril 2016, nous allons au coeur, au corps du pays, le poursuivre durant ces quinze jours de campagne et encore après : une refondation profonde qui construira justement ce socle où tous les progressistes vont pouvoir enfin travailler ensemble à visage découvert, sans hypocrisie, pour l’intérêt du pays !
Et je le dis à toutes celles et ceux qui nous rejoignent après ce premier tour, comme je l’ai dit à toutes celles et ceux qui l’ont décidé avant ce premier tour : ils sont les bienvenus, s’ils sont les porteurs authentiques de ce projet. Tous les progressistes sont les bienvenus. Je ne leur demanderai jamais d’où ils viennent. Je m’assurerai simplement, à chaque instant, que nous voulons bien faire la même chose pour le pays. C’est cela, notre défi. Il n’y en a pas d’autre.
Et donc je ne reproduirai pas l’erreur faite en 2002 qui a consisté, après le front républicain, à reprendre les habitudes. Nous allons les changer, les habitudes et les usages, parce que nous devons rassembler, parce que la vie politique française, depuis dimanche soir, comment s’est-elle structurée et comment est-elle structurée durablement? D’un côté, le camp du Front National, celui qui décide de porter le repli, la négation du monde, la haine de l’autre, la sortie de l’Europe, la démagogie. Et de l’autre, la responsabilité qui est la nôtre, celle de vouloir une France conquérante dans l’Europe et dans le monde, celle de vouloir une France qui éduque, qui fait progresser, qui regarde les difficultés en face et qui ne les élude pas, qui a confiance dans l’avenir, qui veut le construire et qui parle à l’intelligence de chacune et chacun, qui ne fait pas de démagogie.
Depuis dimanche soir, je le disais, notre joie est grave, parce que notre responsabilité est immense. Je sais ce que les uns et les autres ici vous ressentez, parce que j’ai regardé comme vous, le lendemain matin, les chiffres. Ah ! J'étais joyeux parce que les Français nous ont mis en tête, et cette joie, il ne faut pas la bouder. Nous n’étions rien il y a un an. Il y a trois mois, tout le monde se moquait de nous.
Mais j’ai vu, sur ces terres que je connais, sur les vôtres où vous êtes élus, engagés, où vous travaillez, j’ai vu les chiffres du Front National. J’ai mesuré avec vous la responsabilité qui est la nôtre, celle d’aller reconquérir ces terres, celles d’aller convaincre, celle de n’accepter aucune défaite. Et la première des défaites, ce serait la victoire facile, la victoire donnée, la victoire déjà prononcée. Rien ne sera comme avant, rien, y compris les quinze jours qui viennent.
Et donc, notre devoir est immense, parce que ce qui va se jouer dans les quinze jours qui viennent sera déterminant pour les mois et les années à venir dans notre pays. Oublier, l’espace d’un instant, la force du Front National, la menace qu’il représente, c’est se condamner demain à ne pas pouvoir présider, à ne pas pouvoir gouverner. C’est cela, ce que je suis venu vous dire ce soir : c’est que nous avons été joyeux, et nous pouvons l’être, nous sommes fiers et restons-le. Les Françaises et les Français veulent l’espoir, ils nous ont placés en tête, mais portons tout cela avec gravité, avec détermination, parce que tout dépend de notre capacité, le 7 mai prochain, à gagner largement, fortement, pour changer les choses.
Et moi, je n’ai qu’un ennemi, mes amis, un ennemi, ce sont nos fractures et nos divisions. Je n’accepte pas ce que j’entends depuis dimanche soir : il y aurait la France des riches et la France des pauvres, la France des villes et la France des champs, la France triomphante et celle qui a déjà perdu. Il n’y a qu’une France, la nôtre ! Mais il y a des divisions profondes, des fractures, et nous devons tous ensemble les regarder en face pour y répondre. Et j’irai dans tous ces territoires de fracture, je ne laisserai pas une once du territoire de France à Madame LE PEN. Pas une seconde !
Face à la fracture politique qui s’est révélée dimanche soir, levons-nous, allons dans tous ces territoires qui doutent, qui se disent perdus. Je l'ai fait aujourd’hui, je le referai demain et chaque jour. Il n’y en a pas ! Ces territoires, ce sont les territoires de France, ceux dont nous venons. Allons partout porter ce discours exigeant, cet espoir au coeur, non pas pour promettre je ne sais quoi, mais pour dire que chacun des territoires de la République, il est dans la République, je n’en sais pas de perdus. A cette fracture politique, opposons notre détermination, notre envie, le discours de l’intelligence contre la démagogie.
