Discours de la Mutualité
12 juillet 2016 - Retranscription du discours d'Emmanuel Macron à la Mutualité
Discours d'Emmanuel Macron à la Mutualité
Merci. Merci.
Merci à vous. Merci d’être là ce soir. Vous êtes plus de 3000, nous sommes plus de 3000 ce soir.
Et plusieurs milliers ont dû repartir parce qu’il n’y avait plus de place, et je veux m’excuser auprès d’eux. On en refera d’autres.
Oui, nous sommes en marche, c’est fait. Alors merci d’être là, merci aux volontaires d’En Marche, à toutes celles et ceux qui ont donné de leur temps, de leur énergie pour que cet événement soit possible, pour que ce soir, on se retrouve, pour que déjà des questionnaires soient remplis, pour qu’on puisse commencer à avancer. Alors, je voulais que cette rencontre, cette première rencontre du mouvement, puisse donner la parole à des hommes et des femmes très différents, vous l’avez vu. Il y avait des marcheurs, des élus, des non élus, des femmes et des hommes qui ne sont pas forcément avec nous, mais qui ont envie de faire avec nous, parce que ça doit être ça notre esprit, de tendre la main, d’essayer de comprendre ce qui se passe, ce qui se fait. Ce soir, nous n’avons sans doute pas les mêmes idées, heureusement. Ce soir, nous ne sommes pas un rassemblements de semblables. Heureusement ! Nous sommes un rassemblement large, fort, volontaire, de toutes celles et ceux qui veulent juste changer le pays.
Ce que nous sommes en train de faire, c’est de commencer à écrire une nouvelle histoire. Et cette histoire, elle avance à chaque fois qu’à Lyon, à Marseille, à Strasbourg, à Lille, à Melun, à Albi, à Annecy, il y a des marcheurs qui se réunissent, qui proposent des idées, qui vont en chercher d’autres, qui vont ouvrir des portes. Cette histoire avance à chaque fois que des hommes et des femmes adhèrent, à chaque fois que des élus, et je veux vous remercier d’être là avec nous ce soir... Roland, merci d’être là avec Gérard, sénateurs, députés, anciens ministres, élus consulaires, vous avez pris un risque, je le sais bien, parce que nous ne sommes pas toujours bien vus des partis, mais il y a aussi celles et ceux qui ont décidé de s’engager, qui ont des responsabilités dans le monde professionnel, je vous en remercie tous les deux, Patrick, Philippe, vous tous, Christian, parce que vous aussi, vous prenez vos risques ce soir, avec nous, vous qui êtes artistes, entrepreneurs, créateurs, salariés, membres d’associations, étudiants, c’est ça le visage de la France, les retraités, les chômeurs, c’est cette force vive du pays qui est là, qui décide de s’engager, c’est comme ça que cette histoire avance et continuera à avancer. Alors, cette histoire, elle dérange aussi. Ça arrive. J’en sais quelque chose.
Elle dérange parce qu’elle vient contrarier l’ordre établi. Parce que, elle inquiète le système, ses incohérences, parce que nous sommes là, et parce que si le système devait être inquiet et penser que nous allions céder, vous êtes en train de lui montrer que c’est tout le contraire.
Alors ça continuera, ce sera dur demain, après demain, il y aura des jours où on ne se réunira pas, je veux aussi vous rassurer, mais il faudra faire sur le terrain, où on se fera critiquer, les uns sur notre motivation, les autres sur notre capacité à aller au bout, parfois les mêmes d’ailleurs, rien ne doit nous arrêter.
Parce que, au fond, nous avons la ferme conviction que nous pouvons transformer le pays. Nous pouvons récompenser toutes celles et ceux qui prennent des risques en créant, en tentant quelque chose, en entreprenant. Nous pouvons reconnaître celles et ceux qui sont dans la plus grande difficulté, parfois dans la souffrance, nous pouvons laisser plus d’opportunités à vivre aux uns et aux autres, nous pouvons vivre dans un pays où il est permis d’échouer, parce que ce n’est pas si grave, et où il est en même temps formidable de réussir et ça ne doit pas être une honte. Nous pouvons célébrer nos vrais héros, celles et ceux qui veulent servir le pays, celles et ceux comme Alexandre Jardin le disait tout à l’heure, qui font, qui veulent faire avancer les choses. Nous pouvons retrouver espoir, c’est cela notre histoire.
Alors vous pourriez me dire : qu’est-ce qui fait que cette histoire serait possible davantage aujourd’hui qu’hier ? Ce n’est pas faux. Pourquoi sommes-nous là ce soir ? Et pourquoi nous n’étions pas ensemble il y a un an ? Parce que les temps ont changé. Richard le disait, nous sommes dans une situation radicalement différente, parce que notre pays est usé par les promesses non tenues, usé aussi de l’entre chien et loup, nourrie de l’entre- soi, notre pays ne croit plus dans les promesses qui lui sont faites. C’est ça qui est radicalement différent. Et en même temps, il y a une envie folle que les choses changent, maintenant, pas dans dix ans, pas pour que certains disent : encore un tour, monsieur le bourreau, pas pour ceux qui nous expliquent maintenant qu’on pourrait faire comme hier, comme on a toujours fait, parce que ce serait contraire à nos propres intérêts... ça fait deux ans à peu près que je suis ministre de l'économie, de l’industrie et du numérique. J’ai accepté avec beaucoup de fierté cette mission. Le président de la République m’a fait confiance, et je ne l’en remercierai jamais assez. Il m’a fait confiance. Il m’a fait confiance parce qu’il pensait que je pouvais faire quelque chose, et j’ai accepté cette mission parce que j’aime mon pays, je voulais agir, transformer, je voulais qu’on avance, parce que je considère, et les élus qui sont là le savent, il n’y a pas de plus belle chose que de servir, et en particulier servir son pays. Et pendant deux ans, nous avons beaucoup fait. J’entends beaucoup de choses injustes, et je ne veux pas que notre mouvement participe d’un scepticisme général, ou d’une mode qui consisterait à dire du mal du gouvernement et du président de la République. Nous n’avons pas besoin de ça pour avancer. Ce n’est pas ma démarche. Parce que j’ai vu un volontarisme, une envie de faire, de l’abnégation, l’abnégation de mes équipes qui ont travaillé jour et nuit pour que les choses avancent, pour que les lois et les décrets soient pris, les parlementaires qui n’ont pas compté leurs nuits... On se fait aussi de fausses idées de ce que sont les élus. Je les ai vus, jusqu’au petit matin, les week-ends, où on discutait les textes de loi, où on se battait pour faire avancer les choses dans lesquelles on croyait. C’est ça aussi qu’on a fait. Mais j’ai aussi vu les blocages et tout ce qui n’avançait pas. J’ai aussi compris qu’il y avait des résistances fortes, extrêmes, j’ai compris que quand on n’avait pas vraiment expliqué ce qu’on voulait faire, c’était plus difficile de le réaliser.
