Discours de la conférence de presse : Construire une majorité de projet
28 mars 2017 - Retranscription de la conférence de presse d'Emmanuel Macron sur la majorité de projet
Construire une majorité de projet
I/ Déclaration d’Emmanuel Macron
Merci pour votre présence. Monsieur le Président de la Commission Nationale d’Investiture, Mesdames et Messieurs les membres de la Commission nationale d’Investiture, Mesdames et Messieurs,
Je voulais vous présenter la méthode de la vraie alternance que nous sommes en train de construire. Non pas l’alternance entre la gauche et la droite, le mouvement de balancier que notre pays vit depuis trop longtemps, mais l’alternance entre l’impuissance et l’efficacité, entre le monde d’hier et le siècle nouveau. Ça fait plusieurs semaines que j’entends les commentaires, à la fois sur les ralliements, ou plus exactement les soutiens successifs au mouvement qui est le nôtre, mais aussi les interrogations sur la capacité que nous aurions ou pas à constituer une majorité pour gouverner. Vous voyez qu’à ce titre, nous gardons une forme de lucidité, dans cette campagne.
Permettez-moi tout d’abord, quant à ces deux commentaires, de soulever le paradoxe. On ne peut pas à la fois avoir un problème avec des ralliements chaque jour quand d’autres subissent des défections à peu près quotidiennes et, en même temps, être le mouvement sur lequel la question de la capacité à rassembler et à gouverner se poserait le plus. Et donc je veux ici vous dire que si nous avons des soutiens, c’est bien qu’il y a une dynamique et une conviction - qui l’eût dit, il y a un an ? - et que si nous avons des soutiens, cela indique aussi, vraisemblablement, qu’il sera pour nous plus aisé de ressembler que pour certains autres.
Si j’ai souhaité vous réunir aujourd’hui, c’est parce que je crois importante une clarification pour présenter aux Français la manière dont nous leur proposons de transformer notre pays. Nos valeurs, ils les connaissent. Notre programme, ils le connaissent ou sont en train de le découvrir. Il est temps maintenant d’expliquer comment nous mettrons en oeuvre ce que nous proposons, s’ils nous choisissent le 23 avril et le 7 mai prochains.
Et cette capacité de rassemblement que j’évoque à l’instant, c’est à mes yeux, pour cela, une force. Une force, demain, pour gouverner et faire réussir le pays. Je veux revenir aux origines mêmes de la démarche qui est la nôtre. Parce qu’il ne faut pas la perdre de vue et je suis le garant de cette cohérence. Nous avons fait le constat initial que notre organisation politique et ses rites étaient le principal obstacle à la transformation de notre pays, alors qu’il aurait dû en être le moteur. Précisément parce que les intérêts d’appareil ont pris depuis longtemps le dessus sur l’intérêt général et que chacun veut d’abord sauver son camp, son parti, plutôt que réformer notre pays. Et parce que les réflexes partisans rendent impossibles les accords sur des mesures nécessaires et utiles. Lorsqu’elles sont portées par un camp, elles sont systématiquement rejetées par celui d’en face. La gauche arrive au pouvoir avec pour principal programme de défaire ce qu’a fait la droite, tandis que la droite ne veut rien d’autre que l’effacement du bilan de la gauche. Certains sont en train de démontrer formidablement ce tic-tac que nous connaissons bien et que nous avons vécu, il y a cinq ans. Et moi-même quand j’étais ministre, combien de fois ai-je entendu “ce que vous faites ou ce que vous dites est formidable mais je ne peux pas le dire publiquement, vous n’avez pas de chance, vous êtes de l’autre côté de la barrière.” C’est cela dont nos concitoyens sont las et c’est pour cela que nous avons, justement, constitué une force de rassemblement et une vraie recomposition de notre vie politique. Parce que la vie des Français est devenue, en quelque sorte, le décor de la vie politique alors que ce devrait être son coeur.
En Marche ! a été créé, justement, pour libérer plus, protéger mieux les Français, dépasser ce clivage devenu aujourd’hui obsolète et pour faire travailler ensemble tous ceux qui partagent nos valeurs et notre projet, peu importe le camp d’où ils viennent. Pour changer aussi les usages et pour changer les visages, parce qu’on ne peut pas faire du neuf avec du vieux. Et donc ce progressisme que nous avons refondé et que nous sommes en train de refonder a quatre objectifs simples: l’efficacité d’abord, un rassemblement cohérent ensuite, un renouvellement profond et une moralisation sans précédent, enfin, de notre vie politique. C’est dans cet esprit que j’ai présenté, il y a quelques semaines, notre programme et un contrat avec la Nation autour de l’éducation et de la culture, du travail, d’un modèle de croissance reposant sur le numérique et l’écologie, d’une vraie politique de sécurité et de laïcité, d’une modernisation et moralisation de notre vie publique et d’une politique européenne volontariste.
Ce qu’il s’est passé depuis la création de notre mouvement a validé nos analyses en tous points. Les primaires, d’abord, ont conduit à la désignation de candidats positionnés à la frontière de chaque camp, dans une radicalité qui empêche le rassemblement. Les projets des uns et des autres étaient si différents que tout rassemblement aurait, de toute façon, été purement artificiel. Ensuite, les turpitudes d’un système politique décomposé apparaissent au grand jour, tous les jours, aux dépens de cette campagne et des candidats qui veulent parler du fond et de leur projet. Et c’est, à ce titre, profondément surprenant qu’il faille ces révélations pour que ceux qui sont concernés en prennent subitement conscience. Et je crois qu’aujourd’hui notre pays n’a besoin ni de la gauche de 1981 qui était tout à fait adaptée, mais à 1981, ni de la droite de 1934 qui espérait la radicalisation des Français contre nos institutions, ni d’un extrême démagogique qui consiste à trahir immédiatement ceux qui nous ont élus. C’est pourquoi j’ai présenté ma candidature à l’élection présidentielle, avec un objectif qui est donc de transformer notre pays et, je vous le dis ici très clairement, de tourner la page. De tourner la page des cinq dernières années, mais plus largement, de tourner la page des vingt dernières années et des pratiques politiques qui les ont accompagnées.
Pour cela, il faudra constituer un gouvernement. Celui que je nommerai, si les Français me choisissent, aura les caractéristiques suivantes. Il sera dirigé par un Premier ministre que je choisirai pour ses compétences, pour son expérience, y compris politique, pour sa capacité à faire travailler ensemble et à obtenir des résultats de la large majorité que nous travaillons à construire. Je ne ferai pas mon gouvernement avec les états-majors des partis politiques. Il sera composé d’une quinzaine de ministres tout au plus, qui seront d’abord choisis pour leurs qualités et pour leur expérience, notamment en rapport avec leur portefeuille, pas pour leur supposé poids politique. Il faut, à ce titre, en finir avec les ministres qui n’ont d’autre légitimité que celle d’un apparatchik. Ils seront issus, pour une partie conséquente, de la société civile, dans toute sa diversité, car il faut en finir avec une classe politique qui est, encore aujourd’hui, trop largement composée d’hommes de plus de 50 ans et dont trop peu ont connu le monde du travail. Il sera composé pour moitié de femmes, y compris bien sûr à des ministères de premier plan.
Enfin, les responsables que seront les ministres seront en charge de leur ministère, de leur administration, avec une feuille de route claire, parce que là aussi, il faut en finir avec, en quelque sorte, un Président qui serait responsable de tout ou la chambre d’appel des desiderata de chacun. C’est le Premier ministre qui les animera et qui sera responsable de ce que les orientations que j’aurai fixées soient suivies et que les objectifs que j’aurai fixés soient atteints. Par exemple, j’ai donné une feuille de route claire en matière de dépenses publiques, eh bien, il appartiendra à chaque ministre d’être en charge des mesures à prendre pour réduire, justement, ses dépenses, qu’il s’agisse de dépenses d’intervention, de l’organisation de son ministère et de sa fonction publique ou de ses achats. Aujourd’hui, nous sommes dans un régime où une forme d’irresponsabilité politique ministérielle s’est installée. S’y est substituée une forme d’hyper-responsabilité du président de la République. Ce n’est ni le sens de nos institutions, ni ce qui permet, dans la durée, de redresser notre pays.
