Sophie Cluzel : “La crise accélère la transformation de l'offre proposée aux personnes handicapées”
21 avril 2020 - Sophie Cluzel, secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées, dessine les contours du déconfinement pour les personnes en situation de handicap et tire les premiers enseignements de la crise sanitaire. Interview.
Le confinement est prolongé jusqu'au 11 mai avant un déconfinement progressif. Quelles dispositions particulières sont prises pour les personnes dont le handicap est aggravé par le confinement ?
Le confinement est effectivement difficile à vivre pour certaines personnes en situation de handicap car il provoque des troubles de comportement importants ou une altération de la santé mentale, notamment pour les personnes avec autisme, déficience intellectuelle, déficit de l’attention, avec ou sans hyperactivité (TDAH) ou troubles psychiques. Pour leurs proches également, cette situation peut également devenir critique.C’est pourquoi nous avons assoupli avec le ministre de l’Intérieur les règles de sorties pour ces personnes et leur accompagnant. Elles ne sont pas limitées à 1km autour du domicile, ni à 1h. Elles peuvent fractionner leurs sorties en cas de besoin. Les forces de l’ordre ont reçu des consignes en ce sens. Il suffit pour les personnes de se munir de l’attestation dérogatoire de déplacement, ainsi que d’un justificatif de leur handicap. Leur accompagnant aussi doit avoir son attestation. C’est un vrai soulagement pour ces personnes et ces familles. Pour les personnes restées dans les internats, elles peuvent aussi être accompagnées par un professionnel dans les espaces extérieurs des établissements.
Nous avons également développé des solutions de répit pour les aidants. Cela peut passer par du relayage à domicile mais aussi, dans certaines situations, par un accueil des personnes en hébergement, de 7 à 14 jours renouvelables.
Enfin, des dispositifs d’appui et de solidarité ont été développés : je pense au renforcement d’Autisme Info Service accessible au 0 800 71 40 40 ou à la plateforme www.solidaires-handicaps.fr sur laquelle personnes et familles peuvent trouver de l’aide pour les courses, des solutions de répit ou encore bénéficier d’une écoute et d’un soutien.
« Les professionnels du secteur ont fait preuve d’une mobilisation et d’une capacité d’adaptation sans faille et nous leur devons beaucoup. »
chargée des personnes handicapées
Comment travaillez-vous dans cette période de crise avec les associations et les professionnels du secteur médico-social présents sur tout le territoire ?
Depuis le début de la crise, nous avons une réunion par semaine avec l’ensemble des organismes gestionnaires d’établissements et services médico-sociaux, pour partager l’information et les points d’alerte. Je pense que cette collaboration est l’une des raisons de la bonne application sur les territoires des mesures prises en matière de protection sanitaire. Nous déplorons aujourd’hui moins de 250 décès dans ces établissements et services, qui accompagnent près de 500 000 personnes, même si bien entendu ce sont 250 décès de trop et qu’il nous faut rester extrêmement prudent par la suite. Je tiens à ce titre à saluer l’engagement de tous les professionnels des établissements et services médico-sociaux, ainsi que celui des auxiliaires de vie à domicile. Depuis de la crise, ils ont fait preuve d’une mobilisation et d’une capacité d’adaptation sans faille et nous leur devons beaucoup. Nous aurons d’ailleurs à capitaliser après la crise sur toutes les initiatives ainsi suscitées.
Je suis par ailleurs en contact étroit et régulier avec les Agences régionales de santé et les Conseils départementaux. Avec les Conseils départementaux, nous avons mis en place une continuité de services dans les Maisons départementales du handicap, afin que les personnes handicapées ne soient pas en rupture de droits. A la complexité sanitaire, il était hors de question de rajouter des complications administratives.
Le Premier ministre l'a dit, nous allons devoir apprendre à vivre avec le virus. Quelles modalités peuvent-être prises pour accompagner les personnes fragiles pendant ce déconfinement progressif ?
Le président de la République a donné 15 jours au Gouvernement pour travailler à la stratégie générale de déconfinement et nous sommes donc au travail pour organiser les modalités en ce qui concerne les personnes en situation de handicap. Nous travaillons pour ce faire en étroite collaboration avec les organismes gestionnaires, les Agences régionales de santé mais aussi le Conseil national consultatif des personnes handicapées. Il est encore trop tôt pour les évoquer.
Pour autant, nous en avons fixé quelques grands principes. Le premier est que les personnes en situation de handicap ne seront pas assignées à résidence en raison de leur handicap. Le critère qui devra être pris en compte est celui de leur santé. Ainsi, celles qui le peuvent, devront pouvoir, comme tout un chacun et dans le strict respect des mesures de précaution, retourner à l’école, au travail… Le second est qu’il nous faudra veiller à l’accessibilité de l’information sanitaire et des consignes données à l’ensemble de la population. Des efforts importants ont déjà été faits depuis le début de la crise, il faudra les prolonger et les amplifier. Le Premier ministre l’a dit, nous réussirons le déconfinement tous ensemble, et cela implique que nos concitoyens handicapés aient toute l’information nécessaire.
« La crise est un levier d’accélération de la transformation de l’offre proposée aux personnes en situation de handicap. »
chargée des personnes handicapées
Quels premiers enseignements tirez-vous de cette crise ? Qu'est-ce qui doit changer dans l'après ?
Je retiens en premier lieu l’agilité et la capacité d’initiatives dont ont su faire preuve les acteurs du territoire. Dans notre champ, la crise est un levier d’accélération de la transformation de l’offre proposée aux personnes en situation de handicap. Nous allons fortement capitaliser là-dessus.
Je pense que cette crise a aussi révélé la situation de grand isolement dans laquelle se trouvent certaines personnes et certains proches aidants. Pour les personnes cela peut se traduire par des ruptures d’accompagnement à domicile et pour les aidants par une grande détresse. Cette situation que nous vivons nous prouve encore une fois combien les 8 millions d’aidants que compte notre pays sont un maillon essentiel de la solidarité nationale et qu’il est nécessaire que l’Etat les accompagne au mieux. Le plan aidants que nous avons lancé l’an dernier devra à ce titre tenir ses promesses.