J’ai vu aussi qu’il y avait des lobbys, des groupes d’intérêt. J’ai compris que le temps pour décider, pour faire voter, pour faire appliquer, pour que ce qu’on a promis de faire devienne une réalité sur le terrain était devenu incompréhensible pour les gens, et nous fragilisait tous à la fin, parce qu’il réduisait notre capacité à agir. J’ai vu aussi combien lorsque les lois sont instables, les textes trop compliqués, nous perdons en efficacité. Parce que, au fond, ce n’est plus tellement une question d’homme ou de femme, c’est le fait que nos institutions, notre système, la chorégraphie de tout cela, ce monde est ancien, il est usé. Il est fatigué. Il faut en changer. Ce dont nous avons besoin, ce n’est pas de proposer telle ou telle réforme ou mesure, cela viendra, je vous rassure. Ce dont nous avons besoin, c’est d’une refondation du pays, des institutions. La seule question qui nous est posée, c’est : pouvons-nous encore continuer comme cela, avec les mêmes règles, les mêmes usages ? Comment être le plus utile possible à notre pays ? Comment faire notre part ? Ce n’est pas une question de personne, d’ambition... C’est juste le fait que maintenant, tout cela est possible. Parce que le moment est venu de faire des choix clairs, de se lancer dans une nouvelle aventure collective, qui ne peut être que collective, pour prendre les décisions courageuses dont le pays a besoin.
La fatigue qu’on ressent dans le pays, son angoisse, elle se nourrit justement de ce manque de lucidité, de celles et ceux qui veulent installer l’idée qu’on pourrait continuer comme avant. Parce que quand on ne regarde pas le monde tel qu’il va, ses risques, ses changements, on ne peut plus porter une vision nouvelle, proposer un projet et une action utile. La réponse, ce n’est pas de l’agitation, ce n’est pas de participer à un grand cirque, c’est de refonder une action qui ne peut s’appuyer que sur un constat lucide, établi. Qu’est-ce qui fonde cette urgence ? Qu’est-ce qui fait que vous êtes là ce soir, qu’on a le sentiment que quelque chose a changé en profondeur et que ce changement est irréversible et nous oblige à agir différemment ? C’est que l’histoire est en train de rebattre les cartes, l’histoire change, elle n’est pas la même. Nous sommes en train aujourd’hui de vivre collectivement une refondation en profondeur, une grande transformation. Ce ne sont pas des incidents qui arrivent, des petits changements, ça fait trente ans qu’on a déjà le sentiment intime que quelque chose a changé, depuis la fin des Trente Glorieuses, depuis que je suis à la vie politique, on nous dit qu’on va améliorer les choses, là, c’est encore plus profond ce qu’il se passe, nous sommes en train de vivre une grande transformation. Cette grande transformation, au fond, elle est d’abord géopolitique, elle est aussi numérique, elle est écologique, elle bouleverse nos ordres établis, tout ce sur quoi on avait construit notre organisation. Elle est d’abord géopolitique, parce que le monde a changé. Certains nous expliquaient il y a 25 ans que l’histoire était finie, que tout allait bien se passer maintenant, qu’on vivait dans un monde de paix, de stabilité, qu’une nouvelle page allait s’ouvrir. Ils s’étaient trompés.
L’histoire est redevenue tragique, pas simplement à l’autre bout du monde, à nos portes, chez nous. Et l’histoire est redevenue tragique parce que la guerre est revenue en Europe, c’est l’Ukraine, dans nos frontières. L’histoire est redevenue tragique parce que, au Moyen-Orient, là aussi, la guerre se fait jour. L’histoire est redevenue tragique parce que pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, des millions de réfugiés traversent l'Europe. Ce n’était pas arrivé depuis la Seconde Guerre mondiale. L’histoire est redevenue tragique, parce que chez nous, dans notre pays, des jeunes qui avaient grandi non pas à l’autre bout du monde, mais chez nous, avec nous, dans notre école, dans notre système, ont décidé pour des causes folles, par fanatisme, de tuer, de détruire, d’attaquer le système. Donc oui, l’histoire est redevenue tragique, et c’est un changement profond. Cette grande transformation est aussi numérique, c’est-à-dire qu’elle est profondément économique, elle est en train de changer tout ce que nous sommes. Imaginez il y a encore dix ans, vous réserviez vos vacances en allant dans une agence de voyage, vous passiez vos petites annonces dans un journal, vous ne le faites presque plus. Vous n’imaginiez pas payer sans contact. Tout est bousculé, notre façon de consommer, d’innover, de produire, de se déplacer, de tout faire. Et cette transformation, c’est une formidable accélération de la mondialisation. On a connu la mondialisation du porte container, qui a conduit à des délocalisations, à produire différemment, là, c’est encore plus radical, ça se passe en un clic, des géants bouleversent notre économie. Et ça a des conséquences profondes. Des secteurs de notre économie sont balayés, d’autres sont créés. Le travail se transforme, et nous devons en avoir conscience. Il y avait devant nos portes des militants sincères contre la loi travail. Mais c’est une réforme importante à laquelle je crois, que je défends, mais ce n’est déjà plus le combat d’aujourd’hui, parce que le travail a radicalement changé, il est en train de se transformer, nous sortons de l’âge classique du travail. Pourquoi ? Parce que ce qu’on faisait dans l’entreprise, dans la banque, dans l’assurance, c’est radicalement différent.
