Retraites : 3 questions à ... Jean Grosset
11 octobre 2019 - Jean Grosset, Directeur de l'Observatoire du dialogue social de la Fondation Jean-Jaurès, nous livre ici sa perspective sur la réforme portée par la majorité et sur la méthode choisie.
Pourquoi encore une réforme des retraites ?
De mon point de vue, le système des retraites actuel ne répond plus aux nouveaux défis de notre temps. Construit après la seconde guerre mondiale dans un contexte économique bien différent et composé de plus de 40 régimes aux règles complexes, il n’est plus en état de répondre aux enjeux de démographie, de santé, de justice sociale ou encore d’évolution des réalités économiques.
Le départ à la retraite des « babyboomers » qui pèse progressivement un peu plus sur les actifs, l’allongement de la durée de vie enclenchant une hausse des dépenses de santé accordées au grand âge, l’amélioration de certaines conditions de travail, la multiplication des parcours de carrière qui complexifie le calcul du montant des pensions ou encore la non-prise en compte des situations propres à certaines populations (femmes élevant des enfants, interruption de carrière pour cause de chômage …) sont autant d’éléments qui doivent maintenant être pris en compte.
Unifier tant de systèmes aux règles et exceptions bien nombreuses pourrait permettre de répondre aux inégalités de traitement et de destin.
Un point sur la méthode : concertation, consultation, débat : pourquoi une telle approche ?
Toucher au système de retraite, c’est impacter l’ensemble de la société française. Le Gouvernement s’est visiblement décidé à prendre toutes les précautions possibles. En adoptant une approche très ouverte, sur le modèle du Grand Débat National, il cherche tout d’abord à impliquer les Français pour bien établir le constat de la majorité, pour qui le statut quo ne peut durer.
Il serait utile que le Gouvernement poursuive dans son action pour désamorcer toutes les craintes qui risqueraient de relancer les tensions sociales. Les partenaires sociaux ont été critiques de la méthode, notamment pendant les premières réformes du quinquennat portées sur le travail. Revenant à l’origine de sa promesse de valoriser les corps intermédiaires et de remettre les citoyens au cœur, la majorité affiche la volonté de créer un consensus autour de son projet.
La réforme des retraites, réforme phare de l'acte II du quinquennat ?
La première période du quinquennat du Président a été marquée par un grand nombre de réformes très structurelle : ordonnances travail, refonte du bac et de l’apprentissage, réforme de la SNCF qui ont parfois été l’objet d’oppositions et de conflits La crise des gilets jaunes a pourtant révélé que si les réformes se faisaient vite, les Français n’en ressentaient pas forcément encore les effets. Surtout, ils souhaitent être désormais associés beaucoup plus profondément à la conception des réformes. La logique du grand débat est un exemple marquant de démocratie participative dont la philosophie imprègne l’actuelle convention citoyenne pour le climat qui se déroule au CESE. Il faudra voir à l’avenir comment coexisteront démocratie représentative, dans sa forme classique que l’on connaît, et ces prémices de la démocratie délibérative. L’acte II du quinquennat a été esquissé par l’exécutif comme une nouvelle méthode, le Président s’obligeant à écouter avant d’agir tout en déléguant plus qu’avant au Gouvernement et aux partenaires sociaux.
La réformes des retraites est parfois décrite comme la mère des batailles : elle revêt deux enjeux puissants. D’une part, la méthode employée sera à scruter de près : le Gouvernement va-t-il tenir sa promesse d’associer tous les acteurs jusqu’au bout ou bien sera-t-il tenté à un moment de jouer le rapport de force face aux syndicats et de jouer des rivalités entre tous les intérêts corporatistes ? Le choix de nommer Jean-Paul Delevoye Haut-Commissaire aux Retraites est un indice : il est connu pour ses bonnes relations avec les partenaires sociaux. D’autre part, l’ambition de la réforme est immense et il sera intéressant de voir si la montagne n’accouchera pas d’une souris. Et si, comme l’avait dit Emmanuel Macron lors de sa campagne, il n’y aura aucun perdant. Auquel cas, ce serait un vrai coup d’arrêt pour le Président qui a investi beaucoup de capital politique dessus. À ce titre, le calendrier choisi, encore flou à ce stade, sera intéressant à analyser.