J’étais tout à l’heure - ce qui explique un retard dont je m’excuse -, à Amiens, d’abord pour voir l’intersyndicale de Whirlpool, puis pour me rendre sur le site. J’ai d’abord vu les syndicats parce que je crois dans le dialogue social et parce que l’intersyndicale, depuis des mois, a joué un rôle formidable dont les élus peuvent témoigner, de responsabilité, pour ne pas bloquer le site, pour préserver les emplois, l’image de l’entreprise face, il faut bien le dire, au cynisme et au choix brutal. J’ai passé une heure et quart avec eux et j’ai commencé cet entretien en leur disant “je sais bien, vous vouliez que je vienne avant, mais je n’étais plus ministre et je n’allais pas entraver le travail, au demeurant bien conduit par Monsieur SIRUGUE, mon successeur. Mais est-ce que cela vous aide, si je vais sur le terrain?”. Je voulais leur réponse. Deux d’entre eux m’ont dit “oui, cela ne sera pas facile, mais venez, parce que cela nous renforcera.”
Dans le même temps, nous apprenions que Madame LE PEN allait sur le parking. Ne sifflez pas Madame LE PEN, ne la sifflez pas, cela ne sert à rien. Allez, dès sortis de ce rassemblement, dans chaque maison, dans chaque café et allez convaincre ! Si vous êtes avec moi ce soir, c’est que vous n’allez pas l’applaudir, donc je n’ai pas besoin que vous la huiez. Ne vous inquiétez pas. Mais Madame LE PEN, elle est venue faire quoi? Elle est venue passer un quart d’heure, un quart d’heure, sur un parking, avec pour moitié des militants du Front National, faire des selfies, dire qu’elle monterait une taxe spéciale aux importations, ça s’appelle monter de trois points la TVA - je vous donne la traduction si vous voulez comprendre ce que cela fait sur votre pouvoir d’achat - et elle est repartie. Et puis ce soir, elle a fait des images, donc les gens ont trouvé ça formidable, parce qu’on est dans une société d’image.
Et puis ce soir, elle a fait un communiqué pour donner ses solutions et puis elle a dit que si besoin est - elle a ressorti son programme pour les PME qui n’a rien à voir avec Whirlpool, mais ça n’est pas grave, elle n’est pas dans le réel - et derrière, elle a dit que s’il fallait, avec elle, Whirlpool serait sauvé parce qu’on nationaliserait. Alors, je l’ai vécu de près et comme disent de grands auteurs contemporains qui ne sont pas Michel AUDIARD, “il y en a qui ont essayé, ils ont eu des problèmes !” Mais qu’est-ce que cela dit ? Qu’elle veut faire vivre cette fracture politique, en attisant les haines, en mentant, en parlant aux peurs pour les utiliser, mais en n’apportant aucune réponse. Rien ! Face à cela, nous devons avoir le discours de la responsabilité, de l’exigence, aller au contact, accepter les invectives parfois, la colère parce qu’elle est toujours légitime et qu’elle dit quelque chose mais ne cédez rien de la vérité. C’est à ce prix que nous résorberons cette fracture.
Il y a la fracture démocratique ensuite, elle s’en nourrit injustement. Laquelle est-elle ? Le fait que tant et tant de nos concitoyens n’ont plus confiance, se disent “tous les élus ou les politiques sont à mettre dans le même sac. Ils ne valent plus rien !” Bien sûr, il y a eu des excès, des cas injustifiés et injustifiables. Bien sûr que comme vous, je sais cette campagne dans laquelle nous sommes, beaucoup de choses ont été faites, une très large majorité d’élus sont exemplaires, donnent de leur temps, de l’énergie, de leur disponibilité, pour une large majorité, de manière bénévole. Ne les laissons pas salir, mais surtout nous apporterons une réponse concrète, forte, une vraie loi de moralisation de notre vie politique qui empêchera les conflits d’intérêts, les emplois de complaisance, qui mettra un cadre clair sur les rémunérations et qui permettra de sortir de la démagogie et d’aller au bout du travail de clarification, de transparence.