Dans certains services, la moitié des emplois n’existeront plus dans dix ans. C’est une transformation profonde. Ça veut dire que le cœur de notre société, de notre modèle productif, les classes moyennes, vont voir leurs emplois, leurs qualifications, leurs missions, bousculées, fragilisées, et en même temps, on va recréer des opportunités pour les plus et les moins qualifiés. C’est un enjeu formidable, inquiétant, et en même temps, ce sont des tas d’opportunités à prendre. C’est un défi pour nous, car il faudra s’organiser différemment pour accompagner les changements, il faudra plus d’agilité, il faudra former bien davantage. La vie se transformera, et parce qu’il faudra accompagner tout cela. Alors, vous imaginez, notre organisation collective, qui a été conçue en 1945 et en 1958, elle souffre au milieu de ces changements, et ce ne sont pas des ajustements qui permettront d’accompagner cette transformation, mais une refondation radicale des choses.
Et puis il y a la grande transformation environnementale, elle est aussi radicale. Ce n’est pas des grands propos incantatoires qu’il faut tenir, c’est maintenant, c’est un défi d’aujourd’hui, c’est notre défi. Pourquoi ? Parce que nous avons aujourd’hui partout sur la planète les effets de cette transformation. Chaque année est plus chaude que la précédente. Nous nous débattons avec un modèle productif qui nous permet de tenir, mais on dépense encore plus d’argent à tirer les énergies du passé qu’à produire l’énergie du futur. Nous avons créé un 7e continent, qui a comme surgi des eaux, il est fait de plastique.
Les appareils que nous utilisons mettront des décennies à disparaître. Ce n’est pas demain, c’est aujourd’hui. C’est un système capitaliste, court-termiste qui avait perdu son sens et qui insidieusement, a réduit les chances, les opportunités des plus faibles et des plus fragiles, qui sont les premières victimes de ces inégalités environnementales, chez nous, quand ils les subissent... À l’autre bout de la planète, quand des catastrophes naturelles adviennent. Mais surtout, les premières victimes, ce sont les générations à venir, qui ne sont pas là pour s’exprimer, celles et ceux qui n’ont pas de voix ou d’intérêt dans la partie. Alors oui, ce sont des combats difficiles, et je veux rendre hommage à ceux qui les portent depuis bien longtemps. Tout à l’heure, Alexandre citait Nicolas Hulot, il a eu bien du mérite, parce qu’il s’est battu. Il fait partie de ces grandes figures très populaires quand elles se sont éloignées de la scène politique, car on considère qu’ils ne sont plus des dangers. Il a fait un choix il y a quelques jours, difficile, fait sous la pression de certains, mais il a porté ces causes que j’évoque, il les a porté dans le cadre d’une fondation qui le dépasse, et il fait partie de ces missionnaires, et il y en a dans cette salle, qui dans l’ombre, ont porté cette cause difficile, parce que c’est difficile de trouver un financement, de trouver une voie quand on vient contrarier les intérêts en place pour défendre le long terme. Alors des choses ont été faites, la COP21 a été une formidable avancée, la loi de transition énergétique, qui a été un texte courageux. Mais nous devons aller plus loin. On doit aujourd’hui inventer ensemble, et pas simplement les pouvoirs publics, un modèle productif qui intègre cette responsabilité sociale et environnementale, ce long terme, c’est cela que nous devons réinventer, et nous le pouvons.
Alors, vous le voyez, ces bouleversements viennent bousculer nos pays, c’est cela qui crée encore plus qu’hier la nécessité de refonder les choses. On ne peut pas faire comme si de rien était. Ce n’est pas tenable. L’anxiété progresse, les tensions s’accroissent, à cause de tous ces risques. Les populismes avancent, ils montent partout en Europe. Le sentiment de déclassement, d’insécurité sociale est là, les classes moyennes vivent ces basculements. Elles veulent qu’on explique, les Français veulent qu’on explique le changement pour pouvoir l’accompagner. Il faut arrêter de tenir ce pays dans un état de minorité intellectuelle et politique.
Ces circonstances exceptionnelles que nous vivons appellent un souffle nouveau, pour reconstruire face à ces transformations. Un souffle nouveau qui est dans ce rassemblement. Pourquoi ? Parce que face à tous ces changements, il y a une solution de droite ? Il y a une solution de gauche ? Sur le travail, sur les inégalités, sur l'Europe, sur la place de la France dans la mondialisation, sur ce qu’est une société ouverte, sur la transition énergétique, sur tous ces défis, il y a des réponses à gauche et à droite, mais il n’y a pas un vrai consensus de gauche, un vrai consensus de droite. Les partis existants sont divisés sur ces questions, parce qu’ils se sont construits sur les défis d’hier. Ce n’est pas leur faute, ce n’est pas la nôtre non plus, mais c’est notre responsabilité que de regarder cette situation en face, d’en faire le constat clair. Alors, il ne s’agit pas ici de dire qu’il n’y a plus de, on a caricaturé ce que nous sommes, en voulant nous enfermer dans ce fameux ni-ni. Ce qui était sans doute un hommage tardif aux initiative de M. Jobert.
Quand on est des milliers comme ça, nous ne sommes pas le ni-ni.
Il y a des différences entre la gauche et la droite, elles existent, des différences de culture politique, de sensibilité, de représentation, d’histoire, d’affinités, de repères, et il faut les respecter. Moi-même, je suis de gauche, c’est mon histoire. C’est ma famille, c’est ce qui m’a fait. Vous savez, c’est très dur de savoir ce qui nous fait de gauche ou de droite. Ce sont des indignations, des affinités, parfois peut-être des rejets ou des confrontations avec d’autres. Moi, c’est mon histoire familiale, personnelle, mes filiations, mes indignations. C’est ça qui fait que je suis de gauche. Et une soirée comme ce soir, je ne peux pas ne pas penser à Michel Rocard.
Merci Sylvie d’être là. Tu vois, beaucoup de gens pensent à toi et à lui.