Ce gouvernement pourra s’appuyer sur une majorité parlementaire. Elle sera obtenue grâce à la cohérence dont les Français ont toujours fait preuve : si c’est notre projet qui est choisi, il ne fait pas de doute que les Français iront jusqu’au bout de leur choix et nous donneront les moyens de l’appliquer. Je rappelle que l’on nous a opposé, à peu près à chaque étape de notre démarche, l’impossibilité supposée de la franchir lorsque l’on n’a pas derrière soi une machine partisane, ou bien l’expérience, ou que sais-je encore. Or je constate que nous sommes aujourd’hui la première force militante de France, avec plus de deux cent trente mille adhérents, huit mille événements, depuis le début du mois de mars seulement. Nous sommes la première campagne présidentielle intégralement financée par nos concitoyens et capable de lutter à armes égales avec les partis traditionnels qui reçoivent plus de vingt millions d’euros de subventions publiques par an. Nous n’avons pas obtenu cinq cents parrainages d’élus, mais plus de dix-huit cents. Et je dois vous avouer que je suis stupéfait de voir qu’encore, de nombreux responsables ou commentateurs prétendent ou espèrent que nous serions dans l’incapacité d’avoir une majorité parlementaire.
Nous sommes la seule formation qui accueille chaque jour des soutiens, quand le candidat du Parti Socialiste est soutenu du bout des lèvres par la majorité des siens, quand le candidat des Républicains fait campagne sans ses compétiteurs de la primaire, qui ont déserté le champ de bataille. La question de la majorité ne se pose pas à nous : elle se pose à ceux qui voient leurs soutiens se réduire comme peau de chagrin ; elle se pose à ceux qui ont déjà des frondeurs, avant même les élections législatives !
Voici comment nous allons parvenir à constituer cette majorité parlementaire. Outre l’argument de cohérence que je viens d’évoquer, nous obtiendrons cette majorité grâce à la qualité de nos candidats. J’ai noté le mépris que pouvaient avoir certains devant l’idée que des citoyens puissent aspirer à devenir des responsables politiques. Les citoyens peuvent s’exprimer sur Internet, ils ne sont jamais simplement Internet. Il y a en effet aujourd’hui quatorze mille candidatures qui ont été recueillies, de manière parfaitement égalitaire, et je m’en félicite. Ce qui veut dire que des parlementaires en place ont soumis leur candidature, en ligne, sur Internet, comme l’ont fait tous nos concitoyens. Je considère que c’est une forme de santé démocratique et je m’en félicite, là où d’autres préfèrent se réfugier derrière les figures qui existent déjà, quand bien même elles auraient failli.
Et donc nous aurons, aujourd’hui, des candidats qui seront pour moitié issus de la société civile. Ces quatorze mille candidatures sont en cours d’examen. Dans les prochaines semaines, la Commission Nationale des Investitures aura achevé son travail et je veux ici l’en remercier et remercier son président pour le travail extrêmement conséquent qui a été conduit durant ces dernières semaines, qui est inédit dans notre vie politique, mais qui est à la hauteur de la refondation que nous sommes en train de construire. De bonne foi, toutes ces candidatures ont été examinées et sont en train de faire, justement, apparaître des profils. Je peux déjà vous dire que ces candidatures sont d’une qualité remarquable, qu’elles signent concrètement le retour de la société civile à la politique. Et ce sera à ce titre une grande bouffée de renouveau à l’Assemblée nationale. Et je voudrais ici qu’on sorte de cette schizophrénie collective, où chacune et chacun aspire sans cesse au renouveau, pour ne le chercher que dans le visage des anciens. Ce qui est en train d’être fait, c’est un renouvellement en actes et en vérité. Et c’est cela que nous portons.
Ensuite, ces candidats seront pour moitié des femmes, pas parce que nous craignons des amendes : parce que nous pensons que c’est une bonne chose. Et afin que les femmes ne représentent pas simplement la moitié des candidats, mais bien la moitié de nos élus. Ces candidats seront exemplaires en termes de probité, aucun candidat détenteur d’un casier judiciaire B2 ne pourra être investi, aucun candidat ayant fait l’objet d’une peine d'inéligibilité ne pourra être investi. Nous sommes aujourd’hui les seuls, non pas à le promettre pour dans cinq ans, à le pratiquer pour aujourd’hui. Nos candidats seront représentatifs du pluralisme politique de notre mouvement, ce qui nous conduira à investir, pour l’autre moitié de candidats, des citoyens qui pourront avoir déjà été élus et qui seront issus de la gauche, de l’écologie, des radicaux, du centre, de la droite. Car de la même manière que nous proposons une transformation en profondeur de notre pays et une refondation de notre modèle social, la majorité que nous sommes en train de construire sera radicalement différente de celles qui se sont succédé depuis plus de quarante ans. Et là aussi, je veux être parfaitement clair : ce ne sera pas une majorité de circonstances, ni la réunion de minorités ayant chacune leur agenda. Ce sera une majorité d’efficacité.
C’est pour cette raison que l’ensemble des candidats se seront engagés sur le contrat que j’ai proposé à la Nation et que c’est une condition même de leur investiture. Très concrètement, cela signifie que, par vagues successives, dans les prochaines semaines et d’ici au lendemain du second tour de la présidentielle, nous investirons cinq cent soixante-dix-sept candidats. Chacun de nos candidats sera investi sous la bannière de la majorité présidentielle et non d'une étiquette ancienne et devra se rattacher politiquement et administrativement à cette majorité. Notre mouvement est aujourd’hui ouvert, mais cohérent. Et j’entends qu’il le reste. Il pourra y avoir des sensibilités différentes, dès lors que l’accord sur les grands chantiers à conduire est total. Il n’y aura aucun accord d’appareils, aucun accord avec des groupes. Chaque candidat à l’investiture devra se soumettre individuellement à la procédure que nous avons mise en place, comme tous les citoyens qui l’ont déjà fait. Il est entendu que les candidats qui seront investis le seront au nom de la cohérence de leurs engagements et du soutien sans faille qu’ils s’engageront à apporter à notre programme et à nos priorités.
Tous nos élus devront se soumettre à des règles nouvelles de moralisation de notre vie publique. À ce titre, je me réjouis, pour ma part, de la réponse claire hier apportée par la Haute Autorité de transparence pour la vie publique suite à la saisine, pour mon cas personnel, par l’association ANTICOR, qui a permis d’établir qu’il n’y avait aucun doute, contrairement à ce que d’aucuns se plaisent encore à rappeler aujourd’hui, sur le patrimoine de votre serviteur. Mais pour le reste, avant même l’adoption de toute loi de moralisation de la vie publique et de la vie politique, qui fait partie de notre projet et de notre priorité, je souhaite que l’ensemble des candidats qui seront investis respectent l’ensemble des règles d’ores et déjà édictées : pas plus de trois mandats identiques successifs, pas le droit d’embaucher des membres de sa famille – cette règle est d’ailleurs écrite dans notre charte depuis le premier jour d’existence d’En Marche ! -, et pas le droit d’exercer des activités de conseil en parallèle de son mandat. À ce titre, notre pratique, là aussi, anticipera le changement législatif que nous souhaitons porter.
Pour conclure, vous l’avez compris, je suis heureux que notre démarche suscite un intérêt chaque jour grandissant. Le soutien des citoyens, je m’en réjouis. Mais l’agenda caché des politiciens, je m’en méfie. Nous n’avons pas fait tout cela, depuis le 6 avril 2016, pour continuer à faire pareil ou à faire avec les mêmes. Je veux donc ici être, là encore, très clair avec vous et vous dire que tous les soutiens sont les bienvenus, mais qu’aucun soutien ne m’empêchera de réformer et d’avancer. Je ne trie pas les soutiens, pas plus qu’on ne trie les bulletins de vote. Mais un soutien vaut une voix, pas une investiture, pas une participation à la campagne, pas une modification de notre programme. J’imposerai, si les Français me font confiance, le renouveau dans la méthode, le renouveau dans les pratiques, le renouveau dans l’équipe gouvernementale.
Le gage de notre succès futur, non pas dans la conquête du pouvoir, mais dans la transformation de notre pays, c’est notre liberté. Et notre liberté, elle tient aujourd’hui au fait que nous ne devons rien à personne d’autre qu’aux Français : je serai ainsi fidèle aux engagements que j’ai pris devant eux.
Désormais, les choses sont claires : durant les quelque vingt-cinq jours qui nous séparent du premier tour de l’élection présidentielle, je n’exclus pas que d’autres responsables de la vie politique, de gauche ou de droite, s’expriment sur notre projet ou sur leurs propres choix. Je ne serai pas le commentateur quotidien de ces prises de parole. Je veux consacrer les vingt-cinq jours restants avant le premier tour à convaincre les Français sur le fond, pas à commenter l’actualité politique. Je veux consacrer ces semaines à venir à réunir le maximum de suffrages, à faire en sorte de convaincre le maximum de Français, d’abord de se déplacer pour exprimer leur voix, de les convaincre que le projet que nous portons est digne d’adhésion, qu’il est porteur d’espoir et d’une vraie transformation du pays. Et je veux, en particulier, m’adresser aux 40% de nos concitoyens qui se déclarent encore aujourd’hui indécis. C’est, à mes yeux, la priorité des jours et des semaines de campagne à venir, au-delà de toutes les vicissitudes ou de tous les commentaires de notre vie politique. Je vous remercie pour votre attention et je vais maintenant répondre à quelques unes de vos questions.