Nous apporterons une réponse en renouvelant la vie politique et en faisant monter de nouveaux talents, de nouveaux visages, parce que c’est cette promesse qui est la nôtre ! Mais ne vous y trompez pas, le Front National, il est ce qui se nourrit de cette fracture démocratique. Il a les pires pratiques de l’ancien régime. Madame LE PEN, elle est héritière de ce système, elle est née dans un château de parti et elle donne des leçons, elle se prétend du peuple mais elle est une héritière. Elle vient d’un parti qui, constamment, a refusé de respecter les lois de la République, elle refuse de se soumettre aux juges de la République française. Regardez, dénoncez, dites-le à celles et ceux qui n’y croient plus : elle n’est pas la réponse !
Il y a la fracture sociale, on en parle depuis vingt ans et elle est essentielle, elle reste là. Et oui, on ne peut pas faire réussir le pays, si ce n’est la réussite que de quelques-uns. Alors oui, je porte un projet avec vous, de réussite des métropoles, des talents. Et nous en avons besoin parce qu’ils tirent tout le pays. Nous avons besoin d’une politique de recherche et d’innovation ambitieuse. Nous avons besoin d’une politique de libération des énergies, de libération du droit du travail. Nous avons besoin d’un vrai dynamisme économique parce qu’il tire tout le pays, mais cette politique ne vaut que si nous savons regarder en face la détresse des classes moyennes et des classes populaires.
J’écoutais tout à l’heure - nous étions à Bully-les-Mines - un ancien salarié me raconter son expérience dans une entreprise de la région et me dire qu’il y a vingt ans, avec le même travail, il emmenait sa famille en vacances et qu’aujourd’hui, il ne le peut plus. On ne peut pas ne pas entendre cela : les doutes, ce que j’ai entendu tout à l’heure à Whirpool, ce que j’ai ré-entendu dans le bassin minier à Wattrelos, il y a quelques mois. Des gens qui disent “il n’y a plus de place pour moi dans ce monde. Moi, j’ai pu bénéficier du système, à cinquante ans, je ne vaux plus rien ou bien mes enfants n’auront pas de place”. Cette fracture sociale, elle est là. Et ce n’est pas être de gauche ou de droite, c’est d’être au pays, d’avoir la France au cœur, que de répondre à ce défi et de dire qu’il n’y a pas de réussite d’un pays, si ce n’est que la réussite de quelques-uns.
Regardez ce qui s’est passé aux États-Unis, en Grande-Bretagne : les classes moyennes et les classes populaires ont dit non ! Elles ont dit “cette mondialisation, elle n’est plus faite pour nous. Votre système, on n’y a plus notre place”. Et donc nous devons apporter une réponse. La suppression de la taxe d’habitation pour 80% des Français, c’est une réponse de pouvoir d’achat pour les classes moyennes. C’est une priorité que je porterai. Avoir une vraie réforme du marché du travail qui protège dans l’entreprise par un dialogue social constructif, dans l’entreprise et la branche, pour qu’on forme, qu’on protège, qu’on nous trouve les bonnes règles, c’est donner une place aux classes moyennes et aux classes populaires qui travaillent par le travail et dans le travail.
Avoir une politique de formation professionnelle transformée qui ira vers les chômeurs, vers les moins qualifiés, investir massivement quinze milliards d’euros sur le quinquennat sur les plus fragiles, qu’ils soient jeunes ou non, c’est une réponse pour les classes moyennes, c’est réduire cette fracture sociale. C’est dire “vous qui pensez n’avoir plus de place, vous ne l’aurez pas du jour au lendemain, mais je vais vous protéger, vous, pas l’emploi qui n’existe plus, pas vous faire de fausses promesses ! Non, nous allons ensemble vous redonner une place dans la société, par le travail, par une formation qui débouchera sur un emploi : un vrai, un emploi d’aujourd’hui et de demain”. C’est cela, le projet que nous portons!
Ah ! Il est ambitieux, il est long, il est dur et on le sait bien. Je vois là mes amis du Valenciennois, de Saint-Omer : vous le vivez depuis des années sur les territoires. Je l’ai vécue, votre indignation, votre colère quand une entreprise décidait de fermer ou de restructurer, parce qu’il y a un moment, c’est insupportable. Mais ce travail long de reconstruction en revitalisant des sites, en formant, vous l’avez mené. Vous avez fait émerger un visage d’une France numérique dans des territoires où plus personne ne pariait, en qualifiant les gens, en qualifiant les salariés. La réponse, elle n’est pas dans la démagogie, elle est dans cette ambition collective, dans cet investissement dans l’homme, dans l’entreprise, dans la machine, dans ce qui est le cœur d’un projet pour produire au XXIe siècle. Et puis réduire cette fracture sociale, c’est aussi l’école, c’est former parce que quand on n’est pas formé, on n’a pas d’avenir ! Et cela, le Front National n’en dit jamais un mot : rien !