Je pense à lui parce qu’il fait partie des quelques hommes qui m’ont convaincu de faire de la politique. Alors je suis très différent de Michel Rocard. Et donc en lui rendant hommage, et Henri le sait bien, qui me l’avait présenté, et à qui je dois aussi beaucoup, en rendant hommage à Michel Rocard, ce n’est pas parce que, on sait comment est fait le monde politico-politique, ce n’est pas pour le récupérer, on ne récupère pas Michel Rocard, des gens ont essayé de son vivant, ils n’ont pas réussi. Donc je souhaite bon courage à tous ceux qui voudraient essayer de le récupérer maintenant. Je ne suis pas Michel Rocard, parce qu’on avait des désaccords, on se chamaillait très souvent, en particulier, il était surpris par En Marche. Pourquoi ? Parce que c’était un homme de parti, un vrai, un homme d’engagement militant, qui avait vraiment eu cet engagement, c’était son histoire. Ce n’est pas la mienne, je lui rends hommage, c’est ma dette personnelle, j’en ai des tas, je les rendrai toujours, mais il faut les rendre en liberté, sans chercher à capturer un héritage, sans chercher à dire : je fais tout pareil, parce que ça n’aurait aucun sens, et la meilleure façon d’être fidèle dans la vie, c’est de toujours nommer ses dettes, de toujours les reconnaître, mais d’être avant tout fidèle à ses idées. C’est ce que nous faisons ensemble.
Alors oui, moi, j’ai cet engagement, mais je crois malgré tout qu’aujourd’hui, on le voit bien, face à ces défis qui sont les nôtres, nous devons dépasser ce clivage. Nous devons aller plus loin, non pas pour reformer un nouveau parti, je veux rassurer tout le monde, l’idée n’est pas de faire un parti qui soit au centre-gauche ou au centre, ou que sais-je, ce n’est pas ça notre volonté. C’est d’être un mouvement qui rassemble. Parce que dans des circonstances exceptionnelles, on doit additionner les forces. Nous devons rassembler des femmes et des hommes de gauche et pleinement de gauche, de droite et pleinement de droite, du centre, et pleinement du centre, des hommes et des femmes de la société civile. Parce que nous sommes un rassemblement qui additionne les énergies. On n’est pas là pour diviser, pour se placer, pour jouer serré, pour avancer à côté de l’un ou de l’autre, pour remplacer la vitalité qu’on n’a plus par des accords d’appareils, ce rassemblement sera toujours différent, mais il est en marche. Ce rassemblement, c’est le rassemblement des progressistes. Parce que les progressistes, ils ne sont pas réservés à la gauche, ni à la droite. Le progressiste, c’est celui qui croit dans la liberté, dans un rapport à la justice, dans la société ouverte, dans l'Europe, c’est surtout ceux qui n’ont pas peur de voir la France telle qu’elle est, et qui la regardent en face.
En la regardant en face, ils veulent à la fois que la France qui croit dans la mondialisation, dans l'Europe, qui réussit, cette France qui est dans les métropoles, cette France bien formée, dynamique, qu’elle soit célébrée, qu’on lui permette d’avancer plus vite. Mais en même temps, c’est aussi celles et ceux qui veulent regarder une France immobile, parce qu’elle est au moins aussi digne. Je la connais, j’en viens pour partie. Une partie de ma famille a peur du monde qui change, regarde ce qui se passe avec un air un peu inquiet, qui se demande ce qui va se passer, si on saura assurer le même avenir aux enfants. C’est un peu cette inquiétude de la gouvernance dans Saint Exupéry, elle lui dit : « Ne t’éloigne pas trop loin, ne vas pas au fond du jardin. » C’est ce que me disait ma grand- mère. Elle aurait été inquiète, surtout inquiète. Mais parce qu’il y a cette France qui a peur du déclassement, qui ne se retrouve pas dans ce monde qui va, qui habite la province, qui sent qu’elle a peut-être un peu moins de droits qu’hier, que le monde dans lequel elle avait construit ses repères n’est plus là, et il faut aussi l’entendre, il ne faut pas la mépriser. Il ne faut pas qu’on lui explique que la solution qu’on lui apporte, c’est la France des start- upers. C’est important, vous savez combien j’y crois, mais il faut qu’on apporte de vraies solutions aussi pour elle, il faut qu’on lui explique qu’il y aura des changements, mais qu’on va dans une direction commune. Parce que notre volonté n’est pas de leur cacher ce monde tel qu’il va, c’est de réconcilier ces deux France. C’est de les remettre ensemble. Parce que, avoir deux France, c’est contraire à la France. C’est trahir ce que nous sommes. Et c’est ce qui est en train de se passer. Elle se morcelle sous nos yeux. C’est ce qui vient de se passer en Grande Bretagne il y a quelques semaines. La Grande Bretagne, tout allait bien, ça marchait beaucoup mieux que nous, elle n’a pas parlé au pays qui avait peur, mais lui, il a parlé. Il faut toujours expliquer, respecter, proposer, pour toute la France, pour une France réconciliée. C’est ça... C’est la condition même de notre action. C’est ce qui doit nous faire avancer. C’est cela notre projet. C’est ce qui fait notre rassemblement au-delà de nos différences. C’est ce dont notre pays a besoin. Parce que notre rassemblement, ce n’est pas un rassemblement pour plaire, mais pour faire, pour avancer. Ce n’est pas pour chercher la femme ou l’homme providentiel, c’est de nous unir pour que chacun puisse agir, c’est retrouver cette magnifique formule que trop considèrent comme surannée : servir notre pays, faire notre part, à chaque endroit où nous sommes.
Regardez où nous sommes ce soir. Ces circonstances exceptionnelles ont tout changé. Regardez-vous ce soir. Vous n’êtes pas venus pour assister à un énième congrès. Je ne crois pas. Vous êtes simplement cette convergence exceptionnelle faite de différences pour agir. C’est cela ce que vous êtes, ce que nous sommes. Je ne pensais pas il y a deux ans être ce soir devant vous, là, comme ça. Rien, rien ne pouvait nous laisser penser cela. Je pense que vous, il y a quatre mois, vous ne pensiez pas non plus être là ce soir. Et pourtant, nous sommes tous réunis. Alors imaginez où nous serons dans trois mois, dans six mois, dans un an !