Il faut que quelqu’un ait un micro !
I/ Déclaration d’Emmanuel Macron
Merci pour votre présence. Monsieur le Président de la Commission Nationale d’Investiture, Mesdames et Messieurs les membres de la Commission nationale d’Investiture, Mesdames et Messieurs,
Je voulais vous présenter la méthode de la vraie alternance que nous sommes en train de construire. Non pas l’alternance entre la gauche et la droite, le mouvement de balancier que notre pays vit depuis trop longtemps, mais l’alternance entre l’impuissance et l’efficacité, entre le monde d’hier et le siècle nouveau. Ça fait plusieurs semaines que j’entends les commentaires, à la fois sur les ralliements, ou plus exactement les soutiens successifs au mouvement qui est le nôtre, mais aussi les interrogations sur la capacité que nous aurions ou pas à constituer une majorité pour gouverner. Vous voyez qu’à ce titre, nous gardons une forme de lucidité, dans cette campagne.
Permettez-moi tout d’abord, quant à ces deux commentaires, de soulever le paradoxe. On ne peut pas à la fois avoir un problème avec des ralliements chaque jour quand d’autres subissent des défections à peu près quotidiennes et, en même temps, être le mouvement sur lequel la question de la capacité à rassembler et à gouverner se poserait le plus. Et donc je veux ici vous dire que si nous avons des soutiens, c’est bien qu’il y a une dynamique et une conviction - qui l’eût dit, il y a un an ? - et que si nous avons des soutiens, cela indique aussi, vraisemblablement, qu’il sera pour nous plus aisé de ressembler que pour certains autres.
Si j’ai souhaité vous réunir aujourd’hui, c’est parce que je crois importante une clarification pour présenter aux Français la manière dont nous leur proposons de transformer notre pays. Nos valeurs, ils les connaissent. Notre programme, ils le connaissent ou sont en train de le découvrir. Il est temps maintenant d’expliquer comment nous mettrons en oeuvre ce que nous proposons, s’ils nous choisissent le 23 avril et le 7 mai prochains.
Et cette capacité de rassemblement que j’évoque à l’instant, c’est à mes yeux, pour cela, une force. Une force, demain, pour gouverner et faire réussir le pays. Je veux revenir aux origines mêmes de la démarche qui est la nôtre. Parce qu’il ne faut pas la perdre de vue et je suis le garant de cette cohérence. Nous avons fait le constat initial que notre organisation politique et ses rites étaient le principal obstacle à la transformation de notre pays, alors qu’il aurait dû en être le moteur. Précisément parce que les intérêts d’appareil ont pris depuis longtemps le dessus sur l’intérêt général et que chacun veut d’abord sauver son camp, son parti, plutôt que réformer notre pays. Et parce que les réflexes partisans rendent impossibles les accords sur des mesures nécessaires et utiles. Lorsqu’elles sont portées par un camp, elles sont systématiquement rejetées par celui d’en face. La gauche arrive au pouvoir avec pour principal programme de défaire ce qu’a fait la droite, tandis que la droite ne veut rien d’autre que l’effacement du bilan de la gauche. Certains sont en train de démontrer formidablement ce tic-tac que nous connaissons bien et que nous avons vécu, il y a cinq ans. Et moi-même quand j’étais ministre, combien de fois ai-je entendu “ce que vous faites ou ce que vous dites est formidable mais je ne peux pas le dire publiquement, vous n’avez pas de chance, vous êtes de l’autre côté de la barrière.” C’est cela dont nos concitoyens sont las et c’est pour cela que nous avons, justement, constitué une force de rassemblement et une vraie recomposition de notre vie politique. Parce que la vie des Français est devenue, en quelque sorte, le décor de la vie politique alors que ce devrait être son coeur.
En Marche ! a été créé, justement, pour libérer plus, protéger mieux les Français, dépasser ce clivage devenu aujourd’hui obsolète et pour faire travailler ensemble tous ceux qui partagent nos valeurs et notre projet, peu importe le camp d’où ils viennent. Pour changer aussi les usages et pour changer les visages, parce qu’on ne peut pas faire du neuf avec du vieux. Et donc ce progressisme que nous avons refondé et que nous sommes en train de refonder a quatre objectifs simples: l’efficacité d’abord, un rassemblement cohérent ensuite, un renouvellement profond et une moralisation sans précédent, enfin, de notre vie politique. C’est dans cet esprit que j’ai présenté, il y a quelques semaines, notre programme et un contrat avec la Nation autour de l’éducation et de la culture, du travail, d’un modèle de croissance reposant sur le numérique et l’écologie, d’une vraie politique de sécurité et de laïcité, d’une modernisation et moralisation de notre vie publique et d’une politique européenne volontariste.
Ce qu’il s’est passé depuis la création de notre mouvement a validé nos analyses en tous points. Les primaires, d’abord, ont conduit à la désignation de candidats positionnés à la frontière de chaque camp, dans une radicalité qui empêche le rassemblement. Les projets des uns et des autres étaient si différents que tout rassemblement aurait, de toute façon, été purement artificiel. Ensuite, les turpitudes d’un système politique décomposé apparaissent au grand jour, tous les jours, aux dépens de cette campagne et des candidats qui veulent parler du fond et de leur projet. Et c’est, à ce titre, profondément surprenant qu’il faille ces révélations pour que ceux qui sont concernés en prennent subitement conscience. Et je crois qu’aujourd’hui notre pays n’a besoin ni de la gauche de 1981 qui était tout à fait adaptée, mais à 1981, ni de la droite de 1934 qui espérait la radicalisation des Français contre nos institutions, ni d’un extrême démagogique qui consiste à trahir immédiatement ceux qui nous ont élus. C’est pourquoi j’ai présenté ma candidature à l’élection présidentielle, avec un objectif qui est donc de transformer notre pays et, je vous le dis ici très clairement, de tourner la page. De tourner la page des cinq dernières années, mais plus largement, de tourner la page des vingt dernières années et des pratiques politiques qui les ont accompagnées.
Pour cela, il faudra constituer un gouvernement. Celui que je nommerai, si les Français me choisissent, aura les caractéristiques suivantes. Il sera dirigé par un Premier ministre que je choisirai pour ses compétences, pour son expérience, y compris politique, pour sa capacité à faire travailler ensemble et à obtenir des résultats de la large majorité que nous travaillons à construire. Je ne ferai pas mon gouvernement avec les états-majors des partis politiques. Il sera composé d’une quinzaine de ministres tout au plus, qui seront d’abord choisis pour leurs qualités et pour leur expérience, notamment en rapport avec leur portefeuille, pas pour leur supposé poids politique. Il faut, à ce titre, en finir avec les ministres qui n’ont d’autre légitimité que celle d’un apparatchik. Ils seront issus, pour une partie conséquente, de la société civile, dans toute sa diversité, car il faut en finir avec une classe politique qui est, encore aujourd’hui, trop largement composée d’hommes de plus de 50 ans et dont trop peu ont connu le monde du travail. Il sera composé pour moitié de femmes, y compris bien sûr à des ministères de premier plan.
Enfin, les responsables que seront les ministres seront en charge de leur ministère, de leur administration, avec une feuille de route claire, parce que là aussi, il faut en finir avec, en quelque sorte, un Président qui serait responsable de tout ou la chambre d’appel des desiderata de chacun. C’est le Premier ministre qui les animera et qui sera responsable de ce que les orientations que j’aurai fixées soient suivies et que les objectifs que j’aurai fixés soient atteints. Par exemple, j’ai donné une feuille de route claire en matière de dépenses publiques, eh bien, il appartiendra à chaque ministre d’être en charge des mesures à prendre pour réduire, justement, ses dépenses, qu’il s’agisse de dépenses d’intervention, de l’organisation de son ministère et de sa fonction publique ou de ses achats. Aujourd’hui, nous sommes dans un régime où une forme d’irresponsabilité politique ministérielle s’est installée. S’y est substituée une forme d’hyper-responsabilité du président de la République. Ce n’est ni le sens de nos institutions, ni ce qui permet, dans la durée, de redresser notre pays.