Alors, oui, nous avons un projet ambitieux pour donner plus de moyens, là où il y en a besoin, pour recréer l’égalité des chances ! Ramener à douze élèves en classe de CP/CE1 dans les zones dites REP et REP+, là où il y a de la pauvreté, là où il y a des difficultés. Donner plus d’autonomie pour construire, donner par l’école les moyens de réussir. La fracture sociale, c’est comme ça qu’on la résorbera vraiment. C’est un travail au cœur du pays, au quotidien éminemment difficile, mais c’est celui que nous mènerons parce qu’il n’y a aucune autre réponse à la division du pays, à cette fracture-là. Aucune autre.
Et il y a aussi la fracture territoriale. On la voit partout et vous y êtes en plein. Cette fracture territoriale, elle touche les banlieues, la ruralité, les quartiers et les territoires qui se sont désindustrialisés, le bassin minier où nous étions. Tous ces territoires, qu’on sépare trop souvent, ils ont une communauté de destin. L’activité économique est partie, le doute s’est installé. Et les chances de réussir ne sont pas les mêmes, ne sont plus les mêmes. Cette fracture territoriale, elle nourrit la fracture politique. Elle est là. Alors moi, ce que je veux, avec vous, c’est donner à tous ces territoires la même chance pour réussir demain. La même possibilité de faire.
Là aussi, ne nous y trompons pas, ça ne se fera pas en un jour. Ça se fera avec vous, les élus de terrain, les grands élus, parce que les grands élus sont là, au quotidien, à portée d’engueulades et de gifles, au contact du réel, avec les forces vives économiques, sociales. C’est vous qui le ferez. Avec les régions, avec les villes, les départements, nous le ferons ensemble avec humilité mais détermination.
Cette égalité des chances, je veux d’abord la reconstruire en redonnant l’égalité des accès. Dix-huit mois seront laissés aux opérateurs de téléphonie pour déployer partout la fibre ou la 3G et la 4G. Ensuite, l’État prendra ses responsabilités et déploiera lui-même par le plan d’investissement que nous avons décidé. Ensuite, sur la santé, nous doublerons le nombre de maisons de santé parce qu’il faut lutter contre les déserts médicaux. Parce que je ne veux plus que des écoles se ferment dans la ruralité, nous les maintiendrons. Parce que nous rouvrirons des maisons de service au public pour, là aussi, partout garder ce maillage, cette présence, au cœur des territoires, des services public. Parce que nous aurons sur tous ces territoires une politique qui permettra de réussir dans l’artisanat, le commerce, en supprimant le RSI, en libérant les règles.
Et parce qu’au-delà de toutes les réformes déjà portées et dont j’ai tant parlé sur le plan économique, dont ces territoires ont aussi besoin, nous devons aller plus loin, nous devons investir. Je veux que dans tous ces territoires urbains, on puisse reprendre une vraie ambition, celle qu’un enfant du pays, de cœur, et un grand responsable avait portée en son temps, avec l’ANRU, Jean-Louis BORLOO. Je l’ai dit, je veux rétablir un vrai budget de l’ANRU et il sera donc doublé, pour que nous repartions avec une vraie politique de cohésion urbaine.
Parce que la réponse pour nos territoires est double : c‘est reconstruire la ville, refaire les quartiers, refaire de beaux quartiers, pour y vivre dignement. Et, dans le même temps, permettre, pour celles et ceux qui le veulent, de la mobilité géographique et sociale. C’est-à-dire par l’école, par le travail et par l’emploi, permettre aussi que celles et ceux qui veulent quitter ces quartiers pour aller ailleurs le puissent. Mais aujourd’hui, c’est la double peine : l’assignation à résidence et la pauvreté. Nous casserons ces deux murs ! Pas avec de fausses promesses : avec la mobilité économique et sociale, et avec une vraie politique urbaine et de cohésion !