Mais notre priorité, c’est d’abord un projet. Le projet progressiste, c’est cela ce à quoi nous devons nous atteler. Autour de trois convictions, c’est ça ce qui doit nous animer dans les prochains mois. D’abord libérer le pays. Le libérer. On le sait, vous le ressentez, partout où vous êtes, on a besoin de plus de liberté, parce que ce qui caractérise la France, c’est cette énergie, c’est ce que vous êtes là, ce soir, dans la salle, mais ce qu’il y a partout, la liberté des entrepreneurs, des créateurs, des salariés qui veulent faire, parfois différemment, qui veulent inventer leurs propres règles, la liberté des associations, des maires, des présidents de région, des élus locaux, de ceux qui se disent : je suis sur le terrain, je sais mieux que ceux qui sont dans des bureaux tout en haut comment faire. Alors, je m’en suis rendu compte parce que parfois, j’ai été sur le terrain et je n’ai pas pu faire, et puis je suis depuis deux ans dans un bureau avec des équipes qui ont envie de faire des choses formidables, et parfois, on fait mal. Et sur le terrain, on nous dit que c’est pire que tout. On nous dit : vous auriez dû nous en parler avant. Il faut entendre ce qu’il y a sur le terrain, c’est ce que vous faites avec la Grande Marche, comprendre tout ça. Libérer notre pays, c’est sortir des corporatismes. Car il y en a partout. On en a tous un peu avec nous. Moi le premier, je ne vais pas vous raconter des histoires, j’ai ma part de corporatisme, j’ai passé un concours de la République, je suis devenu haut fonctionnaire, je fais partie d’un gouvernement, je suis pour beaucoup dans l’élite, j’y suis passé par la banque d’affaire...
J’ai aimé chacune de ces étapes, mais j’ai adhéré à des corporations, des gens qui avaient un intérêt à préserver, et on le fait toujours en toute bonne foi, on est tous d’accord avec les semblables et avec soi-même quand on est dans un camp, mais on bloque les autres, on contribue à un peu étouffer le pays. Donc remettre de la liberté, c’est aussi accepter de revisiter les corporatismes, aller voir les corps constitués, qu’ils soient dans la haute fonction publique, du côté des élus, dans les entreprises, dans le syndicalisme, il faut qu’on fasse notre propre introspection pour faire bouger les lignes, pour que cela se libère. Parce que quand on donne plus de liberté, on vient parfois un peu fragiliser les corporatismes établis. Ça vient inquiéter en toute bonne foi. Donc il faut expliquer où on va.
Mais il y a deux conditions pour réussir : expliquer la démarche, rassurer, dire qu’on compensera. J’ai toujours entendu la revendication des taxis qui légitimement protestent contre les nouveaux entrants, ceux qui proposent avec le smartphone, des chauffeurs plus simples, parfois, est-ce qu’il faut supprimer cette innovation pour autant ? Non, elle crée des milliers d’emplois en particulier dans les quartiers les plus difficiles. Vous avez libéré. Mais il faut savoir accompagner ceux qui sont en train de perdre quelque chose, en leur expliquant, en compensant, en accompagnant. Mais ça ne marche aussi que si on fait bouger tous les corporatismes. Ça marche s’il n’y en a pas qui disent : vous, avancez, mais nous, la liberté, ce sera pour demain, on ne va pas bouger. Non c'est pour tout le monde, pour tous les publics, et en particulier pour ceux qui sont tout en haut. Donc oui, nous allons devoir mettre des ouvertures, des brèches, faire des propositions concrètes, pour le système politique, la haute fonction publique, l’entreprise, le monde associatif. Mais nous en avons au fond tous besoin, et nous n’avons pas peur de ça. C'est la condition pour réussir.
Libérer, c’est aussi simplifier les choses, enlever encore des normes, sans doute prendre moins de décisions, les prendre de manière plus stable et transparente, et avoir un programme très clair, très lisible, ne pas revenir sur ce qu’on aura fait, ne pas bousculer les choses, libérer, c’est simplifier. Les gens ne vivent pas dans les normes. Au contraire, ils veulent pouvoir avancer. Ce qui vient entraver tous ceux qui osent dans notre pays, on doit le simplifier, le supprimer, le rendre plus lisible, plus transparent pour chacun. Parce que ce à quoi je crois très profondément, c’est qu’il y a une réconciliation vraie entre la liberté et la justice. Quand on dit qu’il faut libérer, ce n’est pas juste les énergies spontanées, formidables qui viendraient s’exprimer de manière naturelle et qui oublieraient les perdants. Parfois, en fermant les choses, en mettant des règles, en protégeant, on a fait des victimes les plus faibles, ceux pour qui c’est le plus difficile de rentrer dans les règles, pour se déplacer, avoir le permis de conduire, se former, se repérer, les formations, trouver un stage, un emploi, on a plein de bonnes idées, mais le plus compliqué, c’est pour les plus faibles. Quand on simplifie, on donne un accès. Et penser que la liberté s’oppose à l’égalité, c’est une erreur profonde. Notre erreur depuis des décennies, c’est que nous avons divisé la devise républicaine. Nous avons séparé la liberté et l’égalité. On a dit : la gauche, sa mission, c’est l’égalité, donc elle va faire des normes, il y a des contraintes, ça va bien se passer, mais nous, c’est l’égalité. Il y a des discriminations, on va mettre des normes. Je caricature, c’est un peu comme ça qu’on a conçu parfois notre rôle. Et de l’autre côté, la droite a le monopole de la liberté. Elle arrive, elle dit : on va enlever telle norme, baisser tels impôts, etc. Mais on va réconcilier les deux, parce que ça fonctionne ensemble. Parce que quand on libère, on redonne des accès. On redonne la seule véritable égalité, l’égalité d’opportunités, d’accès, la vraie égalité, celle qui existe pour les plus faibles.
Non pas l’égalité qu’on corrige a posteriori, en recréant d’autres normes qui viennent compliquer. Non, la vraie égalité, celle des libertés. La vraie égalité, c’est que chacun chez soi, d’où il est, quelle que soit sa condition, sa famille, ait les mêmes opportunités à chaque moment de sa vie, puisse accéder aux mêmes choses, et ça passe par la liberté.
Ma deuxième conviction, c’est qu’on a besoin de solidarité pour que tout ça tienne ensemble. Ce n’est pas un gros mot, la solidarité. Et là aussi, ce n’est pas un mot qui serait réservé à tel ou tel parti. La solidarité, on en a besoin, c’est ce qui fait du commun.