Ce gouvernement pourra s’appuyer sur une majorité parlementaire. Elle sera obtenue grâce à la cohérence dont les Français ont toujours fait preuve : si c’est notre projet qui est choisi, il ne fait pas de doute que les Français iront jusqu’au bout de leur choix et nous donneront les moyens de l’appliquer. Je rappelle que l’on nous a opposé, à peu près à chaque étape de notre démarche, l’impossibilité supposée de la franchir lorsque l’on n’a pas derrière soi une machine partisane, ou bien l’expérience, ou que sais-je encore. Or je constate que nous sommes aujourd’hui la première force militante de France, avec plus de deux cent trente mille adhérents, huit mille événements, depuis le début du mois de mars seulement. Nous sommes la première campagne présidentielle intégralement financée par nos concitoyens et capable de lutter à armes égales avec les partis traditionnels qui reçoivent plus de vingt millions d’euros de subventions publiques par an. Nous n’avons pas obtenu cinq cents parrainages d’élus, mais plus de dix-huit cents. Et je dois vous avouer que je suis stupéfait de voir qu’encore, de nombreux responsables ou commentateurs prétendent ou espèrent que nous serions dans l’incapacité d’avoir une majorité parlementaire.
Nous sommes la seule formation qui accueille chaque jour des soutiens, quand le candidat du Parti Socialiste est soutenu du bout des lèvres par la majorité des siens, quand le candidat des Républicains fait campagne sans ses compétiteurs de la primaire, qui ont déserté le champ de bataille. La question de la majorité ne se pose pas à nous : elle se pose à ceux qui voient leurs soutiens se réduire comme peau de chagrin ; elle se pose à ceux qui ont déjà des frondeurs, avant même les élections législatives !
Voici comment nous allons parvenir à constituer cette majorité parlementaire. Outre l’argument de cohérence que je viens d’évoquer, nous obtiendrons cette majorité grâce à la qualité de nos candidats. J’ai noté le mépris que pouvaient avoir certains devant l’idée que des citoyens puissent aspirer à devenir des responsables politiques. Les citoyens peuvent s’exprimer sur Internet, ils ne sont jamais simplement Internet. Il y a en effet aujourd’hui quatorze mille candidatures qui ont été recueillies, de manière parfaitement égalitaire, et je m’en félicite. Ce qui veut dire que des parlementaires en place ont soumis leur candidature, en ligne, sur Internet, comme l’ont fait tous nos concitoyens. Je considère que c’est une forme de santé démocratique et je m’en félicite, là où d’autres préfèrent se réfugier derrière les figures qui existent déjà, quand bien même elles auraient failli.
Et donc nous aurons, aujourd’hui, des candidats qui seront pour moitié issus de la société civile. Ces quatorze mille candidatures sont en cours d’examen. Dans les prochaines semaines, la Commission Nationale des Investitures aura achevé son travail et je veux ici l’en remercier et remercier son président pour le travail extrêmement conséquent qui a été conduit durant ces dernières semaines, qui est inédit dans notre vie politique, mais qui est à la hauteur de la refondation que nous sommes en train de construire. De bonne foi, toutes ces candidatures ont été examinées et sont en train de faire, justement, apparaître des profils. Je peux déjà vous dire que ces candidatures sont d’une qualité remarquable, qu’elles signent concrètement le retour de la société civile à la politique. Et ce sera à ce titre une grande bouffée de renouveau à l’Assemblée nationale. Et je voudrais ici qu’on sorte de cette schizophrénie collective, où chacune et chacun aspire sans cesse au renouveau, pour ne le chercher que dans le visage des anciens. Ce qui est en train d’être fait, c’est un renouvellement en actes et en vérité. Et c’est cela que nous portons.
Ensuite, ces candidats seront pour moitié des femmes, pas parce que nous craignons des amendes : parce que nous pensons que c’est une bonne chose. Et afin que les femmes ne représentent pas simplement la moitié des candidats, mais bien la moitié de nos élus. Ces candidats seront exemplaires en termes de probité, aucun candidat détenteur d’un casier judiciaire B2 ne pourra être investi, aucun candidat ayant fait l’objet d’une peine d'inéligibilité ne pourra être investi. Nous sommes aujourd’hui les seuls, non pas à le promettre pour dans cinq ans, à le pratiquer pour aujourd’hui. Nos candidats seront représentatifs du pluralisme politique de notre mouvement, ce qui nous conduira à investir, pour l’autre moitié de candidats, des citoyens qui pourront avoir déjà été élus et qui seront issus de la gauche, de l’écologie, des radicaux, du centre, de la droite. Car de la même manière que nous proposons une transformation en profondeur de notre pays et une refondation de notre modèle social, la majorité que nous sommes en train de construire sera radicalement différente de celles qui se sont succédé depuis plus de quarante ans. Et là aussi, je veux être parfaitement clair : ce ne sera pas une majorité de circonstances, ni la réunion de minorités ayant chacune leur agenda. Ce sera une majorité d’efficacité.
C’est pour cette raison que l’ensemble des candidats se seront engagés sur le contrat que j’ai proposé à la Nation et que c’est une condition même de leur investiture. Très concrètement, cela signifie que, par vagues successives, dans les prochaines semaines et d’ici au lendemain du second tour de la présidentielle, nous investirons cinq cent soixante-dix-sept candidats. Chacun de nos candidats sera investi sous la bannière de la majorité présidentielle et non d'une étiquette ancienne et devra se rattacher politiquement et administrativement à cette majorité. Notre mouvement est aujourd’hui ouvert, mais cohérent. Et j’entends qu’il le reste. Il pourra y avoir des sensibilités différentes, dès lors que l’accord sur les grands chantiers à conduire est total. Il n’y aura aucun accord d’appareils, aucun accord avec des groupes. Chaque candidat à l’investiture devra se soumettre individuellement à la procédure que nous avons mise en place, comme tous les citoyens qui l’ont déjà fait. Il est entendu que les candidats qui seront investis le seront au nom de la cohérence de leurs engagements et du soutien sans faille qu’ils s’engageront à apporter à notre programme et à nos priorités.
Tous nos élus devront se soumettre à des règles nouvelles de moralisation de notre vie publique. À ce titre, je me réjouis, pour ma part, de la réponse claire hier apportée par la Haute Autorité de transparence pour la vie publique suite à la saisine, pour mon cas personnel, par l’association ANTICOR, qui a permis d’établir qu’il n’y avait aucun doute, contrairement à ce que d’aucuns se plaisent encore à rappeler aujourd’hui, sur le patrimoine de votre serviteur. Mais pour le reste, avant même l’adoption de toute loi de moralisation de la vie publique et de la vie politique, qui fait partie de notre projet et de notre priorité, je souhaite que l’ensemble des candidats qui seront investis respectent l’ensemble des règles d’ores et déjà édictées : pas plus de trois mandats identiques successifs, pas le droit d’embaucher des membres de sa famille – cette règle est d’ailleurs écrite dans notre charte depuis le premier jour d’existence d’En Marche ! -, et pas le droit d’exercer des activités de conseil en parallèle de son mandat. À ce titre, notre pratique, là aussi, anticipera le changement législatif que nous souhaitons porter.
Pour conclure, vous l’avez compris, je suis heureux que notre démarche suscite un intérêt chaque jour grandissant. Le soutien des citoyens, je m’en réjouis. Mais l’agenda caché des politiciens, je m’en méfie. Nous n’avons pas fait tout cela, depuis le 6 avril 2016, pour continuer à faire pareil ou à faire avec les mêmes. Je veux donc ici être, là encore, très clair avec vous et vous dire que tous les soutiens sont les bienvenus, mais qu’aucun soutien ne m’empêchera de réformer et d’avancer. Je ne trie pas les soutiens, pas plus qu’on ne trie les bulletins de vote. Mais un soutien vaut une voix, pas une investiture, pas une participation à la campagne, pas une modification de notre programme. J’imposerai, si les Français me font confiance, le renouveau dans la méthode, le renouveau dans les pratiques, le renouveau dans l’équipe gouvernementale.
Le gage de notre succès futur, non pas dans la conquête du pouvoir, mais dans la transformation de notre pays, c’est notre liberté. Et notre liberté, elle tient aujourd’hui au fait que nous ne devons rien à personne d’autre qu’aux Français : je serai ainsi fidèle aux engagements que j’ai pris devant eux.