Et dans les territoires les plus en difficulté, où la désindustrialisation est là, qu’ils soient ruraux, périurbains ou autres, je mettrai en place, dès les premiers mois du quinquennat, une stratégie de reconquête forte, avec de nouveaux instruments. Ce que je veux, au-delà des mesures déjà annoncées, c’est un vrai Plan Marshall de la réindustrialisation de nos territoires économiquement perdus. Ça veut dire que dans le bassin minier, que dans le Valenciennois, qu’à Château-Thierry, et que dans ces territoires que nous connaissons tous ici, nous mettrons en place des zones franches économiques, pour permettre à des entreprises de s’implanter, avec, en contrepartie, des obligations, dans la durée, d’embauches et d’investissements, avec le droit laissé aux pouvoirs publics - et je le dis dès le début - d’aller rechercher ces aides si le compte n’y est pas, à la fin.
Je ferai, dans ces territoires, et dans le cadre de ce Plan Marshall, des territoires en difficulté des territoires d’expérimentation. Qu’est-ce que cela veut dire ? Des nouvelles technologies arrivent, et on le sait aussi, pour ce qui concerne la mer, cher Frédéric - le Boulonnais, on en connaît les difficultés, or des technologies nouvelles sont là, des filières nouvelles arrivent, qui permettront d’exploiter différemment la mer. Nous devons, en France, pouvoir les essayer, les développer. Eh bien aujourd’hui, les règles sont trop contraignantes, trop lentes. Je ne veux plus des mêmes règles partout sur le territoire. Je veux qu’on puisse expérimenter, essayer, dans certains territoires, pour un temps donné. Eh bien, ce sera dans ces territoires de la République, qui aujourd’hui pensent qu’ils n’ont plus d’avenir, qu’on essaiera l’avenir et qu’on le fera !
Parce que ces terres-là, qu’elles soient de l’Est, du Nord, du Centre, du Sud ou de l’Ouest, nous les connaissons. Ce sont les vieilles terres industrielles et agricoles de notre pays. Je les connais comme vous. Vous en êtes. Ce sont des femmes et des hommes qui ont le travail au coeur, qui veulent la dignité dans le travail et par le travail, qui souffrent de quoi ? De ne plus avoir cette dignité, de ne plus penser l’avenir. Donc l’avenir, non seulement nous en avons un, mais nous le reconstruirons là, nous irons reconquérir là !
Alors je vous le dis : je ferai tout pour me battre à vos côtés. Sans faire des promesses folles que je ne saurai pas tenir. Il y aura d’autres entreprises fermées. Il y aura des échecs, et nous les subirons. Nous nous battrons à chaque fois dans la dignité et dans la vérité et je serai toujours à vos côtés, au maximum !
Mais surtout, nous avons un avenir et c’est cela, ce que je veux dire ce soir, en face, aux Whirpool, aux Goodyear, à toutes celles et ceux que je connais dans cette région, si bien, aux Sambre et Meuse sur lesquels j’ai échoué, à tous les salariés de la sidérurgie, où nous n’avons pas toujours réussi, et d’autres fois un peu, aux salariés d’Arc, que je n’oublierai jamais. À toutes celles et ceux qui se battent, qui aiment ce territoire, et à leurs élus, je dis une chose : on n’y arrivera pas à chaque fois, mais à chaque fois, on se battra. Par contre, je vous le dis : l’avenir du pays, on le construira avec vous, je vous y donnerai une place en vous formant. Je vous y donnerai une place en investissant. Nous y aurons une place parce que nous ferons, nous innoverons et nous le ferons là, avec vous, pour notre pays !
Dimanche soir, les Français ont décidé une chose : de sortir des vieilles querelles. Nous ne serons pas d’accord sur tout, c’est sûr. Mais le choix de l’avenir, de l’espoir, du développement, c’est le nôtre. Alors nous n’avons aujourd’hui plus d’autre choix, pour éviter la haine et le repli, plus d’autre choix que de porter cet espoir, cette volonté de conquête. Nous le ferons avec nos différences. Je serai le garant de cette unité et, croyez-moi, j’irai au bout. Mais ce combat, nous le mènerons jusqu’à son terme, parce que nous n’avons pas d’autre choix !