D’autres réussissent, d’autres moins, mais on partage le même territoire. Certains s’égosillent avec des programmes libéraux, qui est : tout ce qu’on n’a pas fait depuis vingt ans, qu’on aurait aimé faire, qu’on va faire demain. Alors, ils jouent une partition aimable à leur camp. Je l’ai parfois jouée pour un camp qui l’entendait avec moins de bienveillance, donc je trouve que ce n’est pas juste. Mais c’est facile de dire ça quand on n’explique pas, et qu’on dit : on va changer de société. On va changer de pays pour le faire. Non. Tout ça peut marcher parce qu’on aura donné à chacun sa place, on aura les règles d’une solidarité minimum, c’est-à-dire ce qui permet de protéger aussi. On ne peut pas demander aux Français de prendre des risques, parfois importants, et plus importants pour ceux qui viennent de nulle part que pour ceux qui sont bien nés, on ne peut pas demander de prendre des risques s’il n’y a pas des filets de sécurité, de solidarité, quelque chose qui nous fait avancer ensemble. C’est cela le deuxième pilier dont nous avons besoin. Et créer les vraies solidarités, ce n’est pas créer des droits. On a créé des droits, formels, sans contenu, des droits financés à crédit, c’est-à-dire que paieront nos enfants ou les enfants de nos enfants, ou vous, peut-être, les plus jeunes, et on a créé des droits qui viendront pour s’appliquer une fois qu’on sera vraiment dans l’embarras le plus complet. Mais ce n’est pas ça la vraie solidarité, ça ne tient pas. Est-ce que les gens sont mieux logés parce qu’il y a un droit au logement opposable ? Je n’ai pas constaté ça. La vraie solidarité, ce ne sont pas des belles idées. Les belles idées, il faut les laisser aux belles âmes, et les belles âmes, elles restent chez elles, elles écrivent, elles pensent... C’est ce que Hegel nommait comme parfois le vrai, mais ici, nous voulons créer des vrais droits qui puissent se construire, pour pouvoir accéder, faire, et ces vrais droits doivent rendre les Français capables de prendre des risques, d’avancer. Ces vrais droits doivent être solides et tangibles. Ce sont les protections pour faire face aux aléas de la vie.
Et c’est d’abord l’école. C’est ce qui permet de corriger les premières inégalités, les plus atroces. Beaucoup a été fait ces dernières années, je veux aussi le reconnaître, il faut le voir, des choses ont été faites, on a mis plus de moyens, des organisations ont été bougées, on a reformé les professeurs, réinvesti. Malgré tout, regardez notre système, là aussi, il faut le voir, il reste très inégalitaire. La réussite scolaire dépend de l’endroit où on est né et de la richesse de nos parents. Le but de l’école n’est pas simplement de trier, de classer, mais aussi de donner accès, de réussir sa vie, de créer, de continuer à enseigner, mais il faut que nous nous attaquions pour cela aux vrais défis en question, complètement tabous. Toutes les questions interdites. Est-ce que dans notre pays, l’accès à tous les étages de l’éducation, et en particulier à la réussite, est vraiment démocratique ? Pourquoi les enfants qui sont issus des familles modestes sont ceux que notre système abandonne davantage à leur sort ? En contradiction avec nos principes.
Pourquoi s’autorise-t-on à prendre des mesures en pesant l’intérêt essentiel des parents, des enseignants, mais beaucoup moins souvent celui des élèves ?
À quel moment doit-on se poser ensemble la question de l’évaluation ? À tous les étages, des acquis des enfants, du déroulé de la carrière, ce ne sont pas des questions tabous. Il faut entendre ce que disent les enseignants, ce que ceux qui vivent dans ce système demandent. Les protections, c’est aussi ce qui donne à chacun le moyen d’accéder à l’autonomie. C’est essentiel. Et donc oui, ce sont tous ces vrais droits sur lesquels nous allons faire des propositions concrètes, mais c’est aussi ce qui permet aux Français de penser librement, de vivre librement ensemble.
C’est pourquoi je crois très profondément, et je veux qu’au cœur de nos convictions et de nos valeurs, nous placions la laïcité. Parce que, la laïcité n’est pas un mot daté, un mot ringard comme certains voudraient le faire dire. La laïcité protège des identités fermées, elle permet de veiller à ce que justement nul ne soit assigné à résidence par son identité, ou par sa religion. Elle permet de croire ou de ne pas croire. Elle permet de faire que chacun doit pouvoir se reconnaître dans sa religion librement, mais que ce qui est plus important, c’est ce qui nous unit, c’est cette humanité, ce qui ne nous divise pas. Alors oui, il faut retrouver le sens, la force de cet équilibre. Je ne crois pas, pour ma part, qu’il faille inventer de nouveaux textes, de nouvelles lois, normes, pour aller chasser le foulard à l’université, pour aller traquer dans les sorties scolaires celles et ceux qui peuvent avoir des signes religieux. Par contre, la laïcité, elle a un sens plein et entier. Et nous devons faire respecter les règles absolument, et ces règles sont claires : toutes les religions se conforment aux règles de la République. Dans notre République, il n’y a pas d’inégalités entre les hommes et les femmes. Il y a des règles et elles doivent être respectées par tous. Mais en même temps, ce combat, ce n’est pas un combat contre une religion, ça, c’est l’erreur à ne pas faire. Ce combat, ce n’est pas un combat de la laïcité contre une religion, l’islam, ça n’aurait aucun sens, ce serait une erreur fondamentale. Nous avons un ennemi, une menace, les djihadistes, Daesh, mais ce n’est pas l’islam.