Désormais, les choses sont claires : durant les quelque vingt-cinq jours qui nous séparent du premier tour de l’élection présidentielle, je n’exclus pas que d’autres responsables de la vie politique, de gauche ou de droite, s’expriment sur notre projet ou sur leurs propres choix. Je ne serai pas le commentateur quotidien de ces prises de parole. Je veux consacrer les vingt-cinq jours restants avant le premier tour à convaincre les Français sur le fond, pas à commenter l’actualité politique. Je veux consacrer ces semaines à venir à réunir le maximum de suffrages, à faire en sorte de convaincre le maximum de Français, d’abord de se déplacer pour exprimer leur voix, de les convaincre que le projet que nous portons est digne d’adhésion, qu’il est porteur d’espoir et d’une vraie transformation du pays. Et je veux, en particulier, m’adresser aux 40% de nos concitoyens qui se déclarent encore aujourd’hui indécis. C’est, à mes yeux, la priorité des jours et des semaines de campagne à venir, au-delà de toutes les vicissitudes ou de tous les commentaires de notre vie politique. Je vous remercie pour votre attention et je vais maintenant répondre à quelques unes de vos questions.
Il faut que quelqu’un ait un micro !
II/ Questions - réponses
Isabelle TORRE : Bonjour, Isabelle TORRE de TF1. J’ai deux petites questions. La première : vous avez parlé de votre gouvernement et de votre Premier ministre - je ne vais pas vous demander son nom - mais est-ce qu’il n’est pas exclu qu’il pourrait être issu de la société civile ? Et la deuxième : dans votre conclusion, vous avez dit que vous alliez passer vingt-cinq jours à convaincre. Comment expliquez-vous que vous n’arrivez pas à avoir derrière vous une vraie adhésion, justement sur 40 % des gens qui se disent qu’ils ne sont pas encore sûrs de voter pour vous ? Est-ce que vous ne les rassurez pas ? Qu’est-ce que vous pouvez leur dire ?
EM : Alors, sur le premier point : je n’y répondrai pas au-delà de ce que j’ai déjà dit. Je privilégierai les compétences et l’expérience, même si vous aurez noté que j’ai parlé aussi d’expérience politique pour la fonction de Premier ministre. Parce que compte tenu de sa nature, compte tenu des contraintes parlementaires, je pense qu’il est important d’avoir une bonne connaissance de notre vie politique. Pour le second point, je parlais de celles et ceux qui ne se prononcent pour aucun candidat aujourd’hui. Mais vous me permettrez de souligner que je n’ai pas le sentiment d’être le candidat qui suscite le moins d’adhésion aujourd’hui. Je garde beaucoup de lucidité et d’humilité jusqu’au dernier jour, pour autant je ne me flagelle pas tous les matins. Donc, dans les jours et les semaines qui viennent, je vais continuer à porter le projet et les convaincre ! Mais comme je veux essentiellement parler du fond de ce projet, des mesures concrètes et de ce qu’elles en portent, je veux passer le minimum de temps à parler des affaires des autres ou des sujets de majorité de vie politique. Il me paraissait légitime, compte tenu des interrogations, de les clarifier aujourd’hui, mais pour ne pas avoir à y revenir à chaque fois que je parle du fond.
Journaliste : Bonjour, vous dites vouloir incarner l’alternance. Est-ce que ça signifie que la composition du gouvernement exclura des membres d’anciens gouvernements, par exemple sous François HOLLANDE, sachant que vous aviez laissé entendre que vous pourriez travailler avec Jean-Yves LE DRIAN, première question ? Et deuxième question, sur un sujet annexe : Jean-Luc MÉLENCHON exclut de participer au troisième débat, quelle est votre position là-dessus ? Est-ce que vous le regrettez ? Est-ce que vous irez au troisième débat ?
EM : Sur le premier point, vous avez bien compris que je prônais le renouveau des visages. Donc il s’applique pour l’équipe gouvernementale, de manière très claire. Pour le deuxième point, j’ai moi-même indiqué il y a plusieurs semaines, à la direction de France 2, le fait que le débat me paraissait tardif en étant organisé le jeudi soir. Ce qui est l’un des arguments repris. Pour autant, je vais vous dire le fond de ma pensée sur ce sujet. Les débats sont utiles. Le débat à onze est-il celui qui permet, comme à cinq, de faire ressortir les détails et les contradictions des programmes ? Je n’en suis pas totalement persuadé mais je pense qu’ils sont attendus de nos concitoyens. Notre fonction est-elle de tourner, chaîne après chaîne, devant toutes les télévisions ? Je n’en suis pas persuadé. Et donc, pour ma part, je souhaite m’en remettre au CSA dont c’est la fonction, d’une part d’assurer le pluralisme de notre vie politique et d’autre part, d’organiser la vie médiatique et l’organisation entre les chaînes. Il est de tradition que le débat d’entre-deux tours de la présidentielle soit coordonné, en quelque sorte pour le compte des candidats, par le CSA. Pour ma part, je souhaite m’en remettre au CSA et je souhaite que le CSA puisse mettre autour de la table l’ensemble des chaînes, pour que nous ayons un débat - et un débat suffira - à onze, et en tout cas pas un débat de dernière minute, en effet.
Grégoire POUSSIELGUE : Bonjour, Grégoire POUSSIELGUE, des Échos. Quand est-ce qu’on connaîtra les premiers candidats investis pour les législatives et quand est-ce qu’on connaîtra les derniers ? Est-ce qu’ils seront désignés après le 7 mai ? Et si oui, dans quelle proportion ? Et seconde question : vous dites vous méfier de l’agenda caché des politiciens, vous pensez à qui ?
EM : Pour la deuxième question : ils sont nombreux et je vous laisse en faire le tri, mais nul n’a l’exclusive. Pour la première question : je n’exclus pas d’avoir une première vague d’investitures dans les prochaines semaines, mais nous verrons. Je ne l’exclus pas, sachant que, pour moi, la priorité des prochaines semaines, c’est l’élection présidentielle. Vous savez, je crois au temps politique. Je clarifie les choses puisqu’elles me sont ici demandées, et que j’entends cette attente. Mais notre priorité sur les prochaines semaines doit être l’élection présidentielle. La priorité suivante devra être l’organisation des élections législatives et la formation d’un gouvernement. Il ne faut pas jouer une étape avant d’avoir joué la première. Par contre, il y aura une part qui sera mineure, minoritaire, de circonscriptions, qui feront l’objet d’investitures le lendemain du deuxième tour, comme, d’ailleurs, vous l’aurez noté, la plupart des partis politiques, d’ailleurs, le prévoient.
Cédric PIETRALUNGA : Bonjour, Cédric PIETRALUNGA du Monde. Vous avez dit que les candidats aux législatives que vous allez investir ne devront l’être que sous l’étiquette En Marche !, c’est un changement de discours. Jusqu’ici, vous disiez que la double étiquette serait possible. Pourquoi ce changement? Est-ce à dire que vous demandez aux élus qui vous soutenaient jusqu’ici, notamment un certain nombre sont dans cette salle, de quitter leur parti ?
EM : Ça veut dire très concrètement, en effet, puisque nous arrivons dans une nouvelle étape, pour concrétiser la capacité à gouverner et à légiférer avec des sensibilités différentes mais dans une vraie cohérence, que je souhaite qu’il y ait une majorité présidentielle qui soit constituée et qu’en effet, pour les parlementaires qui aujourd’hui appartiennent à des formations politiques - que ce soit le parti socialiste, l’UDI ou les Républicains -, qui souhaitent intégrer cette majorité présidentielle, de le faire politiquement et administrativement sous cette étiquette.
François-Xavier BOURMAUD : Bonjour, François-Xavier BOURMAUD, le Figaro : Pour revenir sur votre gouvernement, vous avez dit vouloir former un gouvernement, si vous êtes élu, d’une quinzaine de ministres, il y en a à peu près autant qu’aujourd’hui, est-ce que ça veut dire que vous ne nommerez pas de secrétaires d’État ou de ministres délégués?
EM : Ça veut dire qu’il y en aura un peu moins qu’aujourd’hui, d’une part. Et ça veut dire qu’il n’y aura pas de ministre délégué, d’autre part. Et ça veut dire qu’il y aura quelques secrétaires d’État mais pour lesquels il n’y aura pas de compétences administratives et ministérielles affectées. Je m’explique: je suis favorable à un modèle où le ministre est en charge de l’ensemble de son périmètre ministériel avec, justement, une attribution claire et définie par le Premier ministre et ses services. Et que les secrétaires d’État sont affectés auprès du ministre pour alléger sa charge, pour partager son action mais pas avec une compétence ministérielle et un décret d’attribution propre.