La fracture qui reste ensuite, c’est celle entre la France et l’Europe. Elle nourrit tous ces mensonges. Le Front National s’en alimente. Cette fracture-là, elle a prospéré sur le mensonge français. Depuis tant et tant d’années, dès qu’il y a une difficulté, on va expliquer que c’est la faute de Bruxelles, que c’est la faute de l’Europe. Non ! C’est notre faute, parce que Bruxelles c’est nous, c’est un choix souverain, c’est le nôtre avant tout ! Alors je vous le dis : est-ce que nous pouvons, aujourd’hui, sortir de l’Europe et de l’euro ? Je le dis non seulement à vous, aux salariés qui doutent, à ceux qui ont peur : scandons-la, défendons-la, c’est dans les quinze jours que tout se passe.
Le projet de madame LE PEN, c’est quoi ? Sortir de l’euro. Ça veut dire que votre épargne, demain, elle perdra au moins 30% de ce qu’elle vaut. Ça veut dire que vos salaires diminueront en vrai. Ils seront dans une autre monnaie, mais ce que vous consommez vient en majorité de l’étranger et donc cette monnaie-là ne changera pas. Le coût de tout ce que nous importons augmentera, et donc nous nous appauvrirons. Ah, pas celles et ceux qui vivent dans des châteaux. Les classes moyennes, les classes populaires, elles s’appauvriront chaque jour qu’elles consomment ! Elles s’appauvriront sur leur épargne : c’est cela, la sortie de l’euro et je n’y céderai rien !
Ensuite, sortir de l’Europe, mais qu’est-ce que cela veut dire ? Le protectionnisme, c’est la guerre. C’est un mensonge. C’est le repli. Sortir de l’Europe. Mais j’étais il y a quelques instants à Amiens ! Je leur ai dit - il y avait un salarié de Whirlpool qui était là -, j’ai dit “vous avez vu l’entreprise à côté, Procter & Gamble ? Mille salariés, formidable entreprise d’un groupe international. Elle est à Amiens. Amiens n’est pas foutue !” Il me répond “oui, mon fils y travaille.” Puis je lui dis “le site de Procter & Gamble à Amiens, 90% de ce qu’il fabrique est exporté hors de France, c’est le site pour l’Europe. Sortons de l’Europe : Procter & Gamble à Amiens, c’est fini ! Et dans chaque ville, je peux vous donner des entreprises de ce type”.
Mais surtout, ce protectionnisme économique, sur le plan politique, c’est le nationalisme. Et là-dessus, ne vous y trompez pas : le Front National, ça n’est pas le parti des patriotes, c’est le parti des nationalistes. Et les nationalistes, c’est la guerre ! Les patriotes, ils aiment leur pays, ils l’aiment ouvert, à l’image de ce qu’il est et de ce qu’il a toujours été. La France est un peuple fier qui s’est construit par la langue, à Villers-Cotterêts, qui s’est renforcé, dans son Histoire, sa tradition, mais qui a toujours aspiré à l’universel. La France, c’est une langue qui se parle sur tous les continents, c’est un pays dont les valeurs ont irrigué toutes les démocraties, c’est une puissance qui a toujours tiré les autres de l’avant. La France, c’est tout sauf le rétrécissement. Et je vous le dis ce soir : j’ai mal dans ma chair et dans mes racines de voir le chiffre du Front National dans les Hauts-de-France. Et je vous le dis, parce que c’est notre responsabilité.
Ici, à quelques kilomètres d’ici, ma famille, pour moitié, est enterrée. À Authie, dans une vallée triste, que je n’ai visitée que pour les enterrements, et où mon arrière-grand-père était maire. Cette vallée, je la connais très bien. Ces paysages, aux confins de la Somme et du Pas-de-Calais, j’en connais les charmes, la tristesse et les souffrances. Ce pays, ce pays où nous sommes, il a connu toutes les guerres de l’Europe. Toutes. Les guerres de Flandres, les guerres qui ont décimé le Moyen Âge, les siècles qui ont suivi. Les deux grandes guerres qui ont fait notre siècle ou qui ont, à un moment, failli le défaire. Nous avons été au coeur à chaque fois. Et tout à l’heure, à Bully-les-Mines, je n’ai pas oublié cette médaille, voyez, qu’on m’a donnée. Celle de Notre-Dame-de-Lorette. Mais au nom de quoi toutes ces femmes et ces hommes sont tombés ? Des discours de haine. De la bêtise humaine. D’un choix fait, à un moment, par des dirigeants, de manière folle, de dire “nous valons mieux que le voisin, alors allons le détruire mais allons le détruire avec la chair des autres”.