Mais ce combat, c’est de faire respecter ces règles de la République, oui, pleines et entières. Ces dernières semaines, ces dernières années, on a beaucoup entendu parler de ce qu’est l’identité française. J’en ai rarement parlé pour ma part, mais j’y crois, je suis attaché à cette identité française. Ce n’est pas un grand tout dans lequel tout se mélange, tout n’aurait que la même importance, on se tromperait à dire ça. La France a des origines chrétiennes, c’est vrai, il faut le regarder en face, le nommer. Elle a même des origines judéo-chrétiennes. Mais est-ce qu’elle n’est que ça ? La France s’est construite dans un projet politique que je viens de rappeler, en particulier celui de la laïcité, de la République, qui est un projet dont l’un des fondements était l’émancipation par rapport à une religion. Elle a reposé sur un combat qui a été un combat pour l’émancipation, pour l’autonomie des individus, indépendamment de toute religion ou appartenance. C’est ça la République. Alors oui, nous avons une identité française, avec ses origines. Mais au milieu, il y a des athées, des catholiques, des protestants, des juifs, des musulmans, tous de l’identité française. C’est cela notre identité. Dans les règles de la République. Il y a quelques semaines, j’ai remis une décoration, quand on est ministre, ça fait partie de la grammaire, on remet des décorations. Et c’est toujours des moments émouvants, parce qu’on consacre des parcours, des talents. Et j’ai remis, elle doit être dans la salle avec nous, à Malika Bellaribi Le Moal, qui est une cantatrice, une décoration. Je l’ai reçue juste avant. Malika avait tout pour perdre, rien pour être là ce soir avec nous. Elle est née à Nanterre, de parents pauvres, dans le bidonville en fait, si on se dit les choses en vérité. Dans une famille de confession musulmane, et elle a été fauchée par un camion à l’âge de 3 ans. Elle a été recueillie par les sœurs qui lui ont appris le chant et la religion chrétienne. Elle s’est convertie à plus de 30 ans. Elle avait des parents suffisamment intelligents pour comprendre que leur fille se réalise dans une autre religion que la leur. C’est ça la République. Mais surtout, elle a appris le chant et elle est devenue une grande chanteuse, sur toutes les plus grandes scènes de France. Elle a monté des associations pour en former d’autres au chant, pour leur apprendre à sortir de leur condition, à réussir. Je lui ai demandé si elle voulait que je nomme quelqu’un qui lui est cher ou que je parle de quelque chose d’important. Elle m’a juste dit : dites que je suis française. Alors, oui, Malika, vous êtes française, et vous êtes même, avec toutes celles et ceux qui sont là dans cette salle, qu’ils s’appellent Jean ou Malika, c’est ça l’identité française, ce n’est rien d’autre, ce n’est pas quelque chose qui nous diviserait, ce n’est pas quelque chose qu’on veut nous enlever, parce que l’identité française, c’est un projet, c’est ce qui nous fait avancer, c’est ce que nous sommes en train d’inventer. L’identité française, ce n’est jamais étriqué.
Alors oui, au-delà de tous ces combats, nous devons retrouver le sens du temps long, c’est aussi ce qui nous fonde. Le long terme, on le sait bien, c’est notre capacité à investir, dans l’action publique, dans nos fonctionnaires, c’est la capacité à investir pour un nouveau modèle productif, pour justement cette transition environnementale indispensable.
Et puis le long terme, ce que nous devons savoir retrouver, c’est le long terme pour l'Europe, je ne peux pas ne pas en parler ici ce soir. Parce que l’erreur commise depuis dix ans, c’est de ne plus avoir de projet pour l'Europe, c’est de ne gérer l'Europe trop souvent qu’à la petite semaine, de crise en crise, en n’osant plus projeter du sens, en n’expliquant plus à nos peuples ce qui nous rassemble, en perdant le fil de notre histoire, parce que ce qui a fait l'Europe, c'est une promesse de paix, de prospérité, de liberté, et c’est cela que nous devons retrouver. Le risque que nous courons, c’est que l'Europe se désagrège. Ce n’est pas un risque théorique, il est là, à nos portes, c’est même en train de se faire sous nos yeux. Si nous continuons à ajuster, c’est ce qui se passera. Pourquoi ? Parce que l'Europe ne peut progresser que si elle ne se regarde plus elle-même, que si elle ne regarde plus ses petites différences, les problèmes que nous avons par rapport aux uns et aux autres, l'Europe n’a de sens que si on l’inscrit dans le monde, que si on la regarde comme une puissance forte qui doit protéger par rapport aux risques extérieurs, une puissance qui doit être économique, énergétique, qui doit nous permettre de réussir, de nous projeter dans le concert des nations. L'Europe, ses racines, c’est d’exister par rapport au reste du monde, pas pour elle-même, pas recroquevillée sur elle. Elle ne pourra avancer que justement si nous la pensons dans le monde, par rapport à la Chine et aux Etats-Unis, parce que notre défi est bien là, en la rendant plus concrète, plus efficace sur tous les défis qui sont les siens. Par rapport à l’Afrique où elle a de formidables défis à relever, en termes de développement. Et pour avoir une Europe plus efficace. Mais cette Europe ne fonctionnera que si nous savons considérer, parler aux perdants. Car il y a aujourd’hui des perdants de l'Europe, des femmes et des hommes qui doutent, qui pensent que l'Europe les empêche d’avancer. C’est faux, bien souvent, parce qu’on leur a menti sur l'Europe, qui ont peur de cette Europe, qui pensent qu’elle leur a enlevé des choses. Si nous ne savons pas avancer avec eux, il n’y aura plus d’Europe. Notre responsabilité est de construire cette aventure européenne dans les prochains mois, maintenant, de manière pleinement démocratique. Cette refondation européenne passe, oui, par une association des peuples, par une capacité à tenir ces conventions démocratiques, à associer les citoyens, à les faire parler, leur demander ce qu’ils veulent, à ne pas réserver le peuple aux démagogues. Et pour cela aussi, nous avons une responsabilité, et En Marche doit pleinement y participer. Ce sont ces trois convictions profondes sur lesquelles nous devons avancer dans les prochains mois. L’encre de cette histoire, le fondement de cette action, ce qui la rend possible, c’est l’engagement. Mon engagement, votre engagement, notre engagement, c’est cela qui fera avancer. C’est le cœur de notre démarche. On entend souvent dire : il faut tout changer. Je le disais tout à l’heure : pourquoi ce serait possible demain ? Parce que deux choses n’ont pas été tentées jusque-là. D’abord de construire une vision claire, une vision de la France collective, c’est ce que nous commençons ce soir. Et puis parce qu’on a toujours voulu réformer la France par le haut, sans les Français. Eh bien votre engagement, c’est la condition pour réformer la France avec les Français. C’est cela notre ambition.