Francis BROCHET : Bonjour, Francis BROCHET, pour les quotidiens régionaux du groupe Ebra. Dans l’hypothèse où, si vous êtes élu, vous n’avez pas de majorité absolue à l’assemblée, de députés En Marche !, comment concevez-vous de construire vos majorités? Est-ce que vous construisez une majorité stable en passant un accord avec tels ou tels groupes, au pluriel ? Ou est-ce que les majorités sont selon les textes discutés?
EM : Je viens de répondre à votre question. Je compte bien avoir une majorité stable. Non mais je veux dire de poser cette question à tout le champ politique. Je ne vais pas faire des majorités au taquet, au cas par cas. Il y a eu, dans notre vie politique ,une circonstance comparable, en 1988. Voilà. Où il y a eu une constitution, à ce moment-là, d’une majorité qui était fragile. Vous avez les outils constitutionnels qui vous permettent d’avancer et la capacité à convaincre et à parler. Pour autant, permettez-moi de noter que dans notre vie politique, ces questions que vous évoquez, elles étaient soulevées au Général DE GAULLE en 58, à François MITTERRAND en 81 à peu près dans les mêmes termes, à chaque fois qu’il y a eu des renouvellements profonds ou des refondations. Je vais être simple avec vous. Si les Français ne veulent pas d’un renouvellement ou d’une refondation de notre vie politique, ils ne m’éliront pas président de la République ! C’est leur choix le plus souverain. Mais permettez-moi de penser que s’ils décident de faire un tel choix, impensable il y a un an pour beaucoup, décrié par la plupart et considéré comme intenable par une large majorité, c’est qu’ils ont bien l’intention, six semaines plus tard, de me donner les moyens de présider et de gouverner.
Anne-Sylvaine CHASSANY : Anne-Sylvaine CHASSANY pour le FT. Deux questions: vous dites UN Premier ministre, donc j’imagine que ça ne peut pas être une femme.
EM : Je parle de la fonction !
ASC : D’accord mais ça peut être une femme?
EM : J’ai été très clair sur ce point...
ASC : Vous dites toujours “toutes celles et ceux”, donc je me posais la question.
EM : C’est mon hommage, à cet égard, à la sensibilité anglo-saxonne qui a ses vertus. Non, je l’ai dit. Pour moi, c’est avant tout un critère de compétence et d’expérience. Si possible, j’aimerais que ça puisse être une femme.
ASC : D’accord. Donc la deuxième question était : concernant, maintenant, votre demande que les candidats aux législatives puissent avoir la bannière En Marche ! Est-ce que ça ne va pas en dissuader certains, notamment au centre-droit, qui, quand-même, voient qu’il y a un mouvement d’alternance qui va peut-être se produire, qui a envie de se produire aux élections législatives - donc si vous imposez à vos candidats d’être sous votre bannière, c’est un peu avoir une hésitation pour ces candidats à droite et du coup, être un peu le candidat du centre-gauche? Ou la majorité de centre-gauche.
EM : Je vais vous dire très clairement: je n’aspire pas à être un président de la IVe République. Donc je conçois que beaucoup, aujourd’hui, ont conscience que, les choses étant en train de changer, ils cherchent à recréer, en quelque sorte, des chapelles politiques dans l’organisation existante. Simplement, moi, je veux de la cohérence pour agir, je veux de l’efficacité. Je vais être très franc avec vous : les états d’âme des uns et des autres ne sont pas ma priorité. Ma priorité, c’est de convaincre les Français, de gagner cette élection et ensuite, de pouvoir mener une politique à la hauteur des attentes des Français. Je les vois tous les jours, nos concitoyens. Ils veulent de l’efficacité. Donc je veux une majorité d’efficacité. Je veux simplement des femmes et des hommes qui sont prêts à aller derrière cette bannière “majorité présidentielle”.
Michel ROSE : Michel ROSE, de Reuters. Vous avez souhaité nommer des ministres de la société civile. Est-ce qu’il n’y a pas un risque de conflit d’intérêts si par exemple on nomme un ancien banquier ministre des Finances - je ne vous vise pas…
EM : Non, vous avez raison, d’autant que je n’ai jamais été ministre des Finances, donc vous pouvez continuer.
MR : Voilà. Ou alors un professionnel de l’industrie pharmaceutique en tant que ministre de la Santé. Comment est-ce que vous essaierez d’éviter ce genre de conflit d’intérêts?
EM : De manière simple. D’abord, le conflit d’intérêts, il se traite. Le coeur du conflit d’intérêts qu’on ne traite pas aujourd’hui, c’est de pouvoir avoir des hommes agir dans le secteur privé tout en étant dans la sphère publique. Ce à quoi nous avons encore assisté ces dernières semaines. Le coeur du conflit d’intérêts, c’est de pouvoir être parlementaire et de conseiller des intérêts privés, ça, c’est un conflit d’intérêts. Parce qu’il y a contemporanéité de l’action publique et de l’action dans le privé. Donc d’abord, réglons le coeur du conflit d’intérêts qui existe aujourd’hui.
Ensuite, je souhaite, pour ma part, qu’il y ait des femmes et des hommes qui viennent de la sphère privée, qui ont des compétences dans celle-ci et qui acceptent de les mettre pour quelques années au service de la sphère publique. Mais cela se fait de manière simple. On déclare dès le début quels sont les intérêts en jeu, ce pour quoi on a travaillé, ce qu’on a fait, on le rend public, on se lie les mains sur certains dossiers. Si vous avez quelqu’un qui a eu des fonctions dans l’industrie et qui devient ministre de l’Économie et de l’Industrie, eh bien il déclare l’ensemble de ses intérêts passés, de ses intérêts restants, y compris, d’ailleurs, sur le plan patrimonial - ce que fait aujourd’hui chacun devant la Haute Autorité -, et il n’aura pas à connaître de certains dossiers qui ont constitué sa vie passée ou ses intérêts. Vous avons connu des ministres de l’Économie qui venaient du secteur privé, qui ont su faire cela et nous l’avons géré.
Je pense qu’il ne faut pas tout confondre, sinon cela veut dire qu’on décide de professionnaliser la vie politique intégralement. Et je pense le contraire. Je pense que si on professionnalise la vie politique, eh bien, ce n’est pas compatible avec le non-cumul des mandats tel qu’il a été voté et le non-cumul dans le temps, et ensuite, je pense que c’est ce qui construit la déconnexion de nos responsables politiques, qu’ils soient législateurs ou au gouvernement, à l’égard des préoccupations de nos concitoyens et de la réalité des secteurs. Donc ça se règle, dès le début, avec une déclaration. Moi, je suis favorable à ce que, d’ailleurs, ces déclarations, comme c’est le cas aujourd’hui, soient rendues publiques et qu’il puisse y avoir un débat parlementaire - qui n’a pas valeur bloquante parce que notre constitution est ainsi faite que c’est le président qui nomme, sur proposition du Premier ministre -, qu’on puisse organiser d’ailleurs un débat pour que, devant le parlement, il y ait évocation de tous ces sujets de manière très transparente et extrêmement claire pour lever tout soupçon.
Journaliste RTL : Est-ce que tout le but de cette conférence de presse n’est pas de fermer la porte à Manuel VALLS, avant qu’il prenne une initiative pour ne pas avoir à lui fermer la porte à la figure?
EM : Non, je ne ferme la porte à personne, comme vous l’avez noté. Puisque d’ailleurs, j’invite toutes celles et ceux qui souhaitent se rallier sur les bases indiquées à le faire de manière très claire. Simplement, cette conférence de presse, elle est organisée, en effet, avant des décisions à venir pour les uns et des décisions passées pour les autres. Et une chronique quotidienne, que je note parce que nous partageons ce quotidien, chers amis, où je constate qu’une grande partie des questions qui me sont posées, quel que soit l’endroit où je me trouve ou les sujets que je soulève, a à voir, justement, avec ces ralliements des uns ou des autres. C’est pour cela que je me devais de faire ces clarifications, sémantiques - ce sont, pour la plupart, des soutiens - d’organisation du gouvernement et d’organisation de la majorité. Je ne sais pas les choix qui sont à venir pour les uns et les autres. J’ai juste dit, étant candidat à l’élection présidentielle et en charge non seulement d’une action mais aussi d’une majorité à venir, quelles étaient les règles que nous entendions faire respecter. Parce que ce ne sont pas les décisions des uns ou des autres, qu’elles soient passées ou à venir, qui détermineront ni la constitution de cette majorité présidentielle, ni son fonctionnement , ni la composition du gouvernement. Il est bon, vous savez, dans ces périodes, d’être extrêmement bienveillant - je l’ai toujours été, vous ne m’avez jamais entendu tenir de propos agressifs à l’égard d’un tel ou un tel ou faire siffler dans mes meetings -, d’être en même temps très clair. Moi, j’aspire à présider, je n’aspire pas à diriger un mouvement politique complexe, je n’aspire pas à composer des équilibres politiques multiples, j’aspire à présider pour être efficace et répondre aux problèmes du pays. Et dans ce contexte-là, dans une campagne faite de beaucoup de soubresauts, il est parfois bon aussi de savoir être maître des horloges. C’était l’objet de cette conférence. Merci pour votre attention. Merci beaucoup. Isabelle TORRE : Bonjour, Isabelle TORRE de TF1. J’ai deux petites questions. La première : vous avez parlé de votre gouvernement et de votre Premier ministre - je ne vais pas vous demander son nom - mais est-ce qu’il n’est pas exclu qu’il pourrait être issu de la société civile ? Et la deuxième : dans votre conclusion, vous avez dit que vous alliez passer vingt-cinq jours à convaincre. Comment expliquez-vous que vous n’arrivez pas à avoir derrière vous une vraie adhésion, justement sur 40 % des gens qui se disent qu’ils ne sont pas encore sûrs de voter pour vous ? Est-ce que vous ne les rassurez pas ? Qu’est-ce que vous pouvez leur dire ?