Madame LE PEN et ses amis, ils seront réfugiés au château de Montretout, mais ce sont vous et vos enfants qui iront la faire, la même guerre qui en a fait tomber tant et tant ! Alors ne cédons pas à cela ! Alors ils ne passeront pas ! Alors moi, je n’en veux pas ! Alors que toutes celles et ceux qui, aujourd’hui, ont décidé d’être les somnambules du XXIe siècle : honte à eux ! Nous, nous sommes debout ! Nous sommes en marche et nous irons au bout, avec responsabilité ! Mais je veux autre chose, avec vous, pour mon pays, mais pas ça, pas ça, pas ça !
Alors oui, vous l’avez compris, ce sera dur, ce sera long mais nous le ferons. J’en veux aux commentateurs qui ne voient pas la situation dans laquelle est le pays, j’en veux à celles et ceux qui se demandent comment leurs intérêts demain seront recomposés. Et je nous en voudrais à nous, de ne pas être à la hauteur du moment. Cela veut dire que notre responsabilité est immense, de dire la vérité, de ne céder à aucune facilité, mais de savoir aussi rassembler. Notre responsabilité, ma responsabilité, dans les quinze jours, dans les semaines qui suivent et les années qui viennent, ce sera d’abord de recréer l’unité du pays. Pas pour dire que notre pays est devenu un grand tout où il n’y a plus de différences mais de réconcilier vraiment, au-delà de ces fractures, et de rassembler largement tous les progressistes qui veulent travailler ensemble honnêtement, pour faire. Et je vous le dis, je mettrai dans les quinze jours qui viennent toute mon énergie à aller partout sur le terrain, au contact des Français, partout où il y a de la colère, pour l’entendre, l’écouter, dire notre vérité et notre projet. Et vous m’aiderez, j’en aurai besoin.
Et je mettrai la même volonté à rassembler toutes celles et ceux qui veulent travailler avec moi de manière honnête, forte, vigoureuse, sur un projet cohérent, celui que nous portons, un projet volontariste où chacune et chacun aura sa place, où chaque volonté aura son rôle parce que j’aurai besoin de toutes les volontés. Et que ce défi-là, ce ne sera pas le défi d’un homme, ça n’aurait aucun sens, ni le défi d’un clan, encore moins celui d’un parti. C’est celui d’un pays, c’est celui d’une génération.
Le peuple de France a dit, dimanche soir, qu’il voulait tourner une page. Mais il a dit aussi et avant tout qu’il croyait dans l’avenir, qu’il croyait dans l’espoir, qu’il croyait dans l’optimisme. Notre responsabilité, c’est de faire gagner largement, follement, généreusement ce camp-là qui est le camp de la France, le 7 mai prochain. C’est de le faire tous ensemble, avec dignité et dans l’unité. Et donc oui, mes amis, face à toutes ces fractures, je veux être le président d’une unité retrouvée et d’une France réconciliée. Face à toutes ces colères et ces doutes, je veux être le président de la reconnaissance, de la dignité et de la reconnaissance morale de chacune et chacun. Face à l’inefficacité qui produit la haine, la colère et les fractures, je veux répondre par une politique efficace et juste, celle que nous mènerons pour les classes moyennes et populaires, pour les territoires, pour l’école, pour la reconquête, pour l’égalité des droits.
Mes chers amis, ne vous trompez pas, entendez la colère, respectez les divisions mais partout allez convaincre. Et je le dis à tous nos concitoyens : je sais ce qui nous différencie, j’ai bien conscience que j’ai pu parfois vous gêner, que vous ne vous retrouviez pas dans mon projet, que vous n’êtes pas tout à fait à l’aise mais regardons ensemble le défi qui est celui du pays, je veux reconstruire notre unité pour faire, je veux être un président qui protège, qui assure la sécurité, qui construit, qui transforme et qui avec vous reconquiert. Cela prendra des années mais j’ai besoin de vous.
Alors mes amis, dans les quinze jours qui viennent, ne négligez rien. Je vous le dis : ne donnez pas au Front National votre colère, il ne la mérite pas. Ne donnez pas au Front National vos espoirs, il les trahira. Ne donnez pas au Front National vos indignations, parce qu’il s’en nourrit sans y répondre. Je veux avec vous construire le projet de la France qui entendra vos colères, qui saura nos différences, mais qui construira notre unité dans l’exigence, pour faire, pour créer, pour enfin être fier d’être français en Europe, d’être nous, ensemble.
Vive la République, vive la France !
Merci à vous, merci à vous !