Alors cet engagement, ça a commencé avec la Grande Marche, et je vous en remercie, c’est cette mise en relation avec le pays, aller frapper des portes, aller trouver des gens qui ne sont pas forcément d’accord avec vous, parfois d’essuyer des portes qui se ferment, de douter, peut-être, mais c’est la clef de tout. On s’est moqué de cette Grande Marche. On s’en fiche... On s’en fiche. Parce que, on s’est trompé, ce n’est pas pour aller expliquer aux gens : votez pour nous. Nous ne sommes candidat qu’à une chose, c’est faire un programme, c’est porter une vision, c’est juste changer le pays. C’est un porte-à-porte pour comprendre, pour entendre, pour associer et pour faire. Et puis ensuite, nous continuerons à aller dans le pays, et j’irai avec vous à la sortie de l’été, nous irons au cœur du pays dans les endroits les plus faciles et les moins faciles, les acquis et les non acquis, pour là aussi entendre, expliquer, forger ce diagnostic du pays et cette vision que nous portons. Puis, ensemble, sur les sujets fondamentaux, nous construirons notre plan de transformation. Je ne vous parle pas d’un programme, il y en a trop eu. Et un programme, au fond, consiste à traiter des clientèles successives. Il consiste à accumuler ce qui fait plaisir aux uns, puis aux autres, en pensant avoir leur accord. On ne sera pas d’accord avec tout le monde, on ne pourra pas faire tout ce qui avait été souhaité par certains. Mais ce plan de transformation vaudra pour l'Etat et pour la société civile. Ce plan, ce seront les missions que nous devons, gouvernement, collectivités territoriales, syndicats, associations, civils, c’est la mission civique qui sera la nôtre pour les prochaines années, c’est cela le plan de transformation : des engagements concrets avec un calendrier que nous devrons tenir. Expliquer, construire ensemble. C’est l’objectif pour la fin de l’année, c’est cela En Marche !
Alors il y aura pendant le même temps des jeux d’appareils, des commentaires, une vie politique que nous connaissons. Nous devons tenir notre chemin avec détermination. C’est notre calendrier parce que c’est notre vision, parce que c’est notre action. Il y aura un jeu démocratique qu’on connaît, où la gauche ira chercher son candidat, ses convictions les plus fortes, essaiera de rassembler sur un camp, puis se ramènera au centre, et la droite fera pareil. Et une fois le candidat désigné, elle reviendra en cherchant le centre, pour le premier tour, et puis elle ira peut-être encore plus au centre pour gagner le second tour, et chacun des partis, quels que soient les individus, essaiera de compenser ce consensus inachevé dans son camp, cette nécessité de trier des clientèles, de promettre des petites choses pour s’ajuster. Et puis entre les deux tours, il fera un geste, il essaiera ce rassemblement que nous faisons aujourd’hui, en disant : l’ennemi, c’est le Front national, donc il faut se rassembler. Et puis il fera des ajustements. Puis le lendemain de la victoire, il ajustera encore, parce qu’il faut bien gouverner avec un camp qui ne nous avait pas choisi au début. Puis il demandera un rapport, un audit du pays, au fond, un diagnostic, parce que ce n’est pas si idiot pour gouverner. Et il ou elle ajustera à nouveau. C’est ce qu’on vit depuis vingt ans. C’est ça ce qu’on vit depuis vingt ans. Et donc oui, cela crée de la frustration légitime. J’ai toujours entendu et respecté les voix de ceux qui me disaient que je n’étais pas le visage de la gauche qu’ils avaient choisie. Ce n’est pas le fait des femmes ou des hommes qui accèderont au pouvoir, mais le fait des règles du jeu qui sont d’un autre temps. Mais nous ne sommes pas obligés de considérer que ces règles sont immuables. La fève de notre constitution, c’est de porter avec un peuple le pays haut et fort, de retrouver l’énergie du peuple, d’avoir un rassemblement qui dépasse les partis, pour avancer.
Alors oui, là aussi, vous verrez la peur. Parce que la peur sera là. Elle est là dans la société, mais face à tous ces défis, à tout ce que nous sommes en train de faire, il y aura la peur. Il y aura la peur légitime, sincère de celles et ceux qui pensent que tout bascule, de celles et ceux qui pensent qu’au fond, le pays est en train de perdre contrôle, que c’est le déclassement qui les attend. Il y a cette peur qui les conduira au repli, au rétrécissement, parfois à la haine, et cela, nous devons le combattre. C’est pourquoi l’une de nos batailles, c'est toujours d’expliquer.
Parce que notre ennemi, nous en avons un, c’est la peur. C’est la peur qui envahit le pays. C’est la peur sincère qui paralyse. C’est la peur sincère qui fait qu’on se recroqueville.
Et puis vous aurez les cyniques, qui utilisent la peur des autres. Vous aurez les cyniques qui utiliseront ces jeux d’appareil pour essayer au fond de dire que ce n’est pas possible, qu’on n’a pas le droit de faire, de tenter. Ils brandiront des menaces et la mécanique fatale va s’enclencher, celle-là même qui voudrait au fond ne laisser qu’un choix au pays, c’est ce qui se passe.
Le seul choix si nous ne nous mobilisons pas. Le seul choix, ce sera de voter contre. Ce qu’on nous propose largement, le dénominateur commun, partout, c’est de voter contre. Contre le système, parce que c’est ce que propose le Front national, contre la gauche, parce qu’elle aurait mal fait, contre la droite parce qu’il faudrait au fond tout faire pour l’empêcher de revenir. Contre au fond tout ce qui serait désigné comme l’ennemi qui permettrait de se définir soi-même.
Mais l’élection présidentielle de 2017, ce n’est pas un vote contre, c’est face à tous ces défis, face à cette transformation du monde et du pays, l’occasion justement pour nous tous, partout en France, d’avancer. Et c’est une occasion que nous allons saisir ensemble. Alors oui... Oui, ce soir, nous sommes là, tous ensemble, quelles que soient nos sensibilités, nos convictions, nos partis, nos entreprises, nos adhésions, nous sommes là pour revendiquer un droit, le droit de voter pour, pour un projet, pour une vision, pour des choix, pour le pays. Et c’est cela notre bataille. C’est cela notre bataille. Pour les prochains mois. Et dans cette bataille, nous allons donner toutes nos forces, dans cette bataille, nous allons prendre tous les risques, et je les prendrai avec vous. Parce que, à partir de ce soir, nous devons être ce que nous sommes, c’est-à-dire le mouvement de l’espoir. Oui, c’est cela ce que nous sommes !
Et ce mouvement maintenant, plus rien ne l’arrêtera.
Ce mouvement, parce que c’est le mouvement de l’espoir et que notre pays en a besoin, ce mouvement, nous le porterons ensemble, jusqu’en 2017, et jusqu’à la victoire !
Vive la République, vive la France ! Merci à vous.