EM : Alors, sur le premier point : je n’y répondrai pas au-delà de ce que j’ai déjà dit. Je privilégierai les compétences et l’expérience, même si vous aurez noté que j’ai parlé aussi d’expérience politique pour la fonction de Premier ministre. Parce que compte tenu de sa nature, compte tenu des contraintes parlementaires, je pense qu’il est important d’avoir une bonne connaissance de notre vie politique. Pour le second point, je parlais de celles et ceux qui ne se prononcent pour aucun candidat aujourd’hui. Mais vous me permettrez de souligner que je n’ai pas le sentiment d’être le candidat qui suscite le moins d’adhésion aujourd’hui. Je garde beaucoup de lucidité et d’humilité jusqu’au dernier jour, pour autant je ne me flagelle pas tous les matins. Donc, dans les jours et les semaines qui viennent, je vais continuer à porter le projet et les convaincre ! Mais comme je veux essentiellement parler du fond de ce projet, des mesures concrètes et de ce qu’elles en portent, je veux passer le minimum de temps à parler des affaires des autres ou des sujets de majorité de vie politique. Il me paraissait légitime, compte tenu des interrogations, de les clarifier aujourd’hui, mais pour ne pas avoir à y revenir à chaque fois que je parle du fond.
Journaliste : Bonjour, vous dites vouloir incarner l’alternance. Est-ce que ça signifie que la composition du gouvernement exclura des membres d’anciens gouvernements, par exemple sous François HOLLANDE, sachant que vous aviez laissé entendre que vous pourriez travailler avec Jean-Yves LE DRIAN, première question ? Et deuxième question, sur un sujet annexe : Jean-Luc MÉLENCHON exclut de participer au troisième débat, quelle est votre position là-dessus ? Est-ce que vous le regrettez ? Est-ce que vous irez au troisième débat ?
EM : Sur le premier point, vous avez bien compris que je prônais le renouveau des visages. Donc il s’applique pour l’équipe gouvernementale, de manière très claire. Pour le deuxième point, j’ai moi-même indiqué il y a plusieurs semaines, à la direction de France 2, le fait que le débat me paraissait tardif en étant organisé le jeudi soir. Ce qui est l’un des arguments repris. Pour autant, je vais vous dire le fond de ma pensée sur ce sujet. Les débats sont utiles. Le débat à onze est-il celui qui permet, comme à cinq, de faire ressortir les détails et les contradictions des programmes ? Je n’en suis pas totalement persuadé mais je pense qu’ils sont attendus de nos concitoyens. Notre fonction est-elle de tourner, chaîne après chaîne, devant toutes les télévisions ? Je n’en suis pas persuadé. Et donc, pour ma part, je souhaite m’en remettre au CSA dont c’est la fonction, d’une part d’assurer le pluralisme de notre vie politique et d’autre part, d’organiser la vie médiatique et l’organisation entre les chaînes. Il est de tradition que le débat d’entre-deux tours de la présidentielle soit coordonné, en quelque sorte pour le compte des candidats, par le CSA. Pour ma part, je souhaite m’en remettre au CSA et je souhaite que le CSA puisse mettre autour de la table l’ensemble des chaînes, pour que nous ayons un débat - et un débat suffira - à onze, et en tout cas pas un débat de dernière minute, en effet.
Grégoire POUSSIELGUE : Bonjour, Grégoire POUSSIELGUE, des Échos. Quand est-ce qu’on connaîtra les premiers candidats investis pour les législatives et quand est-ce qu’on connaîtra les derniers ? Est-ce qu’ils seront désignés après le 7 mai ? Et si oui, dans quelle proportion ? Et seconde question : vous dites vous méfier de l’agenda caché des politiciens, vous pensez à qui ?
EM : Pour la deuxième question : ils sont nombreux et je vous laisse en faire le tri, mais nul n’a l’exclusive. Pour la première question : je n’exclus pas d’avoir une première vague d’investitures dans les prochaines semaines, mais nous verrons. Je ne l’exclus pas, sachant que, pour moi, la priorité des prochaines semaines, c’est l’élection présidentielle. Vous savez, je crois au temps politique. Je clarifie les choses puisqu’elles me sont ici demandées, et que j’entends cette attente. Mais notre priorité sur les prochaines semaines doit être l’élection présidentielle. La priorité suivante devra être l’organisation des élections législatives et la formation d’un gouvernement. Il ne faut pas jouer une étape avant d’avoir joué la première. Par contre, il y aura une part qui sera mineure, minoritaire, de circonscriptions, qui feront l’objet d’investitures le lendemain du deuxième tour, comme, d’ailleurs, vous l’aurez noté, la plupart des partis politiques, d’ailleurs, le prévoient.
Cédric PIETRALUNGA : Bonjour, Cédric PIETRALUNGA du Monde. Vous avez dit que les candidats aux législatives que vous allez investir ne devront l’être que sous l’étiquette En Marche !, c’est un changement de discours. Jusqu’ici, vous disiez que la double étiquette serait possible. Pourquoi ce changement? Est-ce à dire que vous demandez aux élus qui vous soutenaient jusqu’ici, notamment un certain nombre sont dans cette salle, de quitter leur parti ?
EM : Ça veut dire très concrètement, en effet, puisque nous arrivons dans une nouvelle étape, pour concrétiser la capacité à gouverner et à légiférer avec des sensibilités différentes mais dans une vraie cohérence, que je souhaite qu’il y ait une majorité présidentielle qui soit constituée et qu’en effet, pour les parlementaires qui aujourd’hui appartiennent à des formations politiques - que ce soit le parti socialiste, l’UDI ou les Républicains -, qui souhaitent intégrer cette majorité présidentielle, de le faire politiquement et administrativement sous cette étiquette.
François-Xavier BOURMAUD : Bonjour, François-Xavier BOURMAUD, le Figaro : Pour revenir sur votre gouvernement, vous avez dit vouloir former un gouvernement, si vous êtes élu, d’une quinzaine de ministres, il y en a à peu près autant qu’aujourd’hui, est-ce que ça veut dire que vous ne nommerez pas de secrétaires d’État ou de ministres délégués?
EM : Ça veut dire qu’il y en aura un peu moins qu’aujourd’hui, d’une part. Et ça veut dire qu’il n’y aura pas de ministre délégué, d’autre part. Et ça veut dire qu’il y aura quelques secrétaires d’État mais pour lesquels il n’y aura pas de compétences administratives et ministérielles affectées. Je m’explique: je suis favorable à un modèle où le ministre est en charge de l’ensemble de son périmètre ministériel avec, justement, une attribution claire et définie par le Premier ministre et ses services. Et que les secrétaires d’État sont affectés auprès du ministre pour alléger sa charge, pour partager son action mais pas avec une compétence ministérielle et un décret d’attribution propre.
Francis BROCHET : Bonjour, Francis BROCHET, pour les quotidiens régionaux du groupe Ebra. Dans l’hypothèse où, si vous êtes élu, vous n’avez pas de majorité absolue à l’assemblée, de députés En Marche !, comment concevez-vous de construire vos majorités? Est-ce que vous construisez une majorité stable en passant un accord avec tels ou tels groupes, au pluriel ? Ou est-ce que les majorités sont selon les textes discutés?
EM : Je viens de répondre à votre question. Je compte bien avoir une majorité stable. Non mais je veux dire de poser cette question à tout le champ politique. Je ne vais pas faire des majorités au taquet, au cas par cas. Il y a eu, dans notre vie politique ,une circonstance comparable, en 1988. Voilà. Où il y a eu une constitution, à ce moment-là, d’une majorité qui était fragile. Vous avez les outils constitutionnels qui vous permettent d’avancer et la capacité à convaincre et à parler. Pour autant, permettez-moi de noter que dans notre vie politique, ces questions que vous évoquez, elles étaient soulevées au Général DE GAULLE en 58, à François MITTERRAND en 81 à peu près dans les mêmes termes, à chaque fois qu’il y a eu des renouvellements profonds ou des refondations. Je vais être simple avec vous. Si les Français ne veulent pas d’un renouvellement ou d’une refondation de notre vie politique, ils ne m’éliront pas président de la République ! C’est leur choix le plus souverain. Mais permettez-moi de penser que s’ils décident de faire un tel choix, impensable il y a un an pour beaucoup, décrié par la plupart et considéré comme intenable par une large majorité, c’est qu’ils ont bien l’intention, six semaines plus tard, de me donner les moyens de présider et de gouverner.
Anne-Sylvaine CHASSANY : Anne-Sylvaine CHASSANY pour le FT. Deux questions: vous dites UN Premier ministre, donc j’imagine que ça ne peut pas être une femme.
EM : Je parle de la fonction !
ASC : D’accord mais ça peut être une femme?
EM : J’ai été très clair sur ce point...
ASC : Vous dites toujours “toutes celles et ceux”, donc je me posais la question.
EM : C’est mon hommage, à cet égard, à la sensibilité anglo-saxonne qui a ses vertus. Non, je l’ai dit. Pour moi, c’est avant tout un critère de compétence et d’expérience. Si possible, j’aimerais que ça puisse être une femme.
ASC : D’accord. Donc la deuxième question était : concernant, maintenant, votre demande que les candidats aux législatives puissent avoir la bannière En Marche ! Est-ce que ça ne va pas en dissuader certains, notamment au centre-droit, qui, quand-même, voient qu’il y a un mouvement d’alternance qui va peut-être se produire, qui a envie de se produire aux élections législatives - donc si vous imposez à vos candidats d’être sous votre bannière, c’est un peu avoir une hésitation pour ces candidats à droite et du coup, être un peu le candidat du centre-gauche? Ou la majorité de centre-gauche.
EM : Je vais vous dire très clairement: je n’aspire pas à être un président de la IVe République. Donc je conçois que beaucoup, aujourd’hui, ont conscience que, les choses étant en train de changer, ils cherchent à recréer, en quelque sorte, des chapelles politiques dans l’organisation existante. Simplement, moi, je veux de la cohérence pour agir, je veux de l’efficacité. Je vais être très franc avec vous : les états d’âme des uns et des autres ne sont pas ma priorité. Ma priorité, c’est de convaincre les Français, de gagner cette élection et ensuite, de pouvoir mener une politique à la hauteur des attentes des Français. Je les vois tous les jours, nos concitoyens. Ils veulent de l’efficacité. Donc je veux une majorité d’efficacité. Je veux simplement des femmes et des hommes qui sont prêts à aller derrière cette bannière “majorité présidentielle”.
Michel ROSE : Michel ROSE, de Reuters. Vous avez souhaité nommer des ministres de la société civile. Est-ce qu’il n’y a pas un risque de conflit d’intérêts si par exemple on nomme un ancien banquier ministre des Finances - je ne vous vise pas…
EM : Non, vous avez raison, d’autant que je n’ai jamais été ministre des Finances, donc vous pouvez continuer.
MR : Voilà. Ou alors un professionnel de l’industrie pharmaceutique en tant que ministre de la Santé. Comment est-ce que vous essaierez d’éviter ce genre de conflit d’intérêts?
EM : De manière simple. D’abord, le conflit d’intérêts, il se traite. Le coeur du conflit d’intérêts qu’on ne traite pas aujourd’hui, c’est de pouvoir avoir des hommes agir dans le secteur privé tout en étant dans la sphère publique. Ce à quoi nous avons encore assisté ces dernières semaines. Le coeur du conflit d’intérêts, c’est de pouvoir être parlementaire et de conseiller des intérêts privés, ça, c’est un conflit d’intérêts. Parce qu’il y a contemporanéité de l’action publique et de l’action dans le privé. Donc d’abord, réglons le coeur du conflit d’intérêts qui existe aujourd’hui.
Ensuite, je souhaite, pour ma part, qu’il y ait des femmes et des hommes qui viennent de la sphère privée, qui ont des compétences dans celle-ci et qui acceptent de les mettre pour quelques années au service de la sphère publique. Mais cela se fait de manière simple. On déclare dès le début quels sont les intérêts en jeu, ce pour quoi on a travaillé, ce qu’on a fait, on le rend public, on se lie les mains sur certains dossiers. Si vous avez quelqu’un qui a eu des fonctions dans l’industrie et qui devient ministre de l’Économie et de l’Industrie, eh bien il déclare l’ensemble de ses intérêts passés, de ses intérêts restants, y compris, d’ailleurs, sur le plan patrimonial - ce que fait aujourd’hui chacun devant la Haute Autorité -, et il n’aura pas à connaître de certains dossiers qui ont constitué sa vie passée ou ses intérêts. Vous avons connu des ministres de l’Économie qui venaient du secteur privé, qui ont su faire cela et nous l’avons géré.
Je pense qu’il ne faut pas tout confondre, sinon cela veut dire qu’on décide de professionnaliser la vie politique intégralement. Et je pense le contraire. Je pense que si on professionnalise la vie politique, eh bien, ce n’est pas compatible avec le non-cumul des mandats tel qu’il a été voté et le non-cumul dans le temps, et ensuite, je pense que c’est ce qui construit la déconnexion de nos responsables politiques, qu’ils soient législateurs ou au gouvernement, à l’égard des préoccupations de nos concitoyens et de la réalité des secteurs. Donc ça se règle, dès le début, avec une déclaration. Moi, je suis favorable à ce que, d’ailleurs, ces déclarations, comme c’est le cas aujourd’hui, soient rendues publiques et qu’il puisse y avoir un débat parlementaire - qui n’a pas valeur bloquante parce que notre constitution est ainsi faite que c’est le président qui nomme, sur proposition du Premier ministre -, qu’on puisse organiser d’ailleurs un débat pour que, devant le parlement, il y ait évocation de tous ces sujets de manière très transparente et extrêmement claire pour lever tout soupçon.
Journaliste RTL : Est-ce que tout le but de cette conférence de presse n’est pas de fermer la porte à Manuel VALLS, avant qu’il prenne une initiative pour ne pas avoir à lui fermer la porte à la figure?
EM : Non, je ne ferme la porte à personne, comme vous l’avez noté. Puisque d’ailleurs, j’invite toutes celles et ceux qui souhaitent se rallier sur les bases indiquées à le faire de manière très claire. Simplement, cette conférence de presse, elle est organisée, en effet, avant des décisions à venir pour les uns et des décisions passées pour les autres. Et une chronique quotidienne, que je note parce que nous partageons ce quotidien, chers amis, où je constate qu’une grande partie des questions qui me sont posées, quel que soit l’endroit où je me trouve ou les sujets que je soulève, a à voir, justement, avec ces ralliements des uns ou des autres. C’est pour cela que je me devais de faire ces clarifications, sémantiques - ce sont, pour la plupart, des soutiens - d’organisation du gouvernement et d’organisation de la majorité. Je ne sais pas les choix qui sont à venir pour les uns et les autres. J’ai juste dit, étant candidat à l’élection présidentielle et en charge non seulement d’une action mais aussi d’une majorité à venir, quelles étaient les règles que nous entendions faire respecter. Parce que ce ne sont pas les décisions des uns ou des autres, qu’elles soient passées ou à venir, qui détermineront ni la constitution de cette majorité présidentielle, ni son fonctionnement , ni la composition du gouvernement. Il est bon, vous savez, dans ces périodes, d’être extrêmement bienveillant - je l’ai toujours été, vous ne m’avez jamais entendu tenir de propos agressifs à l’égard d’un tel ou un tel ou faire siffler dans mes meetings -, d’être en même temps très clair. Moi, j’aspire à présider, je n’aspire pas à diriger un mouvement politique complexe, je n’aspire pas à composer des équilibres politiques multiples, j’aspire à présider pour être efficace et répondre aux problèmes du pays. Et dans ce contexte-là, dans une campagne faite de beaucoup de soubresauts, il est parfois bon aussi de savoir être maître des horloges. C’était l’objet de cette conférence. Merci pour votre attention. Merci beaucoup.